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Citations de Eva Illouz (135)


Eva Illouz
D'un côté, le moi n'est pas responsable de sa souffrance, il est l'objet de ses parents, pour dire les choses rapidement, et n'est donc pas source d'autonomie et de volonté. De l'autre coté, quand il s'agit de changer, ce moi posséderait tout à coup une capacité à se transformer. Cette dualité est inhérente au récit psychologique même. L'injonction de changer conduit à utiliser des classifications qui "pathologisent" ce que nous sommes.

-Books n°37-
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Contrairement à l’intellectuel du XIXe siècle, qui pouvait critiquer le capitalisme en se situant hors de son atteinte, le critique contemporain n’a que rarement la possibilité de s’exprimer en dehors du monde des institutions et des organisations capitalistes. Cela ne signifie pas que nous devions nous résigner à accepter la domination du capitalisme sur toutes les sphères sociales. Mais cela implique que nous développions des stratégies d’interprétations aussi rusées que les forces du marché auxquelles nous voulons nous opposer. La force d’une critique se fonde sur une connaissance intime de son objet.
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Rien n'est plus suspect que l'affirmation d'une transparence totale.

Ivan Krastev
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Ces industries ont géré le moi, ont géré la personne en termes d'image" explique Eva Illouz, "ce sont les industries de la mode, du cinéma, de la télévision, des cosmétiques... Elles ont transformé le corps en unité visuelle séduisante et attirante, pour créer des marchés de masse. Le corps de la femme devient alors une unité monnayable, exploitable. C'est un nouveau capitalisme.
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Parce que la souffrance est l'irruption de l'irrationnel dans la vie quotidienne, elle exige une explication rationnelle.
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Le bonheur est-il cet objectif suprême que nous devrions tous nous efforcer d'atteindre ? Peut-être. Cela n'empêche en rien de garder une distance critique par rapport au discours tenu par les prosélytites de la science du bonheur.

Introduction, p. 16
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Les écrivains reconnus sur le plan littéraire apparaissent moins souvent dans les classements et y restent moins longtemps. Ce qui apparaît dans la catégorie des best-sellers s'écarte de plus en plus de ce que les critiques répertorient comme des oeuvres de valeur sur le plan esthétique.
La divergence croissante entre le champ économique et le champ culturel est, en d'autres termes, elle-même un effet du processus de marchandisation.
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Eva Illouz
Nous vivons une transformation du désir parce qu'il n'est plus animé par la rareté, mais en situation permanente d'abondance. Comment aime-t-on quand on a le sentiment que quelqu'un de mieux peut surgir à tout moment, quand les échantillons du choix s'élargissent, quand la longévité fait que l'on demeure sur le marché sexuel jusqu'à un âge avancé ? Pour toutes ces raisons, l'amour n'a plus la force morale qu'il avait lorsque la figure de l'individu était en gestation.

-Page des Libraires n°156-
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Quand la souffrance ne peut être expliquée, nous souffrons doublement : de la souffrance que nous ressentons, et de notre incapacité à lui conférer une signification.
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(sur l'internet sentimental) Le moi en un produit emballé, placé en concurrence avec d’autres produits sur un marché libre régi par la loi de l’offre et de la demande.
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6. « […] Le développement du capitalisme consumériste n'est possible que par l'expansion et la prolifération des besoins, réels on non. Nous partons généralement du principe que la prolifération de ces besoins est d'ordre matériel […]. Pourtant, l'une des particularités du capitalisme après les années 1960 a été la prolifération des besoins psychologiques et émotionnels. Étant donné la manière dont l'économie consumériste s'est insinuée dans les moindres recoins de la subjectivité, le capitalisme s'est aussi développé à travers des marchandises émotionnelles […] ; il s'agit de services que l'on peut acheter pour changer et améliorer sa complexion émotionnelle. Cet aspect du capitalisme encourage les hommes et les femmes à se considérer comme un ensemble d'attributs affectifs à optimiser. Les relations sont le réceptacle principal des marchandises émotionnelles, un terrain où l'on consomme non seulement à leur commencement, mais aussi pour les maintenir et les améliorer. » (pp. 290-291)
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D'ailleurs la planète reste remarquablement intacte, fondamentalement normale - les saisons se succèdent, une campagne électorale se prépare, Netflix programme de nouvelles séries - et sa destruction imminente est encore plus difficile à concevoir que ma propre mort.
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J'oserais donc l'hypothèse suivante : dans les domaines de l'amour et la sexualité, nous sommes passés d'une modalité d'action culturelle où la culture opérait une description "épaisse" du monde en symboles et en récit moraux, prescrivait et guidait le comportement par le biais de significations fortes ou de plan d'action bien structurés (la cour amoureuse en est un bon exemple), à une modalité de la culture où l'autonomie et la liberté produisent des principes d'interaction relativement peu définis et flous avec des résultats imprévisibles, c'est-à-dire des interactions relativement dépourvues de normes, du moins dans la sphère privée et intime (la sphère du travail, au contraire, obéit aujourd'hui à des scénarios très précis). Par absence de norme, j'entends non seulement que le comportement est improvisé et qu'il obéit à des règles ouvertes, mais aussi que les normes gouvernant la conduite des liens sexuels ne sont pas claires, qu'elles n'obéissent pas à un scénario moral, et que si les règles de réciprocité sont enfreintes, le risque de sanction sociale est faible. Les interactions sans normes n'établissent pas de distinction claire entre un comportement approprié et un comportement non approprié, car il existe peu de sanctions associées à un comportement inapproprié. Ce manque de normativité "épaisse" est une conséquence directe de la pratique de la liberté, et des injonctions positives qui lui sont associées, comme l'indépendance, l'autonomie et l'hédonisme, la terminologie dominante de l'individualité. Ces injonction positives engendrent des liens négatifs, des liens qui sur le plan normatif, sont flous, chaotiques, ont des définitions et des objectifs multiples, et sont le lieu de l'expression de l'autonomie de l'individu à travers le retrait et le non-choix.

