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Critiques de Giulia Caminito (153)
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Un jour viendra

Dès les premières lignes d'un incipit fulminant, j'ai senti la puissance de ce roman, fresque sociale, familiale et historique dont le souffle romanesque m'a irrésistiblement emportée vers la région italienne des Marches et plus précisément le village de Serra de' Conti, sans jamais retomber.



Comme dans un conte, on suit la famille des Ceresa, misérable et surtout marquée par des secrets et une malédiction. « On racontait que les corbeaux mangeaient à leur table » tant les enfants meurent les uns après les autres, progéniture malheureuse d'un père boulanger violent et d'une mère perdant la vue, à moitié folle de dévoterie. le pivot central du roman est le duo formé par deux enfants survivants, Lupo et Nicola, deux frères polaires aussi opposés et complémentaires que le yin et le yang ou que le nadir et le zénith, liés de façon viscérale bien au-delà des liens du sang.



Un des grands bonheurs de ce roman, c'est son écriture. La prose de Giulia Caminito oscille entre poésie, lyrisme et néoréalisme, dans un style presque ancien sans pour autant paraître apprêté et artificiel. Au contraire, les dialogues étincellent d'une vivacité à la spontanéité presque contemporaine. L'auteure excellent aussi bien à inscrire son roman dans le fleuve des événements ( luttes paysannes contre les grands propriétaires terriens, montée de l'anarchisme, semaine rouge d'Ancône, Grande guerre, grippe espagnole ) qu'à l'habiter de personnages inoubliables tout en rendant hommage à la beauté austère de la nature des Marches.



Tous les personnages, même les plus secondaires existent, tous ont leur voix, même ceux qui ne traversent que quelques pages. Denses et magnifiquement caractérisés, ils nous prennent par la main pour ne plus nous quitter. Lupo, le frère rebelle animé par la flamme de la révolte ; Clara, la charismatique soeur noire du monastère de Serra de' Conti ( personnage inspiré de la Moretta, moniale clarisse d'origine soudanaise au parcours atypique, enlevée enfant, vendue comme esclave pour se finir abbesse mélomane ) ; et Nicola, sans doute le plus beau personnage car celui qui se métamorphose, lui qui était ainsi présentait : « On l'appelait l'enfant mie de pain parce qu'il était le fils du boulanger et qu'il était faible, il n'avait pas de croûte, laissé à l'air libre il moisirait, bon ni pour la soupe ou le pancotto, ni pour nourrir les poules ».



Le roman est traversé par la thématique de la foi et des actes de foi, qu'il s'agisse de la piété religieuse, de l'engagement anarchique ou du dévouement à la famille. Il faut croire en quelque chose pour survivre aux assauts de l'extérieur et de l'Histoire. Les personnages principaux sont tous des résistants dont l'unique but tend à trouver sa manière d'être au monde, jusqu'à se dépasser en cassant la fatalité de ce qui semblait cristalliser leur identité initiale. Pour les y guider, Giulia Caminito a construit un roman spiralaire, maniant allégrement ellipses, prémonitions et analepses, laissant son roman suivre une voie libre, jetant des indices, éclairant des détails qui prennent tout leur sens au fil des chapitres, offrant des surprises au lecteur ou l'irruption de personnages importants en cours d'histoire.



Ce roman éblouissant m'est allé droit au coeur ! J'ai tout aimé, sans aucune réserve. Cette première échappée des éditions Gallmeister hors d'Amérique du Nord révèle une nouvelle fois la qualité de la ligne éditoriale de cette maison .
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L'eau du lac n'est jamais douce

Le roman s’ouvre sur un remarquable chapitre très néo-réaliste qui met spectaculairement en scène la mère de la narratrice, mère courage qui, avec la fougue d’une Anna Magnani, déchire son chemisier et sa jupe pour obtenir un logement social salubre. La dernière phrase place sa fille, pourtant absente, dans le récit, pourtant absente, dans la scène et assène : « Et c’est comme si j’étais là, debout, la regardant depuis un coin de la pièce, je la juge et ne lui pardonne pas. »



Cette phrase radicale introduit avec force Gaia, la fille, comme un personnage à la dureté minérale. Un père handicapé, une mère qui l’élève sans compromis à ne rien attendre des autres, trois frères, une pauvreté qui la marginalise au collège. Gaia a la haine de sa condition sociale, née dans le quart monde italien qu’elle abhorre. Sa rage innerve tout le roman, quasi sans répit. Et cette colère sociale se conjugue avec une adolescence douloureuse.



C’est extrêmement rare de rencontrer un personnage d’adolescente aussi peu aimable alors même que sa condition la place du côté des victimes et donc devrait susciter compassion et empathie. Ce n’est pas le cas. Giulia Caminito, par son écriture anguleuse et râpeuse, oscille entre distanciation stylistique et identification émotionnelle, mais à chaque fois qu’un élan nous pousse vers Gaia, cette dernière s’engouffre dans la violence et la vengeance la plus abrupte qu’elle consomme avec détermination lorsque les amours infidèles s’ajoutent aux amitiés superficielles ainsi qu’à la laideur du monde. L’auteure ne cherche pas un chemin de rédemption classique ou facile à son personnage, ce qui a quelque chose de subversif, de dérangeant en tout cas.



Ce roman n’est pas politique au premier degré. La place des grands événements y est complètement minime, à peine sont évoqués à cette aube des années 2000 le 11 septembre ou les émeutes anti-G8 à Gênes, comme si survivre était si impérieux et difficile pour Gaia qu’elle ne pouvait passer que par le repliement sur soi et par une lutte strictement intime.



