Disons-le, voilà une excellente lecture, qui emploie certes des codes connus et éprouvés – la CIA à Berlin, le monde mystérieux et parfois opaque des agents secrets, … -, mais en nous permettant de découvrir un aspect nettement moins classiques : celui des planques, de toute cette organisation du quotidien qui permet aux agents de s’échapper, de se reposer, de se soigner… Mais, précisément, que s’y passe-t-il donc, dans ces planques ?
Dan Fesperman parvient en effet, comme cela nous avait été annoncé, à conserver une tension continue à son récit. Pas de moments de creux, pas d’occasion de lâcher le fil. Comme Helen, on a régulièrement la tentation de regarder par dessus son épaule, pour vérifier que l’on n’est pas suivi, surveillé, guetté, épié… On se surprend à être plus attentif aux reflets dans les vitrines, à regarder avec plus d’attention que d’ordinaire dans son rétroviseur. Bref, on est dedans !
Et c’est peut-être encore plus fort que l’auteur nous donne très rapidement à comprendre qui sont réellement les protagonistes de l’affaire. Il ne cherche pas à la jouer à l’épate, mais s’appuie plutôt sur une narration solide, argumentée – une note / postface nous précise d’ailleurs tout ce qui, dans cette histoire, provient directement des archives de la CIA, parfois même repris textuellement, et j’ai déjà eu l’occasion de dire pour d’autres livres combien j’apprécie qu’un auteur se livre à ce jeu de la vérité.
Bref, cela fonctionne bien, on s’attache aisément aux personnages et à leurs insuffisances. Les ambiances m’ont semblé être bien rendues, en tout cas je n’ai pas eu de mal à m’imaginer dans les différents lieux et aux différentes époques.
Si je devais avoir un petit regret, c’est qu’il aurait pu y avoir un personnage un petit peu plus creusé, celui d’Anna. Ses parents viennent d’être assassinés sauvagement, son frère est accusé du meurtre, elle doit aussi faire face à la culpabilité de s’être éloignée pour s’occuper d’elle, laissant la famille « se débrouiller ». Quand elle revient, tout le monde ne regarde évidemment qu’elle. On aurait pu camper là un personnage féminin hors du commun. Alors, certes, le livre est déjà plutôt épais – 500 pages, à peu de choses près -, mais cela aurait été mérité. Là, elle semble un peu survoler les choses. Et à un moment, quand elle évoque dans un dialogue le fait qu’elle a été portée par l’action, qu’elle s’est immergée dans la recherche d’indices pour, justement, mettre de côté le côté lourd de l’affaire, elle semble presque balayer cela du revers de la main. Visiblement, ce n’était pas ce livre-là que l’auteur souhaitait écrire, et il a donc raison !
Alors, ça vous tente de venir prendre un cognac dans une planque de la CIA, en 1979 ? Réfléchissez avant de répondre, parce que vous ne savez ce que vous risquez de découvrir, d’entendre ou de voir… Il ne faudra pas venir vous plaindre après !
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