(P136)
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En fait peu de nos contemporains ont été épargnés par les souffrances que les relations intimes provoquent. Ces souffrances prennent plusieurs forment : accumuler les déconvenues dans la quête du prince charmant ou de la belle princesse; se lancer dans des recherches internet sisyphéennes; renter seul chez soi après une tournée des bars, une soirée ou un rendez-vous arrangé... Les souffrances ne s'évanouissent pas pour autant lorsqu'une relation s'instaure, prenant la forme de l'ennui, de l'angoisse ou de la colère, de disputes et de conflits douloureux, et aboutissent à la déconfiture, au doute sur soi-même, à la dépression engendrée par les ruptures ou les divorces. Et ce ne sont là que quelques exemples qui montrent combien la quête amoureuse est devenue une expérience douloureuse. Si la sociologue pouvait entendre les voix des hommes et des femmes recherchant l'amour, elle entendrait une litanie, puissante et interminable, de plaintes et de gémissements.
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Eva Illouz
Si les relations amoureuses sont difficiles, compliquées, imprévisibles, ce n'est pas parce que les hommes et les femmes sont de Mars et Venus, mais bien plutôt à cause de ce que la sociologie appelle les structures et les institutions de la modernité.

-Page des Libraires n°156-
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1. « La sexualité a fourni au capitalisme une extraordinaire occasion de se développer car elle exigeait d'être constamment recréée ; de même, elle a fourni de multiples opportunités de production d'atmosphères sexy. La sexualité est devenue une plateforme culturelle pour consommer des biens solides et standardisés (par exemple, la lingerie, le Viagra ou le botox), des biens associés à une expérience (par exemple les cafés, les bars pour célibataires ou les camps de nudistes), des biens plus intangibles, comme les conseils thérapeutiques pour améliorer ses performances et ses compétences sexuelles, des marchandises visuelles (par exemple les magazines féminins ou la pornographie), et ce que j'appellerais les biens atmosphériques supposés créer une ambiance sexy. La sexualité est ainsi devenue un objet de consommation à multiples facettes, saturant à la fois la culture de la consommation et l'identité privée […]. Curieusement, ce n'est pas la sexualité qui est l'inconscient de la culture consumériste, mais la culture consumériste qui est devenue la pulsion inconsciente structurant la sexualité. » (pp. 76-77)
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Pourtant, comme je tente de le montrer, la liberté sexuelle est similaire à la liberté économique en ce qu'elle organise, encadre et légitime les inégalités.
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La liberté contemporaine produit ces zones d'ambiguïté, à travers les diverses formes d'expériences d'incertitude décrites dans ce livre. Ces expériences ne peuvent être pleinement comprises que par un travail de réflexion et de clarification. C'est à ce processus de clarification que ce livre espère parvenir, en s'abstenant d'approuver ou de condamner trop vite la liberté, en refusant d'utiliser le vocabulaire psychologique de l'émancipation ou des traumas pour expliciter la nature de ces expériences. Ce livre s'est efforcé de contrer l'impérialisme épistémique de la psychologie dans le champ des émotions. La sociologie, non moins que la psychologie, a beaucoup à apporter pour clarifier ce qu'il y a de déconcertant dans notre vie privée. En fait, la sociologie pourrait être mieux équipée que la psychologie pour comprendre les pièges, les impasses et les contradictions de la subjectivité moderne.