Et c’est justement là que le roman prend une dimension politique, en filigrane. Le cynisme et la dureté presque amorale de Gaia sont une réponse à la dureté de la société et des injustices qu’elles génèrent. Si sa colère est si forte, c’est qu’elle a trop de choses à revendiquer mais pas les bons outils pour renverser cette situation inique. Même son choix de faire des études longues de philosophie sonne comme une vengeance plutôt que comme un épanouissement personnel. Le lac du titre, le lac de Bracciano, en proche banlieue de Rome, est la métaphore de cette vie douloureuse, attirant mais effrayant aves son fond sombre et vaseux.



Un récit très singulier qui porte un vrai regard sur notre société à travers cet étonnant personnage de jeune fille à construction. Même si le souffle romanesque éblouissant d’Un Jour viendra m’a plus portée, j’ai apprécié l’âpreté de ce roman traversé par une inquiétude radicale à peine éclairée par des instants de poésie aussi brefs qu’intenses.
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La grande A

Lorsqu'on fait connaissance de Giada, c'est une adolescente craintive, maltraitée par sa tante, coincée dans une campagne lombarde bombardée à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Giulia Caminito raconte son parcours sur une vingtaine d'années. Mêmes points de départ et d'arrivée, mais entre temps, toute une vie en Érythrée coloniale lorsqu'à dix-sept ans elle rejoint sa mère, Ada, qui tient un café à Assab.



La Grande A est un roman d'apprentissage qui prend le lecteur dans un tourbillon. L'écriture de l'autrice est enlevée, rapide, voire heurtée, pas toujours facile à lire avec ses nombreux retours à la ligne, ses passages peu ponctués et ses dialogues sans guillemets. Il m'a fallu un peu de temps pour m'y faire mais au final, j'ai trouvé ce style très cohérent pour raconter l'urgence d'une vie à se construire, avec toute la palette d'émotions que cela induit et un lot d'événements inattendues.



C'est vraiment ce que j'ai préféré dans le roman : assister à l'éclosion d'une femme sûre d'elle et de ses choix. Et de façon générale, le roman exalte la figure féminine sous toutes ses facettes avec le duo mère-fille qui est le cœur du roman. Sans doute plus marquante que Giada, la fantasque Ada est un personnage formidable, capable de gifler un curé ou de conduire pied au plancher dans le désert africain pour transporter de l'alcool trafiqué, toujours prête à relever sa fille quand la vie l'a fait trébucher



Le roman surprend tout le temps car d'une page à l'autre, les ambiances changent radicalement, du froid hivernal lombard à la poussière du désert érythréen. Certains passages sont d'une poésie à la fois légère et mélancolique ( comme ceux consacrés à la gazelle Checco, inoubliables ), d'autres frôlent le réalisme magique au point qu'on s'attend à ce que les gazelles parlent. D'autres sont ancrés à l'Histoire et raconte la colonisation érythréenne, d'abord par l'Italie fasciste, puis sous administration britannique après la chute de Mussolini, puis au pouvoir impérial du négus Hailé Sélassié, avant de rentrer en guerre d'indépendance face à cette même Éthiopie.



C'est parfois un peu long, un peu inégal d'un chapitre à l'autre. C'est souvent foutraque, en apparence seulement car on sent que l'autrice sait où elle veut aller. Mais on est emporté par la fraîche énergie de l'écriture et on reste attaché à ces personnages de conte moderne, touché par ces vies entre rêves, espoirs, désillusions, portées par une endurance résiliente car collective.



La Grande A est le premier roman de Giulia Caminito. On y sent toutes les promesses d'une écrivaine qui entend marquer d'emblée son style et présenter l'originalité de son univers. Un Jour viendra a été un énorme coup de cœur, son deuxième roman - mais premier traduit en France.
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Un jour viendra

Nés à la toute fin du 19e siècle dans une famille pauvre de Serra de’ Conti, dans les Marches italiennes, Lupo et Nicola n’ont que leur indéfectible affection pour survivre à la rudesse de l’environnement où ils grandissent. Mais la Grande Guerre qui ravage bientôt l’Italie a tôt fait de séparer les deux frères à peine entrés dans l’âge adulte. Encore ne sont-ils pas au bout de leurs épreuves, puisqu’il leur faudra aussi affronter un secret familial celé derrière les murs du couvent qui domine leur village.





Brodant autour du souvenir de son grand-père anarchiste, l’auteur sertit l’histoire romanesque de la famille Ceresa dans une fresque historique et sociale passionnante. Son profond réalisme doit beaucoup à l’habileté suggestive de son mode narratif, qui, de petites touches en détails bien choisis, construit peu à peu une galerie de personnages, réels et fictifs mêlés, d’une grande force et d’un parfait naturel. C’est au plus près de leur ressenti, alors que, submergés par les événements extérieurs et les soubresauts de l’Histoire, ils entreprennent chacun à leur manière de se révolter et de résister à la fatalité, que l’on découvre cette période de l’Italie : l’organisation quasi féodale de son agriculture, la misère et les brigandages qui en découlent, la montée de l’anarchisme et du fascisme, et, dans un crescendo apocalyptique, l’enfer de la Grande Guerre et l’hécatombe de la grippe espagnole.





Usés jusqu’à l’âme par leurs tragédies personnelles sur fond de tourmente générale, les personnages de Giulia Caminito ont en commun l’ultime instinct de préservation de ceux qui n’ont plus rien à perdre et qui jettent toutes leurs forces dans la défense de ce qu’ils ont de plus cher, le prix à en payer n’ayant plus d’importance. Liberté pour l’indomptable Lupo, attachement fraternel pour le fragile Nicola, principes religieux et charité chrétienne pour l’inoxydable Moretta : tous ne survivent que par, et pour, la sauvegarde de leur intégrité-même, avec cette force du désespoir propre à soulever les révolutions. En cela, Un jour viendra est avant tout un splendide hommage à toutes les résistances. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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L'eau du lac n'est jamais douce

Roman d'apprentissage, Rome années 2000.

