Le plus glaçant, dans ce livre, c’est sans doute la note de l’auteur qui ouvre l’ouvrage. En effet, il ne s’agit pas de fiction, mais de, probablement, ce qui a motivé l’écriture de cette histoire. Savez-vous, en effet, que des notes ont été retrouvées, dans l’ordinateur d’Oussama Ben Laden, sur l’usine de la Hague ? Et que des calculs ont été effectués par des experts qui montrent qu’une attaque du type de celle qui a été menée à New-York contre les tours jumelles pourrait y causer une catastrophe encore bien plus sérieuse que Tchernobyl, et ce à seulement 300 kilomètres de Paris et de Londres ?
L’auteur, journaliste indépendant travaillant avec Le Monde, Mediapart, Le Canard enchaîné, ayant écrit un livre sur sa propre infiltration dans un abattoir industriel, on pourrait s’attendre à ce que le livre soit sur le même mode. Et pourtant, pas vraiment. Et j’avoue qu’il y a là un paradoxe que je ne m’explique pas totalement.
Si l’on veut regarder le livre d’un strict point de vue « statistique », en effet, le message que nous renvoie cette histoire est finalement bien moins frappante. Nous suivons cette communauté d’un grosse dizaine de membres, confrontée à ces événements. Et que constatons-nous ? Finalement, ils s’en sortent plutôt bien, refusant d’évacuer les lieux, même une fois que les nuages contaminés sont là. Un mort, certes, tombé sous les pluies acides. Un blessé, attaqué par des chiens errants affamés, qui se fait mordre au mollet, y laisse un morceau de chair, mais – même si l’aventure se solde par l’amputation d’un doigt, ni gangrène, ni infection. Et puis, ce qui finalement semble le principal risque, l’intervention de l’armée… qui en profite pour vivre sur le pays.
Certes, on ne sait rien des effets à long terme des radiations. Mais cela ne semble pas être le sujet central. Mais, finalement, du strict point de vue des dangers de la radioactivité, on ressort de ce livre en se disant qu’une bande d’amateur, avec zéro matériel, peut finalement s’en débrouiller et « passer entre les gouttes », ou presque, si j’ose dire.
En revanche, on assiste à tout ce que l’homme est capable de faire dans une situation comme celle-ci. Se rapprocher, pour certains. S’isoler, pour d’autres. Chercher à régner par la violence et la terreur, pour les uns. Partager et faire preuve d’empathie, pour les autres. Et l’on pourrait se dire qu’il y aurait un message politique à porter… mais au sein même de la communauté anarchiste et écologiste, on retrouve des tentations… discutables.
Mais en réalité, le sujet du livre est ailleurs, dans quelque chose de bien plus quotidien, et qui ne nécessite pas de catastrophe nucléaire pour s’exprimer. En réalité, ce que ce livre nous raconte, ce qu’il met en lumière, c’est le fonctionnement d’un groupe, avec ses mensonges, ses divergences, ses désaccords, ses difficultés, qui, souvent, ne tiennent pas tant à ce qui se passe, mais au parcours de chacun avant. Avant qu’ils se rencontrent, avant qu’ils se connaissent, avant qu’ils se parlent. Mais qui reste et continue à se dresser entre eux après… Et, ça, quel que soit le contexte, le cadre, l’époque, les situations, les positions sociales, cela fonctionne toujours !
Plus qu’un roman d’anticipation dans un contexte nucléaire, il me semble que c’est un livre sur le fonctionnement et l’entropie dans un groupe que nous avons ici. Et en plus, il se lit bien ! Alors, ça vous dit de nous rejoindre sur la presqu’île de Rhuys ?
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