Une claque assez monumentale…
Je préfère prévenir, c’est un livre lourd, glauque, en souffrance, c’est encore pire si on est parents.
L’histoire d’un couple et surtout d’un père qui a perdu son fils dans l’accident qu’il a provoqué, accident qui lui fera perdre aussi l’usage de ses jambes.
Récit divisé en trois chapitres : « l’amuseur public », « logicien moyen » « gribouillage puéril ». Ces titres sont importants car ils annoncent comment va être traité le récit.
L’amuseur public traite du rapport du père à autrui dans la communication du drame et de la souffrance. C’est teinté de causticité, de mélancolie, de cynisme aussi un peu. Le style y est délicat, assez descriptif de la psychologie. On ressent que ce chapitre est le socle fondateur pour expliquer le passé et le contexte.
Le logicien moyen est une façon logique de traiter les choses. Chaque page est une situation différente, un contexte ou un dialogue et ce exprimé selon un prisme logique. On y retrouve des structures formelles comme le modus ponens, le modus tollens ou le raisonnement par l’absurde. Ce n’est bien sur jamais énoncé clairement tout est subtil et j’avoue que j’ai aimé cette façon de décrypter les situations au sein du récit. En clair je n’aurais moi-même pas remarqué les structures logiques si je n’avais pas pris garde au titre. Mais c’est génial cela m’a soufflé. C’est comme Lewis Caroll qui se servait des événements d’Alice au pays des merveilles pour présenter de la logique formelle.
Le gribouillage puéril c’est justement Alice qui se retrouve au pays des merveilles, seulement le père est dans un jeu vidéo. Métaphore de la perdition, de la folie, de l’absurde, on y retrouve la tristesse et la douleur, tantôt à vif tantôt anesthésiée. C’est dans cette virtualité que transparaît finalement la vérité, que les masques et les illusions tombent.
Un livre fort. Un style propre, fluide, avec un langage riche mais sans complexité, direct. Un style à fleur de peau, qui s’inscrit bien dans le drame sans nous plonger dans le mélo qui va trop souvent avec.
Des personnages réalistes, je me suis cru dans du Larry Clarke par moment (sans le côté trash érotique) mais plutôt dans la psychologie désabusée des personnages, qui s’exprime dans le fais que chacun est submergé de doutes sans rechercher de quelque manière que ce soit une vérité.
Un récit qui m’a laissé K.O .
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Fol Marbre, "la syntaxe d'une confusion appliquée" de Dennis Cooper sert autant son projet narratif qu'il ne perd son lecteur.
Dennis Cooper produit son éternel et effroyable effet de réveiller nos instincts de voyeur, de prédateur, et de paranoïaque. Le Je croisant les coquilles vides ou les coquilles brutes dans une frénésie gore et morbide. Le récit ouvre de nombreuses entrées et on se demande à quel moment on a finit par pénétrer à notre tour dans ce Jeu labyrinthique, et on se demande si seulement nous serions capable de revoir le jour. Le vice omniprésent.
Fol Marbre, c'est l'écriture d'un dédale en 3D, jonglant avec l'écriture ampoulée et anecdotiques, l'esprit dérangé de son narrateur, et les faux-semblant avec la réalité apparente. Ce qui nous est conté ne manque pas de nous laissé un arrière goût étrange à la dernière page... Cette idée d'avoir été mené par le bout du nez dans un nul-part. Se demandant à quel moment on a lâché le fil d’Ariane. S'interrogeant de savoir ce qu'il faut en retenir. Doutant du moindre élément qui nous a été dit.
Le Fol Marbre a eu l'effet de son projet... "La syntaxe d'une confusion appliquée."
Je ne sais pas ce que j'ai lu.
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Une plongée par intermittence, au rythme des rencontres de jeunes hommes prostitués, les "hustlers" de la Californie de la fin du XXe siècle, dans un parcours de consommation sexuelle (frénétique ? Systématique, manifestement) orientée vers un genre et des stéréotypes d'âge et de physique définis, tendant vers une poursuite morbide, vers un plaisir accru, comme une addiction, un vertige frénétique, angoissant, fait d'éblouissement et de ténèbres. Il y a nettement quelque chose du "divin marquis" qu'on sent embusqué dans cette œuvre qui verbalise un comportement, un segment de la sexualité masculine où la littérature n'est pas une évidence... Une exploration, comme des flashs dans l'obscurité, un trip sous acide, entre fantasmes et une réalité fragmentaire.
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Cooper réussit le tour de force de n'être pas glauque et d'être même souvent drôle.
Le fait qu'il soit américain y est sans doute pour quelque chose. Les Américains ne sont jamais malsains, même quand ils s'efforcent de l'être. C'est une de leurs grandes qualités.
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Si l'écrivain a tous les droits et si Cooper les prend tous, le lecteur, lui, a le droit de haïr.
"Frisk" est une descente dans un enfer absolu que même Sade n'a pas réalisée, dans la mesure où Sade, c'est du grand-guignol et qu'on n'y croit pas.
Là, le livre a la saveur immonde du réel - même si c'est un roman, et un roman dans le roman. C'est une passion au sens étymologique du terme ; une horreur christique (d'où le 0,5).
Mais les limites ne se franchissent pas impunément, même au nom de leur (af)franchissement. Si la littérature est essentiellement métaphore, alors "Frisk" n'en est pas.
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