Gaia grandit dans une famille pauvre avec trois frères et soeurs, un père en chaise roulante et une mère femme de ménage, Antonia la rousse, figure étonnante de l'histoire qui gère marmaille, mari et maison d'une main de fer. Souhaitant que sa fille échappe coute que coute à sa condition sociale à travers les études, elle l'envoie dans un lycée fréquenté par des gosses de riches, où sa fille y sera cruellement exposée. Mais même dans les années 2000 en Italie changer de classe sociale est très difficile, les ambitions de la mère seront-elles d'un grand secours à la fille ?



C'est le style spontané et plein d'humour dans l'esprit de celle des "Chats éraflés" qui illumine ce texte très fort , une énième histoire de famille et d'enfance / adolescence complexes, dans un milieu défavorisé. L'écriture très personnelle est superbe !

Les personnages sont sans exception intéressants, dont Gaia et Antonia, mère-fille rousses. La fille ne manque pas de culot et va trés vite suivre l'exemple de sa mère pour se défendre et se protéger, quitte à user la violence hors de sa famille. Alors qu'en famille où elle se sent "sous anesthésie", elle reste désarmée. Antonia l'encourage aussi à la lecture, choisissant les grands classiques de la Littérature et lui offrant un dictionnaire qui sera longtemps l'unique trésor en papier qu'elle possèdera.



Sur fond d'un lac aux eaux noirs ( lac de Bracciano, qui existe vraiment et est comme décrit dans le livre) qui engloutit tout, une histoire de frustrations, d'envie, de rage et de vengeance dû à la pauvreté, mais aussi celle de soif d'amour, de tendresse et de reconnaissance, dans une Italie où l'argent semble être seul maître à bord. Et pour finir avec un sourire, la moral du livre 😆 : Les mecs , pensez-y deux fois avant de tromper votre femme, fiancée et autres dans la même lignée !

L'écrivaine est déjà présente sur Babelio avec son premier livre traduit, celui-ci le second non traduit encore, est en lice pour le Prix Strega 2021, le Goncourt italien. J'avais déjà repéré Caminito grâce à l'excellente critique de Kirzy de son premier livre que je n'ai pas encore pu lire faute de temps 😊, ce sera fait prochainement vu que j'ai bien aimé celui-ci.
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Un jour viendra

À Serra de’ Conti, bien que sa boulangerie trône au milieu du village, les clients se font rares. Il faut dire que Luigi Ceresa est un homme peu aimable, peu souriant, coriace et dur. Même à la maison, il ne sait pas donner d'amour, ni à sa femme, Violante, aujourd'hui atteinte de cécité, épuisée par les nombreux accouchements mais aussi par la perte de certains de ses enfants, ni à Antonio qui l'aide pourtant à la boulangerie, ni à Lupo, enfant rebelle et forte tête, et encore moins à Nicola, le petit dernier, trop fragile et trop peureux. Aussi Lupo s'est-il mis en tête de protéger son petit frère, envers et contre tout, et ce malgré les secrets et les non-dits qui hantent cette famille et la grande Histoire qui se chargera de les séparer...



Par petites touches, Giulia Caminito dessine, avec beaucoup de subtilité, le destin de ces deux frères que tout semble opposer et pourtant très fusionnels. Au sein d'une famille dysfonctionnelle, peu aimante, parfois violente, tandis que l'un se révolte, l'autre se terre. En parallèle, l'on suit sœur Clara qui dirige d'une main de fer le couvent et qui vient d'accueillir en ces lieux la jeune Nella Ceresa, qui se dit prête à abandonner toute sa famille. Que cherche-t-elle à fuir ? Sa famille ou un plus sombre secret ? La force de ce roman réside dans toute cette galerie de personnages, assez sombres, mystérieux parfois, très attachants pour certains. Une galerie que l'auteure dépeint avec force, subtilité et émotions, d'autant qu'elle est traversée par l'Histoire, que ce soit la Première Guerre mondiale, l'anarchisme, la Semaine rouge ou encore la grippe espagnole. Un récit où s'entremêlent les tragédies personnelles et historiques, l'amour et la haine, l'espoir et l'amertume et sublime cet amour fraternel, à la fois fragile et immuable...



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Un jour viendra

«  Car comme on le sait, les hommes partent mais la terre reste » .

Quel roman ! Un coup de cœur!

Sous le soleil ardent de l’Italie, dans les Marches à Serra de Conti , début du vingtième siècle , au sein de la famille Ceresa, famille maudite, misérable , marquée par une malédiction et des secrets : les enfants meurent les uns après les autres , Luigi , le père était dur et cassant «  comme la croûte de pain, coriace comme un pain de seigle » , donnant très peu d’amour à Violante , son épouse «  qui avait appris à vivre d’accouchements » .

Elle n’y voyait presque plus , s’entaillant les doigts, faisant tomber la vaisselle , attisant parfois des feux éteints .

Mais elle répugnait à demander de l’aide à ses enfants.

Épuisée, recluse, rentrée en elle même par la perte d’un enfant .

Ce que j’ai le plus apprécié dans ce roman , outre la construction un peu lâche ,mutante , embrouillée mais d’une incroyable intensité c’est l’écriture , une langue poétique, lyrique , mais réaliste, chaleureuse , ample , à la limite désuète mais magnifique .

Une épopée traversée par de petites histoires sombres , noires , mêlées à la grande Histoire,: idées socialistes, semaine Rouge, guerre de 14 - 18, naissance de l’anarchisme , grippe espagnole .

Traversée aussi pr la foi, le couvent dirigé d’une main de fer et la poigne de Soeur Clara , un personnage superbe inspiré de la Moretta.

Les personnages principaux sont les fils : Lupo, né en 1897, et Nicola , que tout oppose : Lupo , fort , imposant et brun qui a recueilli un loup qu’il nomme Chien, Nicola , le blondinet craintif, fragile , à la peau pâle qui supporte très mal le soleil , il aime lire ce qui dérange et trouble son père .

