David Brin

Mais une université sans hommes ?
Fiben s’était demandé pourquoi l’envahisseur laissait tant de libertés à la population chimp, n’intervenant que de façon détournée comme à La Vigne du Singe.
Il pensa brusquement en avoir deviné la raison.
— Imitation ! Ils doivent penser que nous jouons à imiter les humains ! marmonna-t-il.
— Qu’avez-vous dit ? demanda Gailet en se tournant vers lui.
Ils avaient fait une trêve afin de pouvoir mener leur tâche à bien, mais il était évident que la chimmie n’était guère heureuse de lui servir de guide.
Fiben désigna les étudiants.
— Dites-moi ce que vous voyez, là en bas.

Athaclena tâta une protubérance palpitante apparue derrière sa mâchoire et sursauta alors que la petite bosse semblait fuir sous ses doigts, telle une petite créature timide. Cette métaphore la terrifia plus encore que tutsunucann, car elle se rapportait à son corps… à sa perception de soi !
Elle gémit et enfouit le visage entre ses paumes. Terriens déments ! Que m’avez-vous fait ?
Son père lui avait conseillé d’essayer de mieux les connaître, pour lui permettre de surmonter l’étrange méfiance que lui inspiraient les créatures originaires de Sol III. Mais que s’était-il passé ? Sa destinée était désormais étroitement liée à la leur, et il n’était plus en son pouvoir de la contrôler.
— Père, dit-elle en gal-sept, j’ai peur.

Il vit une grande colonne de fumée se dresser au centre de la pelouse, là où s’était préalablement trouvée la chancellerie. Des flammes léchaient les ruines du bâtiment, et des traînées noires indiquaient le parcours suivi par les gaz surchauffés.
Fiben cilla.
— Poulet frites ! murmura-t-il sans avoir honte de la première pensée lui ayant traversé l’esprit.
Le nombre de volailles rôties eût permis de nourrir la moitié de la population de Port Helenia. Naturellement, une partie de cette viande était saignante, et certains morceaux bougeaient toujours.
Sa bouche était sèche, mais il fit claquer ses lèvres.
— De la sauce barbecue, soupira-t-il. Toute cette barbaque et pas un seul camion-citerne de sauce barbecue dans les parages !

Ils étaient les acteurs d’une pièce de théâtre dans laquelle aucune place n’était laissée à l’improvisation. Au cours de l’acte qui venait d’être joué, Fiben avait été contraint de s’évader, que cette proposition fût ou non un piège. Quant à elle, elle avait été contrainte de rester dans cette cellule pour se colleter à des mystères dépassant sa compréhension. Tel était le destin qui leur avait été tracé.
Cette impression d’être manipulés n’avait rien de nouveau, même si Fiben en était encore au stade de l’apprentissage. Pour Gailet, il s’agissait d’une compagne de toujours.

C’est là que je vis pour la première fois des lugars, ces créatures à fourrure blanche issues du protosinge végan. Lysos les aurait créés pour remplacer les hommes dans les rares cas où la seule force physique était exigée.

Sur Stratos, jamais un homme n’oserait lever la main sur une femme. Les Fondatrices avaient imposé au niveau chromosomique une aversion qui se renforçait génération après génération. L’accouplement d’été était la seule chance qu’avait un homme de transmettre ses gènes.

Que devait-elle à cette société qui faisait si peu pour les vars comme elle pendant que d’autres femmes se prélassaient pour la seule raison qu’elles étaient nées à la bonne saison?

Si nous ne pouvons exclure les hommes de notre nouveau monde, faisons en sorte qu’ils nous gênent le moins possible.

Tu sais comment se passaient les choses dans les Anciens Mondes, avant l’Exode de nos Fondatrices ? C’était un chaos bestial ! fit la femme avec passion. Une vie pleine de violence et d’incertitudes, surtout pour les femmes et les enfants.

Le générateur de stase contrôlait l’écoulement du temps et de l’espace à travers le corps du vaisseau solaire, de façon que les violents remous de la chromosphère ne semblent aux passagers qu’un doux bercement. La physique fondamentale du générateur demeurait en partie une énigme pour les scientifiques terrestres, bien que le gouvernement ait tenu à ce qu’il fût construit de main humaine.
Les yeux de Culla luisaient, et sa voix chuintante trahissait sa fierté devant les nouvelles technologies que la Bibliothèque avait apportées à la Terre.
Les processeurs contrôlant le générateur ressemblaient à un fouillis de filaments hyalins. Culla expliqua que les bâtons et les fibres enregistraient beaucoup plus d’informations optiques que la technologie terrestre antérieure au Contact, et réagissaient plus vite. Des franges d’interférence bleues montaient et descendaient le long du bâtonnet le plus proche, paquets clignotants de données scintillantes. La machine semblait avoir quelque chose de vivant.

