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Citations de Evguénia Guinzbourg (43)


— Dix ans ! Dix ans ! Pourquoi ? Comment osent-ils ? Les bandits !
— C’est bien ma chance de tomber encore sur une bonne femme avec un gosier pareil. Tais-toi, je te dis ! Je sais que tu n’es pas coupable. Si tu avais été coupable, ils t’auraient donné bien plus de dix ans.
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Mais nous-mêmes, après tout ce qui nous était arrivé, aurions-nous voté pour un autre régime que le régime soviétique ? Cela faisait partie de nous comme notre cœur, cela nous était aussi naturel que de respirer.
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Une clameur s’élève dans le fourgon. Au moins vingt des soixante-seize voyageuses du wagon sept soutiennent avec une obstination maniaque que Staline ne sait absolument rien des illégalités commises en ce moment.
— Ce sont les enquêteurs, des lâches, qui ont tout inventé…
Il a eu confiance en Iejov. Mais à présent, Béria va remettre de l’ordre. Il lui prouvera qu’on n’a arrêté que des innocents. Rappelez-vous ce que je vous dis : bientôt nous rentrerons chez nous.
Il faut lui écrire davantage. À Joseph Vissarionovitch… Lui faire connaître la vérité. Dès qu’il la connaîtra, comment pourra-t-il permettre que le peuple soit traité ainsi.
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— Connaissez-vous notre proverbe à nous, les « droit commun » ? répliqua Tamara : « Aujourd’hui, c’est ton tour : à toi de mourir ; moi, je préfère demain. »
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Le quatrième jour, nous apprîmes que, après avoir envoyé à Staline une lettre débordante d’amour et de fidélité, elle avait bu un verre d’acide acétique. Dans une note écrite avant de mourir, elle n’accusait personne, estimait que tout était venu d’un malentendu, et suppliait qu’on la considère comme une communiste.
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Je ne veux pas employer d’expressions grandiloquentes, mais à dire vrai, si cette nuit-là, en cette aube d’hiver enneigée, on m’avait ordonné de mourir pour le parti, et de mourir non pas une, mais trois fois, je l’aurais fait sans la moindre hésitation. Je n’avais pas l’ombre d’un doute sur la justesse de la ligne du parti. Simplement, je ne pouvais pas – par instinct dirais-je – vénérer Staline, chose qui à cette époque devenait à la mode. Si j’éprouvais de la méfiance à son égard, je le dissimulais avec soin : je me le dissimulais à moi-même.
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Il me semble que je supporte moins bien que les autres l’humiliation dans laquelle nous vivons. Il me semble que j’aurais préféré les pires souffrances physiques à cette sensation écrasante de mortification et d’offense.
Pour surmonter tout cela, il faut continuellement se dire que les auteurs de notre peine ne sont pas des êtres humains. J’aurais été beaucoup moins humiliée si ç’avait été des porcs ou des singes qui avaient fouillé dans mes cheveux à la recherche de « preuves matérielles de mes délits ».
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Les tortures finissent à trois heures. Les Allemandes qui ont été prisonnières de la Gestapo affirment qu’ils ont parfaitement assimilé l’expérience allemande, que c’est le même style. Nous les avions envoyés en mission en Allemagne, n’est-ce pas ?
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Pour la première fois, je ressentis cette douleur particulière qu’éprouvent les emprisonnés lorsqu’ils se séparent. Il n’existe pas d’amitié plus vive que celle qui naît en prison. Ceux qui m’ont arrachée à mon mari, à mes enfants, à ma mère, brisent à présent ces nouveaux liens du sang : ils m’éloignent de ma sœur Liama et de mon ami Garei. Nous nous quittons pour toujours, sans laisser de trace, comme dans la mort.
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Des femmes commencèrent en hâte une grossesse, naïvement persuadées de pouvoir ainsi échapper à la « justice » de Iejov et Beria, mais les pauvres se trompaient : elles ne firent qu’augmenter le nombre des enfants abandonnés.
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À qui pourrais-tu prouver ton innocence ? Dieu est trop haut et Staline trop loin.
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 Le morceau de ciel par-dessus la petite cour où nous faisions notre promenade, devenait toujours plus gris. Les mouettes étaient de plus en plus rares. Les corbeaux se posaient toujours plus nombreux sur la hotte de notre fenêtre. L’automne commençait. 
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Au long de toute ma détention, j’ai pu établir une loi infaillible : plus la prison est sale et infâme la nourriture, plus les gardiens sont libres et grossiers, moins la vie des prisonniers est en danger, et vice-versa ; plus la prison est propre et la nourriture convenable, plus les gardiens sont polis, plus la mort menace. 
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Pendant les longs mois, les longues années de ma détention, je pus constater de quelles prouesses est capable la mémoire humaine stimulée par la solitude ; on arrive à se rappeler avec une incroyable clarté tout ce qu’on a lu, même bien longtemps auparavant, on répète par cœur des pages entières de livres que l’on croyait oubliés. Ce phénomène tient du mystère.