Ces deux là : le jour et la nuit …

Des portraits subtils , bien sentis , pétris de psychologie et de finesse .

Les thématiques de la foi de la rédemption, de l’idéalisme, de l’amour fraternel s’y coulent dans le vent de L’Histoire, entre tendresse et dureté , : des personnages intenses décidés à lutter face au chaos du monde .



Un récit d’une grande qualité imprégné de secrets , travaillé tout au long par la sueur et la Terre !



Une auteure magnifique à suivre .

Vive l’Italie !
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Un jour viendra

A N A R C H I E



Si vous passez les doigts sur les lettres de ce mot, écoutez, prêtez l'oreille, il vous murmure les espoirs qu'il recèle, les rêves d'égalité qu'il fait germer, la fin des injustices qu'il promet, le pain pour nourrir chacun qu'il fait dorer, le travail partagé qu'il défend, seul rempart contre la misère qui ravage ces paysages d'Italie à l'aube des années 1900.



A Serra De' Conti, ce mot emporte dans son souffle la destinée de Giuseppe le grand-père, comme il va bousculer celle de Nella sa petite-fille, comme il va écrire celle de Lupo ce garçon qui est l'incarnation du fils qu'il n'a pas eu.



Chez les Ceresa, méprisant son père, Luigi, fils de Giuseppe, est celui qui a repris la boulangerie et fait régner la peur. le pain qu'il dépose dans son antre, et qu'il vend, a une mie aussi dure que le coeur de celui qui le pétrit. Sa cruauté a fait germer la malédiction sous son toit. Il n'a d'affection ni pour ses filles qu'il juge inutiles quand elles n'osent pas lui désobéir, ni pour ceux de ses fils qui survivent et qui poussent comme des herbes folles, Lupo le rebelle, l'indomptable, celui qui esquive les coups, les ordres, et Nicola l'évanescent, le fragile, celui qui ne rétorque jamais, celui qui subit, celui qui incarne la vérité, l'innocence.

Lupo s'est fait protection pour Nicola, essayant de le soustraire à la colère rémanente d'un père, quand les yeux de la mère, celle qui devrait veiller, se sont éteints depuis longtemps et ne contemplent plus la réalité des choses du quotidien.



Au dessus du village, se dressent les murs du couvent dans lequel déambule l'Abbesse, Zari, femme respectée et vénérée, femme inflexible.

L'Anarchie et la religion ne sont pas soeurs et pourtant bien des chemins vont se croiser, bien des idées vont se coudre....



A la violence utilisée par ceux qui répriment les demandes de ces anarchistes, qui ne réclament qu'équité, les accusant injustement de n'utiliser que cette violence pour s'exprimer alors qu'il n'en est rien, répond le silence qui habite les murs du couvent, comme un baume aux colères qui ne trouvent aucun apaisement...





Quand la Grande Guerre commence à réclamer les fils, les frères, les pères, les amis de longue date, commence à les engloutir, quand Chien le loup domestiqué de Lupo disparaît comme un présage, comme une prédiction, quand Nicola voit le vent de l'histoire le balayer, à l'emporter comme une plume,



Que reste-t-il à ceux qui foulent encore le sol de ces collines italiennes ?



Que sont devenus les espoirs d'une vie meilleure, plus juste, comment continuer à faire vivre les idées, l'Anarchie comme seul guide de l'existence ?



Où s'est envolée l'affection de Lupo pour Nicola, sa promesse de protection ?



Comment le couvent parvient-il à rester dressé, à résister, coûte que coûte, fier et altier comme l'image en miroir de cette Anarchie et des espoirs promis à ceux qui la défendent ?



Les uns vénèrent un Dieu qui leur promet une félicité dans la prière, les autres ne croient qu'en une façon d'être qui serait l'égalité de tous et l'anéantissement des misère...







Quel roman !

Outre ses thèmes qui se tissent , qui se croisent , qui s'entremêlent, l'écriture est un joyau. Lire les pages qui se tournent serait comme poser les yeux ici et là, tourner la tête, avancer dans le temps, revenir sur le passé. La chronologie danse pour mieux raconter L Histoire et les histoires, la nature chante pour mieux montrer la vérité, sa permanence, les chants d'oiseaux chuchotent la douceur de Nicola, son absence à l'injustice et au mépris.

Cette chronologie du récit, bousculée et virevoltante pour nous faire apprécier davantage le moment présent, le cheminement auprès de ces personnages dans ce qu'ils disent de notre humanité.

Lupo laisse jaillir sa colère pour mieux laisser transparaître la résignation de Nicola, l'Agneau, celui qu'on sacrifie parce qu'il fait silence…

Une plume qui glisse et tourbillonne comme les pas de Chien ce loup qui gambade et arpente les bois pour retrouver l'ombre de sa liberté.





Vous l'aurez compris, un livre éblouissant dans son fond et dans sa forme, et même si les thèmes de l'Anarchie, d'ailleurs fabuleusement traités invitant quelques grandes figures à arpenter ces pages et quelques grands faits à s'y inscrire, m'avaient à eux seuls insufflé l'envie de le découvrir, il m'en reste, une fois la dernière page tournée, le souvenir ému de la rencontre avec un être de lumière, une flamme qui vacille, qui luit, un guide dans nos vies ternes, Nicola celui qui est l'incarnation d'un idéal quel que soit le nom par lequel on le désigne et qui ne demanderait qu'à être contemplé....
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Un jour viendra

Dans des échanges liés à son exceptionnel commentaire Kirzy a noté : « Ce roman mérite le plus bel éclairage possible. »

J’avoue que c’est justement son très bel éclairage qui m’a donné envie de le lire.

Alors…

Un jour viendra où la vérité des drames de la famille Ceresa de Serra de’ Conti petit village des Marches éclatera.

Soyez de ceux qui se laisseront éclabousser par cette écriture fine et riche, gorgée de délicatesse empreinte de réalisme.