Kepler avait fait un court exposé sur la dynamique fondamentale de l’intérieur du Soleil, l’astre lui-même, dont la chromosphère n’était que la mince enveloppe.
Au centre, le poids inimaginable de la masse du Soleil provoque les réactions nucléaires produisant la chaleur et la pression, et empêchant l’énorme boule de plasma de se contracter sous sa propre force de gravitation. La pression permet au corps solaire de garder son volume.
L’énergie dégagée par les feux centraux progresse lentement vers l’extérieur, parfois sous forme de lumière, parfois sous forme d’un échange par convexion de matière brûlante venant d’en bas contre une matière plus froide revenant de la surface. Par radiation, puis convexion, puis de nouveau radiation, l’énergie atteint la couche épaisse de plusieurs kilomètres connue sous le nom de photosphère – « sphère de lumière » –, où elle trouve enfin la liberté et part à tout jamais, dans l’espace.
Si dense est la matière à l’intérieur d’un astre qu’un cataclysme soudain à l’intérieur mettrait un million d’années à se manifester par un changement dans la quantité de lumière émanant de la surface.

Pas de Culla en vue.
Pas de Hughes non plus. Il siffla deux notes brèves, selon le code convenu. La voie est libre. Il entendit une note : la réponse de son compagnon. La fois d’après, il dut plonger sous le rayon. Pendant toute la durée de ce bref trajet, il eut la chair de poule, s’attendant à tout moment à sentir un éclair lui brûler le flanc.
Il se blottit en trébuchant derrière la machine et s’y cramponna pour garder l’équilibre, la respiration haletante. Ça n’allait pas ! Il n’aurait pas dû être déjà aussi fatigué. Quelque chose clochait.
Jacob déglutit puis se mit à faire glisser le miroir le long du rebord antihoraire de la machine.
Une douleur lui transperça le bout des doigts, et il lâcha le miroir en poussant un cri. Il faillit se fourrer les doigts dans la bouche, mais s’arrêta net, la bouche ouverte sous l’effet de la souffrance.
Machinalement, il entra dans une légère transe destinée à soulager la douleur. Les tisonniers rougis commencèrent à s’éteindre, tandis que ses doigts paraissaient plus lointains. Puis l’influx analgésique cessa.

Selon la version officielle - l’histoire servie par la Radio des Alliées dans toutes les Amériques, le Japon et ce qui restait de l’Asie libre -, il s’agissait en fait d’extraterrestres. Les envahisseurs de l’espace étaient arrivés, comme dans les histoires de science-fiction de Chester Nimitz.

Pas étonnant qu’ils aient choisi de s’allier aux Nazis : leur ruse - prétendre qu’ils étaient des « Dieux » ! - n’aurait jamais pris en occident ! Là-bas, les scientifiques auraient fait des recherches. Les gens auraient posés des questions.

Mais dans la folie teutonne du nazisme, les « Ases » avaient trouvé un terrain fertile.

L'ET ressemblait bel et bien à un brocoli géant. Des pousses arrondies, bleues et vertes, formaient des excroissances sphériques et symétriques autour d'un tronc strié et noueux. Ici et là, de minuscules flocons cristallins garnissaient l'extrémité de certaines branches et formaient un agglomérat vers le sommet, autour d'un évent invisible.

Le feuillage s'agita, et les cristaux du sommet tintèrent au passage de l'air exhalé par la créature.

Le Streaker se traîne comme un chien sur trois pattes.
Hier, nous avons pris le risque d’effectuer un bond en surmultiplié afin de mettre une certaine distance entre nous et les Galactiques lancés à notre poursuite. L’unique bobine de probabilité qui ait survécu à la bataille de Morgran n’a cessé de gémir et de râler mais elle a finalement consenti à nous relâcher ici, dans le puits de basse gravité d’une naine de classe II nommée Kthsemenee.
En orbite autour de cette étoile, la Bibliothèque ne mentionne qu’un seul monde habitable, la planète Kithrup.
Et je suis indulgente en la qualifiant d’habitable… Tom, Hikahi et moi sommes restés plusieurs heures à discuter avec le commandant pour chercher une solution de rechange mais, en fin de compte, Creideiki n’a pu faire autrement que de nous y conduire.
En tant que médecin, je ne suis pas sans redouter les insidieux périls que recèle cette planète mais Kithrup est un monde aquatique, et notre équipage presque entièrement composé de dauphins a besoin d’eau pour être en mesure de se mouvoir autour du vaisseau afin de le réparer. Par ailleurs, la richesse de ce monde en métaux lourds devrait nous permettre d’y trouver les matières premières qui nous sont nécessaires. (Prologue – Extrait du journal de Gillian Baskin)