Citations de Daniel Kraus (38)
C'est pas moi qui suis amochée. C'est le monde entier qui est amoché.
- Existe-t-il des trolls végétariens ?
- En fait, il a existé un temps une secte appelée les Nibolgiens. Ils pensaient que les trolls pouvaient vivre en se nourrissant que de plantes. Ce fut une très noble et très courte expérience. Au bout de dix-neuf jours, tous les Nibolgiens s’étaient dissous en une mare verte et gluante.
Les liens forgés par la guerre sont une chose. Ceux noués par l’amour en sont une autre.
Il n'était absolument pas de taille à lutter contre les démons intérieurs qui avaient pris des proportions de dragons dans sa tête.
- Il y a un truc terrifiant là-dessous, murmura-t-il.
- Ah ! Tu me crois, enfin !
- Oui. Et c’est pire que ce que je pensais. Je n’avais encore jamais vu une chaussette qui puait autant. Nous devrions nous saisir de nos armes, preux chevalier, avant qu’il soit trop tard, et tenter de la vaincre par la force. Je crains fort que nous ne survivions point à la confrontation, mais l’Histoire saura se souvenir de nous.
-Je préfèrerais encore me farcir un bouc dans un cabanon des Shetlands qu'embrasser un imposteur dans ton genre.
Je connaissais à présent la dure réalité : les nuits sont parfois longues pour les chasseurs de trolls.
Vous n'imaginez pas les merveilles que l'on peut accomplir rien qu'en déplaçant une table de nuit! Je pense vraiment avoir raté ma vocation de décorateur d'intérieur.
Sous le lit. C'est là que vivent les monstres.
_ Cela vient d'une mot très ancien: styrgar qui signifie pointe de lance, ou lance de guerrier. C'est un nom de guerrier.
_ Génial, fis-je.
Jack se pencha vers moi en grognant.
_ Non, répliqua-t-il, ce n'est pas "génial". C'est le pire des fardeaux. Très vite, tu souhaiteras être né avec un autre nom, pouvoir te réveiller quelqu'un d'autre. Parce que les guerriers se battent. Et que la guerre, c'est tout sauf génial. C'est sanglant. ça brise des os et coupe des têtes. Des êtres vivants meurent, et parfois il te faut brûler leurs cadavres. Leurs corps calcinés ne partent pas en silence. Ils font des bruits. Et jusqu'à la fin de tes jours, quand tu essaieras d'aller dormir, ce sont ces bruits-là qui te tiendront éveillé.
L’ombre de Marvin Burke faisait encore frémir tout le comté. À l’époque, les commerçants et les voisins se méfiaient de cet homme aux allures de fouine, de sa poignée de mains qui broyait les doigts, de ses traits sans cesse changeants. Ils redoutaient aussi les veines qui battaient à ses tempes, sa moustache frémissante, puis son sourire forcé couvert par d’incessants monologues. Marvin Burke parlait trop, il était trop grand, trop mince, ses muscles étaient trop longilignes, le lustre de son crâne rasé ne paraissait pas naturel. Les gens du coin soupçonnaient cet homme d’être un monstre et ils avaient raison. Ry savait pertinemment que ce que son père faisait à l’abri de leur maison était innommable, mais qui aurait osé l’en empêcher alors que c’était précisément grâce à Marvin Burke que le soleil se levait, que les hivers n’étaient pas trop rudes, que les gelées tardives de printemps ne détruisaient pas les fragiles bourgeons ? Ry se revoyait encore assis à côté de son père tandis que leur bouvier, Sniggety, occupait presque tout l’espace dans la cabine du tracteur. Son père remettait en place ses lunettes carrées à monture épaisse et parlait avec tant d’enthousiasme que l’écart entre ses deux dents de devant semblait se fondre dans sa moustache noire pour former un gouffre au bas de son visage.
Il se rappela qu’on ne peut ressentir la tristesse que lorsqu’on a d’abord connu une joie véritable.
- Eh bien, c'était pas très compliqué une fois que tous mes jeux vidéo avaient été boulottés. Mais je suis heureux de t'apprendre que le carnages est derrière nous. Tu as remarqué qu'il n'y a pas de poil de chat coincé dans ces jolies bagues dentaires ? J'ai converti notre amie ici présente aux cheeseburgers.
- Cornichon, fit ARRRGH!!!. Oignon.
- Oui, elle aime avec des cornichons marinés et des oignons...
- Papier. Meilleur goût.