(P 314/315)
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Bérénice : Depuis mon divorce, je suis sortie avec quelques hommes mais je trouve cela étonnamment difficile. Pas tant à cause des hommes eux-mêmes qu'à cause de moi.
Intervieweuse : Qu'est-ce qu'il y a de difficile ?
Bérénice : Certains détails peuvent me déstabiliser.
Intervieweuse : Lesquels par exemple ?
Bérénice : J'avais rendez-vous pour la troisième fois avec un homme. Je l'avais bien aimé les deux premières fois, et puis il s'est pointé avec une chemise ridicule, plouc, embarrassante, pas une chemise d'ouvrier stylée, mais une chemise que son grand-père avait probablement achetée dans les années 40 dans une friperie. Je me suis dit, soit il n'a aucun goût, soit il se fiche complétement de moi, soit il appartient à un monde totalement différent du mien, genre ce type est à l'ouest. Et juste comme ça, à cause de sa chemise, je n'arrivais pas à me sentir attiré par lui. Je veux dire, ce n'est pas non plus tout à fait ça, mais ça m'a détourné de lui, j'ai dû faire des efforts pour retrouver l'attrait que j'avais pour lui. C'est gênant à dire, mais la chemise a été un véritable tue-l'amour.

Ici, l'attirance sexuelle est induite par des objets de consommation. Elle est facilement altérée par un mauvais "look", car l'attirance sexuelle est désormais fortement influencée par les icônes, les images et les marchandises diffusées par les médias. L'évaluation visuelle associe l'identité d'une personne avec des produits de consommation, et correspond à l'affirmation conjointe d'un goût de consommateur et d'un goût émotionnel. Les objets de consommation sont donc des éléments à partir desquels un rejet est provoqué.
Dans un autre exemple, Claudine, une française de quarante-huit ans (d'une grande beauté), raconte une relation avec un ancien petit ami :
Claudine : Un jour, il est venu me rendre visite un dimanche matin. Il revenait de voyage et a sonné à ma porte ; je ne m'étais pas encore brossé les dents et je n'étais pas habillée. J'étais en chemise de nuit. Je n'étais pas maquillée et je n'étais pas coiffée. Quand il est rentré, j'ai vu qu'il faisait une drôle de tête. Il m'a dit : " Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu es malade ? Tu vas bien ? Tu as l'air tellement différente de d'habitude."
Intervieweuse : Qu'avez-vous répondu ?
Claudine : Je l'ai serré dans les bras, je croyais qu'il allait m'embrasser mais il ne l'a pas fait. Je me suis alors demandé si ce type m'aimerait encore quand je serai vieille et ridée.

Comme le suggère ces deux exemples, l'attirance pour quelqu'un peut être remise en cause dès le moment où s'efface l'agencement visuel et le spectacle qui l'ont rendue possible. Si les objets de consommation sont devenus l'environnement implicite de l'attractivité, ils sont également inséparables de l'identité individuelle, et créent une équivalence entre les objets et les personnes, suggérant par là que les personnes sont (d)évaluées comme des objets.
Enfin, toute l'économie de l'attractivité visuelle repose sur le renouvellement constant du "look", instaurant une équivalence entre l’attractivité, la mode et la jeunesse (d'où l’extraordinaire développement de l'industrie anti-âge, allant des crèmes à la chirurgie). Parce que les femmes jeunes se trouvent au sommet de la hiérarchie du capital sexuel, en particulier pour les hommes qui possèdent un capital économique élevé (là encore, Donald Trump est un exemple paradigmatique de cette logique de marché). Mais, contrairement à d'autres formes de ressources sociales, la jeunesse contient par définition un mécanisme d'obsolescence programmée : dans l'industrie de la mode, une mannequin de vingt-trois ans est considérée comme vieille. Cela signifie que le champ de la sexualité est structuré par l'obsolescence (et l'angoisse qui va avec). Cette composante de l'économie capitaliste conduit à un renouvellement et une amélioration constante de l'apparence physique à travers des biens de consommation destinés à rester jeune et attirant.

(P 172/174)
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La tyrannie de la pensée positive nous incite à croire au meilleur des mondes possibles tout en nous décourageant de concevoir le meilleur des mondes imaginables.
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