Je ne ressens pas le besoin de vous en conter l’histoire tant le commentaire de Kirzy est complet et captivant. Je ferai juste un parallèle avec le roman de Laurent Gaudé « Le soleil des Scorta » qui pour moi à certaines connexions et quelques affinités. J’ai ressenti à plusieurs reprises les mêmes émotions : la fierté, la peur, la révolte, le mépris, la connivence, l’indifférence, la colère et le dégout. Tous ces sentiments qui viennent à la bouche et qui font que je sais que je lis un bon livre.



Le contexte historique lourd imbibe les drames familiaux de ses sursauts cruels et meurtriers :

La naissance de l’Italie moderne, la suprématie de l’église, l’exploitation des métayers, la grande guerre, la corruption et la grippe espagnole.



Entre fratrie séparée et patrie éparpillée, entre anarchie étouffée et tyrannie démesurée, ce roman est dense sans être lourd, documenté sans être ennuyeux, son habile construction m’a ferré comme un leurre scintillant d’un soleil insolent dans les torrents translucides ou file l’anguille entre les cailloux gris. Juste pour le plus bel éclairage possible.



Lu ensemble avec Fuyating, Labullederealita et Gonewiththegreen.







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Un jour viendra

Un jour pourtant

Un jour viendra

Couleur d'orange

Un jour de palme

Un jour de feuillages au front

Un jour d'épaule nue

Où les gens s'aimeront

Un jour comme un oiseau

Sur la plus haute branche



Ce poème d'Aragon mis en chanson, en 1967 par Jean Ferrat dénonce la guerre, celle d'Espagne mais aussi toutes les guerres.

En lisant le livre de Giula Caminito, ce poème m'a paru être le plus bel hommage, la meilleure association à faire avec son roman : Un jour viendra. Un espèce de point lumineux qui demeure le fil rouge de ce magnifique roman de Guila Caminito.

Partant de l'histoire de son arrière- grand-père, anarchiste, elle nous plonge dans l'histoire d'un petit village des Marches, en Italie Centrale, au début du XX ième siècle.

L'écriture de Giula Caminito est captivante, sinueuse telle la rivière qui borde ce petit village : À Serra de' Conti.

Deux frères que tout séparent vivent pourtant en communion avec la nature, dans un amour fraternel sans faille. Lupo, l'aîné défend son petit frère : Nicola qui semble être un être fragile, presque inapte à la vie.

Lupo est un jeune homme fougueux, plein d'espérance qui se rapproche de l'anarchisme de son grand-père, qui veut lutter pour un monde meilleur qui viendra un jour.

Mais la première guerre mondiale renverse et broie tout sur son passage, Nicola est enrôlé comme soldat et échappe à la protection de Lupo.

Se mêle à la grande tragédie de la guerre, la grippe espagnole qui décime et fauche la presque totalité des habitants du village.

Que reste-t-il ? Quel est l'avenir de ces deux frères ?

Un exil lointain dans une Amérique qui apparaît encore à ce moment là comme une terre d'espoir et de liberté politique.

Oui, un jour viendra est un savoureux roman, plein de douceur de nostalgie, de l'espoir qu'on doit toujours porter d'un monde meilleur.



Un jour pourtant

Un jour viendra

Couleur d'orange...
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Un jour viendra

« Quand il braqua son fusil sur son frère Lupo, Nicola pensa qu’il avait une promesse à tenir ». Difficile d'imaginer avec cette entrée en matière dans le prologue à quel point ces deux frères si différents, seront aussi si fusionnels.

L'un est aimanté par les ombres, Nicola à la complexion fragile, avec « ses yeux clairs semblables à des esquisses de nuages » qui « n’était même pas fait pour tenir debout, ses dents claquaient au soleil ».

L'autre se destine aux grandes manœuvres révolutionnaires, « avait choisi l’anarchie par hérédité mais aussi par conviction », porte « le nom de l’espoir et de la défaite » du village de San Lupo, et adopte un jeune loup dès le début du récit.



Si le lecteur connaîtra vite le pacte qui lie officiellement les deux, le goutte-à-goutte des révélations narratives lui laissera vite supposer qu'il y a sûrement plus, des non-dits ou des secrets. Pas si étonnant que ça dans une famille aussi nocive, où le père Luigi n'est pas fait pour la boulangerie héritée de l'oncle, « doué ni pour les bavardages quotidiens ni pour le bonjour matinal, en réalité plutôt connu pour ses sourcils en broussaille perpétuellement froncés », même si au sein de sa petite famille, il est aussi connu pour sa violence et l'absence irréversible d'amour envers les siens. Et ça n'est sûrement pas la mère qui démentira, elle désormais épuisée et recluse, atteinte de cécité et de pertes d'enfants, naturelles ou accidentelles comme des coups de fusil.



Mais la famille n'est pas le seul flux narratif de ce roman. Il y en a d'autres, l'un historique et transversal, parfaitement ancré, fournissant des faits réels : semaine Rouge, guerre de 14-18, naissance de l'anarchisme ou grippe espagnole, il paraît superflu de préciser que le contexte enfonce le clou d'un roman décidément bien implanté dans le drame. L'autre flux tourne autour d'un lieu du village de Serra de’ Conti, le couvent dirigé de main de fer par sœur Clara, superbe personnage inspiré de la Moretta, sœur Maria Giuseppina Benvenuti, mais qui fait aussi penser à Bakhita. Si la famille recèle ses secrets, nul doute que la bâtisse religieuse aura tôt ou tard son mot à dire, pas forcément mystique.



Le tour de force de l'autrice sera de parvenir à entremêler toutes ses petites histoires dans la grande en conservant en point de mire la ou les révélations attendues par le lecteur, dans un parcours parsemé de fausses pistes ou de chausses-trappes. Giulia Caminito se joue des situations, des personnages et des faits telle une marionnettiste, elle maîtrise les rênes de son récit débridé, dans un roman le plus souvent factuel, porté par le souffle d'une langue déterminée et élégante.