- Ouais, elle aime aussi qu'on laisse le papier d'emballage. Tu veux savoir combien coûtent deux cents cheeseburgers, monsieur ?
- Chat pas pour manger. Bon pour mâcher.
Je traduisis et le visage de Toby s'affaissa.
- Non, non, non ! On a déjà abordé le sujet. Les chats ne sont pas des chewing-gums, c'est clair ?
Rien ne nous plaît autant que les grésillements des parasites sur un écran vide. Si vous aviez le temps de contempler ces ondes sur un écran vide, vous y verriez du beau, du divin. Il y a tant de couches, tant d'ondulations, tant de significations possibles, de secrets murmurés.
« – Si tu ne le prends pas maintenant, s’emporta-t-il, nous reviendrons te chercher demain dans la nuit. Et la nuit d’après. Et celle d’après encore. Et ce sera tout ce à quoi se résumera ta vie, Jim Sturges, jusqu’à ce que tu nous obéisses. »
Vous êtes de la nourriture.
Marvin traitait son fils comme un homme, même quand il était beaucoup trop gamin pour porter ce fardeau. Il l'emmenait partout et pas juste dans les champs, les pâturages et les granges.
Il l'emmenait même aux W-C : tu vois, c'est comme ça que tu tiens ta bite pour pisser. Il l'emmenait au magasin : tu vois, c'est ainsi qu'on écrase un homme, un dollar à la fois. Il l'emmenait à l'église : tu vois, voilà comment on fredonne pendant les chants pour ensuite serrer la main de ses ennemis à la sortie. Ry était censé apprendre dès la première leçon et, quand il n'y parvenait pas, il se prenait une gifle. Ça faisait mal, mais rien de plus.
Extrait : Vous êtes de la nourriture. Ces muscles qui vous servent à marcher, à soulever et à parler ? Des steaks recouverts de tendons croustillants. Cette peau que vous examinez avec tant de soin devant vos miroirs ? Un mets délicieux pour qui a le palais assez fin, une fricassée de succulents tissus. Et ces os qui vous donnent la force d'avancer dans le monde ? Ils craquent sous la dent quand on aspire la moelle, et qu'elle s'écoule lentement au fond d'une gorge avide. Certes, tout cela est répugnant, mais il est utile de le savoir. Car, voyez-vous, il existe des choses qui ne sont pas du genre à rester tapies au fond de leur terrier à attendre que nous venions les capturer pour les faire rôtir au-dessus de nos feux. Non, ces choses piègent leurs proies à leur façon. Elles ont leurs propres feux... et des appétits qui n'appartiennent qu'à elles.
- Il pourrait revenir, suggérai-je. On pourrait l'adopter, ou...
- Ce serait comme adopter un animal sauvage en imaginant qu'il fera autre chose que te mordre. [Il] est devenu une créature de la pierre, de la boue, des cavernes et des égouts, bien plus chez lui dans notre glorieux monde de saleté et de crasse que dans votre contrée aux lumières blessantes, aux angles pointus et d'une stérilité abrutissante. Tu connais Peter Pan et le Pays Imaginaire ? C'est ce qu'est le monde des trolls pour [lui]. Les étapes que les humains franchissent tout au long de leur vie sont des rituels auxquels il ne prendra jamais part. Plus jamais de passage en fin d'année scolaire. Pas de premier baiser. Pas de permis de conduire. Pas de famille. De se voir privé de tout cela a suscité en lui une grande rage ; ce n'est un secret pour aucun de ceux qui l'on vu se servir de sa lame. Mais c'est une rage utile. Il ne serait pas le guerrier qu'il est devenu sans elle. Il le sait et il l'a accepté. C'est une tragédie, certainement, mais elle est nécessaire.
Le soleil glisse dans les ténèbres,
Au milieu de l'hiver, il s'immobilise,
Et les trolls de Noël sortent des cavernes nichées sous les collines creuses,
Depuis, Saturne a enfermé le Titans.
Emprisonnés sous terre,
Les enfants des dieux s'en reviennent pour fouler la terre en hiver.
Hurlant et cabriolant, ils tournoient
Lorsque le voile menant au monde souterrain est le plus fin. [...]
Criant et arrivant au galop depuis les cieux,
Surgit la troupe d'Odin, les Jolerei.
La Mort est le lot de qui les voit, le tonnerre roule et gronde
Sur cette pauvre contrée perdue d'âmes affamées
Le voile qui sépare du monde souterrain est plus ténu que jamais.