Certains chefs africains ne se laissaient toutefois pas convaincre par les négriers. Ils s’opposaient à la traite, tout au moins dans un premier temps. Mais les négriers avaient des moyens détournés pour parvenir à leurs fins : on sait que l’une des causes du coup d’État de 1818 ayant abouti au renversement du roi Adandozan du Dahomey (1797-1818) fut son hostilité à la traite négrière. Le souverain estimait en effet que « le pays pouvait tirer meilleur profit de l’esclave si on l’utilisait à cultiver la terre. Il réprouvait la guerre elle-même, dans laquelle son peuple perdait un sang et des bras précieux ». Un habile négrier portugais d’origine brésilienne, Francisco Felix de Sousa, intrigue avec l’aide des princes et des dignitaires mécontents de la politique d’Adandozan, et Gankpé, frère du roi et chef d’armée accéda au trône sous le nom de Guézo. Si un chef était débiteur d’un négrier pour des achats de marchandises, il suffisait que ce dernier exigeât son remboursement en esclaves pour que la brèche fût ouverte.
On a peine à évoquer les tortures infligées : marquage au fer rouge, amputation de nez, des oreilles, des doigts, castration, bûcher… Même si on les replace dans le contexte d’un temps où les châtiments corporels contre les Blancs inférieurs étaient aussi de mise, la systématisation de ces conduites, considérées comme nécessaires à la survie de l’esclavage, demeure effarante. Le fait d’être, sur les grandes propriétés, sous l’autorité d’un «commandeur», sorte de contremaitre noir chargé d’autorité, a encore exagéré les conduites violentes de punition. Car il lui fallait se faire obéir de ses congénères… et tenir le fouet quand il s’agissait de punir les marrons qu’on capturés. Ces pratiques s’établirent dans la durée, ce bon vieux temps où, il est vrai, l’on envoyait aussi au bagne des Jean Valjean pour avoir volé un pain ! L’esclave, qui représentait un investissement précieux, était dans le même cas seulement fouetté ou mis au pilori.
Enraciner le peuple à son terroir en lui faisant connaître le charme de son pays,la noblesse de son travail,la beauté de forme de ses objets ménagers,la grâce de son costume féminin,telle était la fin que poursuivait le fondateur du premier musée d'ethnographie du midi....
Fernand Benoit (ancien conservateur du Muséon Arlenten, Arles)
Nanon fut distinguée par son propriétaire , Guillaume Pierre Tavernier de Boullongne, et en aura un fils, le petit Joseph. Le père, qui l’adore et va s’occuper soigneusement de son éducation, ne peut lui transmettre (toujours le Code Noir !) son titre nobiliaire : il l’adoubera en le faisant chevalier… du nom d’une terre voisine ; et c’est ainsi qu’en plein XVIIIème siècle, le chevalier de Saint-Georges conjuguera son sang africain avec la tradition de la chevalerie médiévale.
[…] Et le planteur enrichi veut que son fils, dont la beauté est éclatante, reçoive l’éducation d’un gentilhomme : tir, escrime, manège, école de danse ; tout lui sera offert, tout lui réussira. Il devint le plus grand escrimeur de son temps (provoquant même en duel le fameux chevalier d’Éon). Mais il reçoit une première rebuffade auprès des mousquetaires du roi : « Les cadets des grandes familles qui s’enorgueillissent de servir dans ces deux compagnies d’élite de la maison militaire du roi repoussent bien vite ce nègre qui n’a pas sa place parmi eux. Ils ont le droit pour eux […]
La musique lui permettra de survivre, et il garde sa popularité dans la société parisienne en vue jusqu’à sa mort en 1799. Trois ans après sa disparition, Paris l’appelait toujours le « Mozart noir ». Mais, le 20 mai 1802, Bonaparte rétablit l’esclavage : il ne s’agit plus d’ériger en exemple un Noir qui « a réussi ». Le silence et l’oubli tombent sur le chevalier de Saint-Georges, son histoire et sa musique. Un silence de deux siècles…
Fil de brume
Lune gibbeuse
Zébrures de pluie.
Un petit village jeté sur une immense plaine.
Une maison rapiécée, et un homme.
Tout est toujours pareil, rien ne bouge, rien ne vit.
La déportation et la mise en esclavage de plus de vingt millions d’africains pendant quatre cents ans constituent le plus grand « dérangement » historique à l’origine de notre univers occidental actuel, pour reprendre le terme appliqué en son temps à la déportation des acadiens en Louisiane.
C'est une saga que nous conte Claude Fauque. Fine diseuse du textile et autres beaux ouvrages de dames, fileuse de lin et de soie, chantre de la Provence de Mistral, de la Compagnie des Indes ou de l'École de Nancy, elle se fait ici «aède».
Pour nous conter une Iliade de l'Allier, avec ses Achéens, ses Parisiens et ses Troyens.
Une Odyssée bourbonnaise avec ses patientes Pénélopes, ses sirènes et ses prétendants.
"Un commerce d'hommes!.... grand Dieu!... et la nature ne frémit pas! S'ils sont des animaux, ne le sommes-nous pas comme eux?"
Olympe de Gouges
Particulièrement experte en matière de patchworks, Claude Fauque nous déroule celui que composent toutes les garde-robes de cette créature protéiforme, parée, des anciennes panières poussiéreuses aux «compactus» «nickel chrome» d'aujourd'hui, de toutes les nuances du velours, de tous les sortilèges, de toutes les illusions, dont elle délivre quelques secrets.
Le boutis,ouvrage divin qui ressemble à un pré dont le givre broda de blanc les feuilles et les pousses.
Mistral