Une première pour la maison Gallmeister avec un auteur non américain, pour une belle réussite.



« Nicola et Lupo n’étaient pas seulement des frères, ils n’étaient pas seulement du même sang, ils étaient plus que la guerre, ils étaient plus que l’anarchie, ils avaient été couvés par le monde pour exister ensemble, leurs vies devaient nécessairement être liées »
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La grande A

Giada, 13 ans, est sous les bombes , en Lombardie avec sa tante et ses cousines . Son père est à Milan et sa mère , loin , loin de l'Italie qu'elle a fui. Elle est dans la grande A, cette terre mythique où Giada rêve de la rejoindre quelque part entre Asmara et Addis Abeba. Jusqu'au jour où elle part pour de bon.

La grande A est le premier roman de Guilia Caminito , même si d'autres ont été édités précédemment en France.

Après ma lecture , j'ai fouillé dans la biographie de l'auteure , à la recherche d'éléments expliquant ce premier roman.

Son père est né à Asmara , ses grands parents se sont rencontrés à Assab, où se rend Giada et son arrière grand mère semble avoir le même profil qu'Adi , la mère de Giada : On traficote un peu avec les bouteilles d'alcool par exemple.



Cette histoire ne tombe pas du ciel et l'auteure nous plonge donc dans la communauté italienne en Afrique en connaissance de cause. Et elle le fait merveilleusement bien, servie par une écriture au cordeau, au couteau, enfin comme vous voulez, une écriture qui dépote en tous les cas ...et qui fait du bien. C'est vif , nerveux , les mots claquent , les phrases peuvent parfois se passer de verbes !

On l'aime Giada, 160 cm et 40 kilos avec le bonnet et les moufles . Vaillante , attachée à la famille, sans peur, mère avant tout, un peu intrépide aussi, elle illumine ce très beau roman qui fait une petite place à l'histoire de la décolonisation, mais ce n'est pas le thème principal.

Les femmes sont grandes ici , leur destin en main , peur de rien et prêtes à presque tout pour vivre libres .

Un livre au dessus d' @un jour viendra pour moi.
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Un jour viendra

Un grand merci à Kirzy, pour m’avoir un peu poussé à lire, Un jour viendra de Giulia Caminito. Un superbe roman, magnifique de par le récit que par les personnages, même secondaires.



"ON L’APPELAIT l’enfant mie de pain parce qu’il était le fils du boulanger et qu’il était faible, il n’avait pas de croûte, laissé à l’air libre il moisirait, bon ni pour la soupe ou le pancotto, ni pour nourrir les poules. Quelqu’un comme lui, né au milieu des champs avec des bras mous, tendres et pâles, ne servait à rien."



Nicola Ceresa, était le fils de Luigi, un des boulangers du village de Serra de' Conti, dans la région italienne des Marches, il l’avait hérité de son oncle Rafaelle, sans grand enthousiasme, il était renfrogné, pas de sourires, ni de bavardages, pas de bonjour matinal, il était connu pour ses sourcils en broussaille, sa bedaine gonflée d’air et de vin et son visage de fouine. Plus près de la faillite, moins de travail et plus de clients mécontents.



Il vivait au-dessus de la boutique, dans quelques pièces où toute la famille s’entassait, du moins ce qu’il en restait. Le malheur les poursuivait dans leur pauvreté, le manque d’amour, les enfants succombaient les uns après les autres. La moins aimée était sa femme Violante, qui ne servait qu’à faire des mômes, "semblable à une jument poulinière attachée à l’écart dans un pré, et dans l’obscurité, depuis qu’elle n’y voyait presque plus, pour elle la cuisine s’était réduite à une affaire d’odeurs et de saveurs." Puis venaient, Nicola, être silencieux, presque transparent, incapable d’effectuer la moindre tâche, pourtant on l’avait découvert en train de se livrer à des activités bizarres, comme apprendre les lettres et les mots. Lupo, un enfant intimidant, capable de tout, têtu à la peau et aux yeux sombres. Et Adelaïde, malade et alitée.



Lupo et Nicola, deux âmes complètement opposées, mais ils ne pouvaient se passer l’un de l’autre, intimement liés. Cette histoire est la leur. Lupo fier et rebelle, s’est donné pour mission de protéger son petit frère Nicola, trop fragile, trop délicat avec son visage de prince. Flanqués de leur loup apprivoisé, les deux frères survivent grâce à l’affection indestructible qui les unit.



Une histoire captivante, un grand-père fasciste, la rébellion des paysans face aux grands propriétaires terriens, la misère, la grande guerre, la grippe espagnole, les secrets, les mensonges, Clara, l’abbesse noire du monastère de Serra de' Conti, enfant enlevée au Soudan, fascinante femme dévouée, qui défendra bec et ongles, les religieuses et leur couvent, qu’on veut leur enlever.



J’ai tout aimé, une très belle lecture que je vous conseille, une écriture superbe qui vous tient enchainé au récit jusqu’à la fin. J’ai adoré.

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Un jour viendra

Luigi est boulanger à Serra de' Conti dans les Marches au début du XXème siècle. Sa femme quasi aveugle et ses enfants, ceux qui sont encore vivants, ne lui apportent aucune quiétude. Colérique, il n'en a que pour Antonio , son grand , le seul valable à ses yeux. Pour Lupo et Nicola, les deux plus jeunes, il va falloir se construire dans l'adversité.



Très beau roman qui s'appuie sur une trame historique , la construction de l'Italie , les rebellions du peuple contre le roi, le clergé et la guerre, la montée du fascisme.

Avec une construction laissant place aux non dits sans que l'on soit perdu, l'auteur laisse planer beaucoup de mystères dont la plupart seront éclaircis mais qui pour le coup tiennent le lecteur en haleine .

