Le lecteur est nécessairement, dès la première ligne, ou dès le premier vers, embarqué dans une représentation, convoqué dans la production active du spectacle, fût-il imaginaire ...
Le romantisme fut d'abord au théâtre un mouvement éphémère, une plate-forme, tribune et spectacle réunis pour le plaisir du plus grand nombre, où s'exprimèrent les interrogations de la société postrévolutionnaire sur la marche de l'histoire, sur la prégnance du passé dans les choix du présent, sur la capacité du peuple à assumer son propre destin, et à se frayer dans la société le chemin qui mène au respect des droits de l'homme, sur la valeur-refuge de l'amour dans les temps incertains.
Contrairement à la lecture du roman, presque toujours solitaire, où l'imagination se déploie dans les replis d'un espace intérieur, l'expérience esthétique du théâtre est d'abord celle d'un plaisir partagé ...
A ce qu’elle avait subi jeune fille, aux sacrifices qu’elle avait consentis pour lui, aux confidences qu’elle recueillait, aux histoires qu’elle lui rapportait, aux discours de vérité qu’elle lui tenait, aux cris d’amour et d’indignation dont ses lettres étaient pleines, il avait compris que la faute de la prostitution incombe aux hommes, que les femmes sont capables d’un dévouement sans borne comme d’héroïsme quotidien et que le dogme peut servir à les soumettre. Elle l’avait éveillé aux scandales de l’exploitation, de l’enfance martyrisée, de la misère et du préjugé. Elle lui avait montré l’exemple du pardon. Cosette l’orpheline, Fantine la misérable, Tisbe la sacrifiée, Maria de Neubourg la cloîtrée, Zabeth la révoltée, Michèle Fléchard l’obstinée, Jeannie la généreuse, Mademoiselle Baptistine la confiante et Soeur Simplice l’audacieuse en sont encore témoins: il avait bien un peu nourri son œuvre des idées qu’elle avait.