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De grandes salles remplies de monde se transformaient en confessionnaux. Bien que l’absolution ne fût concédée qu’avec une grande parcimonie (très souvent, les déclarations de repentir étaient jugées « insuffisantes »), le torrent des repentirs grossissait de jour en jour. Chaque réunion avait son plat du jour. On se repentait de ne pas avoir compris correctement la théorie de la révolution permanente ou de s’être abstenu lors du vote sur la plate-forme de l’opposition, en 1923. On se repentait d’avoir été sensible aux « survivances » du chauvinisme de grande puissance et d’avoir sous-estimé le second plan quinquennal. On se repentait d’avoir connu personnellement quelque « pécheur » et d’avoir admiré le théâtre de Meyerhold. Se frappant la poitrine, les coupables criaient bien haut qu’ils avaient fait preuve de myopie politique, qu’ils avaient manqué de vigilance, qu’ils s’étaient montrés conciliants à l’égard d’individus douteux, qu’ils avaient porté de l’eau au moulin du coupable, qu’ils avaient fait preuve de libéralisme pourri. Ces formules, et bien d’autres du même genre, retentissaient sous les voûtes des édifices publics.

La presse, elle aussi, regorgeait d’articles en forme de mea culpa.
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On pourra m’objecter que nous voyons beaucoup plus souvent des gens qui clament bien haut leur innocence et rejettent la faute sur leur époque, sur leur voisin, sur leur état de jeunesse et d’inexpérience. C’est vrai. Mais je suis presque sûre que s’ils poussent des clameurs si hautes, c’est justement pour étouffer la voix intérieure douce et implacable qui rappelle à chacun sa responsabilité personnelle.
Aujourd’hui où je touche à la fin de mes jours, je sais avec certitude qu’Anton Walter avait raison. Dans le cœur de chacun de nous bat un mea culpa, et la seule question est de savoir à quel moment nous commençons à entendre ces deux mots qui résonnent au plus profond de notre être.
On peut les percevoir distinctement pendant les nuits d’insomnie où, « relisant sa vie avec dégoût », on frémit et on maudit. Pendant les insomnies, il ne suffit pas pour retrouver la paix de se dire qu’on n’a pas pris une part directe aux assassinats et aux trahisons. Car qui a tué ? Pas seulement celui qui a frappé, mais aussi tous ceux qui ont apporté leur soutien à la Haine. Peu importe de quelle manière. En répétant sans réfléchir des formules théoriques dangereuses. En levant sans rien dire la main droite. En écrivant lâchement des demi-vérités. Mea culpa… Et de plus en plus souvent, il me semble que dix-huit ans d’enfer sur terre ne sont pas encore assez pour expier une faute pareille.
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Evguénia Guinzbourg
En définitive, la différence entre "les contre-révolutionnaires trotskistes" et nous tenait toute à l'époque de l'arrestation. Eux, avaient été arrêtés à un moment où les peines courantes ne dépassaient pas cinq ans; nous, avions été arrêtés pendant la période culminante de l'activité des hommes de Iéjov et Béria; on donnait alors déjà dix ans ; plus tard, on infligea même vingt et vingt-cinq ans. Le résultat n'était pas sans paradoxe. Les premiers condamnés avaient, d'une manière ou d'une autre, participé à l'opposition, et le fait est que, parmi les déportés pour "activités contre-révolutionnaires trotskistes", on rencontrait des militants qui avaient jadis mal voté ou s'étaient abstenus lors des votes. Nous, malgré les graves inculpations qui pesaient sur nous, et le régime sévère de détention auquel on nous avait soumis, nous étions des communistes orthodoxes, des fonctionnaires du parti, des intellectuels révolutionnaires; aucun de nous ne s'était rangé du côté de l'opposition. Mais qui se souciait encore de ces bizarreries ? (chapitre "le camp de transit", page 371)
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Avec un cynisme qui désarmait et n'étonnait plus personne, le médecin du camp faisait son "diagnostic" d'après la condamnation. Les travaux forcés les plus durs, qui exigeaient une santé de "première catégorie", étaient réservés aux "politiques". Aucune de nous n'y échappa. Même Tania Stankovskaia fut, quatre heure avant sa mort, jugés "en condition de santé de première catégorie". (Chapitre "le camp de transit", page 372)
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Aux cabinets, nous avions l’occasion d’élargir un peu nos horizons en matière de nouvelles politiques. Le morceau de journal qu’on nous donnait comme papier hygiénique pouvait se révéler extrêmement intéressant. Le seul journal permis en prison était « L’ouvrier du Nord », le quotidien de Iaroslav. Aux cabinets, il n’était pas rare de tomber sur des morceaux de la « Pravda » ou des « Izvestia ». Nous lisions attentivement ces articles, en tirant toute une série de déductions de phrases les plus souvent incomplètes. (chapitre « Jour après jour, mois après mois », page 257 dans la collection Points).
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Mais les précautions étaient vaines : le châtiment était devenu la règle et la prison et la direction ne nous épargna pas. Les punitions, comme les périodes de réclusion, étaient infligées indépendamment des fautes commises, en fonction d’un plan déterminé. Or nos noms étaient inscrits sur les graphiques auprès d’une date fatale : le 1er décembre, troisième anniversaire de l’assassinat de Kirov (1886-1934, alors l’un des quatre secrétaires du Comité Central du PC : aux XXème et XXIIème Khrouchtchev laissa entendre que Staline était l’instigateur de cet assassinat – chapitre « Le chien de Glan », page 238 dans la collection Points).)
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