Les personnages sont tranchés pour la plupart, Lupo, Soeur Clara mais la aussi , la qualité de l'auteur lui a permis de brosser une palette assez large de mentalités , des personnages qui se métamorphosent quand d'autres sont incapables d'évoluer.

Servi par une écriture brute , qui vous assomme comme le soleil omnipotent, ce roman est brillant par toutes les facettes qu'ils présentent. On aurait pu aussi évoquer la place prépondérante de la religion et son pouvoir sur le peuple mais aussi la beauté d'une nature sauvage magnifiquement décrite.



Une très belle découverte.
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Un jour viendra

" Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front"



Le titre m'a évidemment fait penser à ce poème d'Aragon. Pour l'instant, ce deuxième roman de l'auteure italienne est mon premier gros coup de coeur de l'été!



J'ai vibré avec les personnages, tous sont tellement entiers, intenses dans leurs désirs, leur colère, leurs émotions! Lupo, rageur, brûlant d'un idéal ; Nicola, maladroit et fragile, que la guerre changera; Soeur Clara, originaire du Soudan, à la foi ardente. Nella, dont le destin a basculé. La famille Ceresa est au coeur de cette histoire , maudite semble-t-il, et qui porte en elle des secrets terribles.



J'ai été séduite aussi par l'écriture: sensuelle, abrupte parfois, poétique. L'auteure rend à merveille la beauté sauvage des Marches italiennes, région dont sa mère est originaire.



Tout commence au début du 20 ème siècle, dans ce petit village où l'on survit difficilement. le livre aborde des thèmes forts comme les luttes paysannes contre le pouvoir des riches propriétaires, le sort des soldats durant la première guerre mondiale, les ravages de la grippe espagnole, les groupuscules anarchistes.



Voilà un livre incandescent, passionnant, dans lequel le lecteur plonge avec l'impression d'être, lui aussi, à Serra de ' Conti, sur les collines. A découvrir!



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Un jour viendra

Gallmeister traverse les frontières de l'Amérique du nord. Quelle surprise !

Dernièrement, je me suis demandée si le format ebook ne m'empêchait pas de rentrer dans les histoires. Mais non, me voici rassurée.

Je me suis très vite glissée dans cette histoire racontée par Giulia Caminito. Nous voici sous le soleil ardent de l'Italie, dans les Marches, à Serra, au début de 20e siècle, au sein de la famille Ceresa, famille maudite qui voit mourrir ses enfants.

La mère est aveugle, pas commode, le père est boulanger, pas franchement sympathique non plus. Ils vivent en milieu rural, entourés de metayers sans le sou.

Les personnages principaux sont les fils, Lupo et Nicola. Deux frères que tout oppose. Lupo en impose, il est brun et fort et a recueilli un loup, qu'il appelle Chien. Nicola est faible, sa peau pâle supporte mal le soleil, il préfère rêvasser et lire, ce qui insupporte son père. Lupo défend et protège son petit frère, quoi qu'il arrive.

Parallèlement, il y a la vie au couvent, gouverné par l'abbesse Sœur Clara, une femme soudanaise de caractère, enlevée alors qu'elle était petite fille.

Les destins vont se rejoindre, les secrets éclore.

Le contexte historique est très présent et imprègne les personnages.

La montée de l'anarchisme et bien sûr l'arrivée de la première guerre mondiale nous sont racontées à hauteur de ces différents personnages, tous attachants et plutôt bien dessinés.

Le récit n'est pas du tout linéaire et je crois que ça ajoute au charme du roman, qui nous promène d'un moment à l'autre, d'un personnage à l'autre.

C'est un roman noir. Pas beaucoup d'espoir. La misère, la guerre, la maladie ne nous sont pas épargnés. Mais j'ai trouvé l'écriture imagée et un brin désuète, ce qui colle très bien au contexte et apporte de la douceur. De même, de jolis liens se créent, entre Lupo et son frère et Lupo et Chien.

Ce n'est pas un coup de cœur mais une lecture très agréable. Avec un jour viendra, j'ai voyagé ailleurs et dans le temps !

Je vous conseille de lire la note de l'éditeur en fin d'ouvrage avant de commencer le roman pour avoir un aperçu du contexte historique.



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Un jour viendra

Les Edts Gallmeister quittent les grandes plaines nord-américaines, et nous voilà en Italie, c'est la fin de la royauté, le fascisme, la grande guerre qui foudroie , la grippe espagnole pour tourmenter les survivants.

C'est dans ce lourd contexte que se situe le second roman de G.Caminito. En souvenir de son grand-père anarchiste elle pose les bases sur des faits réels et brode ainsi autour de vagues souvenirs racontés.

Dans un petit village des Marches vivent des familles paysannes, l'une d'elles, les Ceresa cache un secret , une honte qu'il faut cacher . Ce secret est partagé par une vieille abbesse noire, la Moretta, qui mène ses ouailles d'une main ferme et ne craint personne surtout les hommes en soutane.

Les enfants ne vivent pas chez les Ceresa, ils meurent à la naissance ou presque. Sauf deux garçons, Lupo et Nicola, le jour et la nuit, le calme et la fureur. Lupo protège Nicola le blondinet ,le craintif, c'est l'enfance qui va les lier pour toujours, même quand la guerre va révéler Nicola.

Ce roman est avant tout l'histoire d'une fraternité brutalisée, de "l'honneur" de la famille bafoué aussi par une soeur innocente et vite recluse.

Un beau roman italien traduit par Laura Brignon.

