Bande annonce de la série Les pays d'en haut, série télévisée québécoise, remake du téléroman Les Belles Histoires des pays d'en haut, diffusé de 1956 à 1970. Cette nouvelle adaptation se veut réaliste du roman d'origine Un homme et son péché de Claude Henri Grignon
Rien dans la nature ne pouvait émouvoir cet homme au coeur sec. Rien. Ni le vent doux qui glissait comme une main caressante le long de l'azur, ni les chutes de la rivière du Nord qui chantaient, délivrées et triomphales, au bout de sa terre.
Que la première caresse de mai se coulât vers le sol ; que la violette des bois offrît sa tête délicate à la brise qui la ferait pencher un peu vers le ruisseau ; que le sang-de-dragon, fleur virginale entre toutes, sortît au travers des feuilles sèches et brunes, libre de la pourriture du dernier été ; que partout le vert de l'herbe répandît son espérance, qu'il fît circuler, comme un parfum de l'air, ces effluves qui poussent l'homme à la joie de vivre, Séraphin Poudrier ne sentait rien de tout cela, restait insensible au langage de Dieu. C'est plutôt par une inconsciente réaction contre les symboles de la nature que son bonheur, se concentrant de plus en plus vers son péché, en arrivait à toucher presque à la folie.
On apercevait encore, là-bas, au flanc de la montagne, des carrés de neige, disposés comme des nappes blanches pour un dîner sur l'herbe mais, sur les coteaux et dans les prairies, les lèvres chaudes du printemps l'avaient presque toute absorbée. Et l'on devinait, et l'on éprouvait en cette fin d'avril, le travail formidable qu'accomplissait la nature pour sortir de son tombeau.
N'écrivant que lorsque le coeur m'en disait, souffrant d'une paresse délicieuse, me grisant de lecture et de musique wagnérienne sur un vieux phono, le vivais dans la pauvreté. J'étais heureux quand même puisque j'étais libre. Ce n'est pas la santé qui est le plus précieux des bien ; encore moins l'argent. C'est la liberté.
Et il pensait à tous les billets qu’il avait accumulés à des taux variant entre huit et vingt-cinq pour cent et aux gages qui s’entassaient près des trois sacs d’avoine. Puis, suprême bonheur, Donalda ne lui arrachait plus ses pièces de vingt-cinq sous pour s’acheter des épingles à cheveux, du ruban, de la flanelle, des lacets de bottines, du coton, toutes choses enfin dont il se passerait bien, lui, et qui sont des objets de luxe et de perdition. […]
Séraphin Poudrier les dépassait tous par la perpétuelle actualité de son péché qui lui valait des jouissances telles qu’aucune chair de courtisane au monde ne pouvait les égaler. Palpitations de billets de banque et de pièces métalliques qui faisait circuler des courants de joie électrisants jusque dans la moelle de ses os : idée fixe qu’il traînait avec lui.
Ce livre ne cherchera pas à combler tous les vides. Il n'y suffirait pas. Il trahirait la pensée de l'écrivain, de son amour filial à cet ami qui lui tendit tant de fois une main secourable aux moments les plus dramatique de sa détresse.
C'était l'hiver! Déjà le silence hallucinant, le froid aussi, le froid surtout, le froid qui tue l'amour et qui tourmente l'homme. Puis, bientôt, la neige, linceul définitif.
La chaleur verticale coulait comme du plomb fondu sur les champs immobiles et sur toute la campagne environnante. De très loin, on pouvait entendre la stridulation des sauterelles. Une lassitude immense dominait la terre.
Et Séraphin continuait à affiler sa hache avec les gestes d'un homme qui ménage le temps, qui ménage son affiloir ou qui ménage sa hache.
Son père lui avait appris qu'il faut connaître la vraie misère quand on est jeune. Plus tard on trouve la vie belle. (p.14)
-J ,ai vu ben pire que ça dans ma vie.
-La misère des autres nous enrichit pas. (p. 126)