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Un jour viendra

Un jour viendra, le roi tombera, le pape s’en ira, le propriétaire cèdera et notre vie, enfin, nous appartiendra. Qu’elle semble vaine la lutte des anarchistes. Eux-mêmes ont peine à croire qu’un jour, elle aboutira : « Qui s’intéresse à un soleil qui ne se lèvera jamais ? »

Ils ont bon dos les anarchistes. Les conservateurs leur ont fait porter tous les maux de ce début du vingtième siècle : les revendications nationalistes, les aspirations sociales, la fin de l’union sacrée et jusqu’à la grippe espagnole. Ils ont été ces bouc-émissaires idéaux et Giulia Caminito, avec ce roman, leur rend un vibrant hommage. Dans les Marches, en Italie, des hommes avaient faim de justice. Ils ont osé rêver d’un avenir meilleur et leur sursaut donne foi en l’humanité (p172).

Parmi ces hommes, il y a Lupo, un gamin sauvage que sa haine des curés et de l’autorité précipite chez les groupuscules anarchistes. Son frère Nicola est fragile, tourné vers les livres mais c’est pourtant lui qu’on a envoyé faire la guerre. La sœur, Nella, doit rentrer dans les ordres pour échapper à la disgrâce. La famille Ceresa dérange le bourg de Serra De Conti car trop d’inavouables secrets la promettent au malheur. Or ces secrets sont détenus par celles et ceux qui œuvrent au repos des âmes. Une contradiction sur laquelle tient l’intrigue de ce roman.

Même si l’histoire a quelques airs de déjà lu (ex : la nature de ces secrets de famille, Bakhita, la description des tranchées), on ne peut nier la qualité du récit et la fascination qu’exercent des personnages crédibles, bien trempés dans la terre et la sueur.

Bilan : 🌹🌹

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L'eau du lac n'est jamais douce

C'est un très beau et âpre roman , écrit par cette jeune femme italienne promise à un bel avenir littéraire.Portrait d'une famille italienne pauvre des années 2000, et en particulier de la mère (une Anna Magnani plus vraie que nature)mais rousse comme l'est sa fille Gaïa qui est la narratrice .

Cette mère , Antonia, porte à bout de bras4 enfants et un mari cloué dans un fauteuil roulant après un accident de travail non déclaré.

Antonia est pauvre mais digne et ne supporte pas le mépris affiché par l'Administration en particulier , pour des familles dans son cas, et elle le fait savoir.

Ayant jaugé et jugé ses enfants elle exige de sa fille Gaïa qu'elle étudie encore et encore et le plus longtemps possible quitte à se saigner aux quatre veines.Elle y parviendra certes, mais Gaïa qui a hérité du caractère de sa mère pousse tout en prudence, en méfiance,elle a honte de porter les vêtements de son frère aîné dans un corps pas encore fait , et dresse ses épines dès qu'elle se sent agressée, elle pourrait tuer si elle se sentait trahie. Sa mère en miniature.

Ce sentiment de mal-être imprègne tout le livre mais mâtiné par cet instinct de survie magnifique. L'espoir de s'en sortir sans appuis est ténu dans cette Italie corsetée de ces années là.Un grand livre d'apprentissage.
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L'eau du lac n'est jamais douce

Dans ce roman, « L'eau du lac n'est jamais douce », Giulia Caminito vous happe dès les premières pages comme un courant et vous emmène au bout du récit, accroché à la narratrice, à sa jeunesse féroce et vulnérable, à sa famille, ses amitiés fragiles.... et à ce lac dont les reflets brillants occultent sa profondeur. A la fois poétique et ardent, il est impossible de le lâcher !



« L'eau du lac n'est jamais douce », raconte l'histoire d'une famille italienne des années 2000 qui vit dans un grand dénuement. Antonia Colombo, pilier du foyer familial, « La matriarche », d'une droiture exemplaire et d'une exigence sans faille , se démène pour trouver un logement décent, et maintenir à flot sa famille, et ses quatre enfants. Antonia ne s'écrase jamais devant l'injustice. Honnête, elle croit au bien commun. Mais ce principe à un prix. Celui de ne jamais la décevoir...

C'est ce qui anime et pèse sur le cœur de notre héroïne.

Son mari, paralysé suite à un accident de travail est devenu un accessoire encombrant. Le fils aîné mis au ban de la famille sur injonction de « La matriarche » elle-même. Gaia, la fille aînée, jeune adolescente à part, d'une grande maturité, fait état de ce quotidien précaire, miné par les vicissitudes de la vie. Elle tâche de filer droit, en suivant les préceptes de sa mère, à savoir ne compter que sur elle-même. Elle affronte les tourments de l'adolescence, faite d'amitiés fortes et bouleversées, de déconvenues amoureuses et d'un manque d'estime de soi. Que de pression dans cette vie, que de choix à faire. Progressivement, toutes ces frustrations se muent en colère. La colère de Gaia est terrible, elle est tapie là, au plus profond d'elle-même, prête à jaillir dès que le besoin s'en fait sentir. Elle se méprise, et ce sentiment ne fait que de s'enkyster. Parviendra-t-elle à canaliser cette souffrance, voir à s'en affranchir ?



« L'eau du lac n'est jamais douce » est un roman social puissant, irriguer par la colère, une colère noire et brutale, violente, et à un certain égard nécessaire. Un roman qui émeut pas sa justesse. L'autrice dresse le portrait d'une jeunesse rugueuse et dangereuse, à l'époque des premiers chats par SMS et de l'individualisme galopant. Elle nous invite à côtoyer Gaia, ce personnage peint dans un majestueux clair-obscur, qui se débat en silence, mais non sans violence, dans le monde qui l'entoure. Un cri de colère contre les injustices, de désespoir contre les conditions de vie des pauvres, de rage contre la société et ses inégalités, et d'espoir qui resonne encore longtemps après la lecture de ce roman !



Laissez-vous tout simplement hypnotiser par ce récit de colère, de combats, de pauvreté et d'amitiés, le tout servis par une plume superbe, dans laquelle j'y est trouvé de la lumière.....



Un grand merci à la Masse Critique Littérature de Babelio et Audiolib pour cette écoute et cette très belle découverte.



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