Citations de Grand Corps Malade (285)
chapitre 12 :
" c'est facile je n'ai qu'a actionner la manette de son fauteuil éléctrique , mais pour Farid , en fauteuil manuel , c'est du sport."
C'est jamais inintéressant de prendre une bonne claque sur ses propres idées reçues.
Ma vie c’est moi qui vais la peindre, alors je vais y mettre le feu en ajoutant plein de couleurs
Grand Corps Malade
Il est marrant, Fred, un mec sûr de lui qui n’a en apparence aucun complexe par rapport à son visage, ce qui le rend presque normal à regarder.
Il a une grande gueule, un peu trop même. Une fois, il a sifflé deux de mes copines venues me rendre visite. Quand je l’ai appris, j’ai décidé de lui mettre un petit coup de pression, pour le principe, et sûrement aussi pour me sentir un peu dans la vraie vie. J’ai fait ma caillera à deux balles et lui ai dit que j’avais pas mal de potes et que, s’il voulait que tout se passe bien, il ferait bien de vite arrêter ce genre de familiarité. Je pensais qu’il allait réagir un petit peu, mais il a baissé les yeux et s’est excusé comme un petit garçon.
Du coup, quand j’ai raconté ça à Farid, je lui ai dit que je m’en voulais et que j’avais été trop dur avec lui. Farid s’est foutu de ma gueule en me voyant culpabiliser et m’a dit qu’en fin de compte, Fred et moi, on était deux petits agneaux et que ce n’est pas avec nous qu’il allait y avoir enfin un peu d’animation. Il a même ajouté, sur un ton ironique, qu’il aurait bien aimé voir une bonne bagarre entre un tétraplégique et un grand brûlé, que l’embrouille aurait eu de la gueule, que ça aurait mis un peu de piment dans notre routine… « Mais bon, si vous voulez pas qu’on s’amuse, si vous voulez qu’on se fasse chier comme des rats morts, c’est bien, continuez à être gentils ! »
Quand tes doigts ne te permettent plus de tenir tes couverts, c’est l’ergo qui te fabrique une fourchette ou une cuillère avec une petite lanière en cuir qu’on enfile autour de tes phalanges (comme un poing américain) pour tenter de manger tout seul.
Sur le même principe, au bout de la lanière, à la place de la fourchette, on peut accrocher un petit bâton en fer qui te permet d’appuyer sur les touches de la télécommande.
Et ça, ça change la vie ! Car, quand tu n’es pas capable de contrôler la télécommande et que l’aide-soignant te met une chaîne avant de se barrer pendant une heure ou deux, t’as intérêt à avoir de la chance pour la suite des programmes.
La patience est un art qui s'apprend patiemment.
l'avantage c'est qu'on ne recherche pas forcement un lieu avec des bancs ou des chaises . Nous quel que soit le lieu ou on va on est déjà assis
Cerise sur le ghetto […].
J'ai fait trois autres centres de rééducation par la suite, mais jamais je n'ai autant ressenti la violence de cette immersion dans le monde du handicap que lors de ces quelques mois. Jamais je n'ai retrouvé autant de malheur et autant d'envie de vivre réunis en un même lieu, jamais je n'ai croisé autant de souffrance et d'énergie, autant d'horreur et d'humour. Et jamais plus je n'ai ressenti autant d'intensité dans le rapport des êtres humains à l'incertitude de leur avenir.
Frustration: nom féminin; état d'une personne n'ayant pas pu satisfaire un désir ou l'ayant refoulé.
La patience est un art qui s'apprend patiemment.
On est dehors, à regarder la nuit depuis une dizaine de minutes, quand Steeve a une de ces bonnes idées :
" Venez, on va se balader dans la forêt là –bas ! "
(Il y a des petits sous-bois à l'extrémité du parc entourant le centre de réeducation.)
Farid " Il est marrant, lui, il fait noir, c'est tout mou là-bas , on va s'embourber… "
Steeve : " Justement, c'est ça qu'est marrant ! "
Toussaint : " Il a raison, c'est ça qu'est marrant ! "
La patience est un art qui s'apprend patiemment.
Ah oui, pour tous les ringards d'entre vous qui n'ont jamais été tétraplégiques, sachez que manger seul pour un tétra est aussi facile que de voler pour un homme valide
Ben nous, avec Toussaint, on a pris un peu de recul sur notre situation, et en se marrant, mais avec un grand silence derrière, on s'est dit : "Putin, on a vraiment gâché notre vie ..."
D'un coté, c'est encore plus triste de voir, dans un centre comme celui-là, tant de gens si jeunes et déja tellement en galère. A vingt ans, on n'a rien à faire à l'hosto. Vingt ans, c'est l'âge des soirées, des voyages, des nuits blanches et de la séduction permanente.Vingt ans, c'est le règne des envies d'enfants dans un corps d'adulte. Vingt ans c'est l'âge où tu rêves le plus et où tu te sens le plus apte à atteindre ces rêves. Non, à vingt ans, on n'a rien à faire à l'hosto.
C’est quand même un comble : ça fait un mois que je rêve de m’asseoir et, dès que je suis assis, je n’ai qu’une envie, c’est d’être allongé.
Tout le monde s'habitue. C'est dans la nature humaine. On s'habitue à voir l'inhabituel, on s'habitue à vivre des choses dérangeantes, on s'habitue à voir des gens souffrir, on s'habitue nous-mêmes à la souffrance. On s'habitue à être prisonniers de notre propre corps. On s'habitue, ça nous sauve.
Et puis prends mon rasoir, ste plaît, aujourd'hui, on fait le grand chelem, tu vas me trancher la jugulaire !
C'est plus tard, avec pas mal de recul, que je comprends que ce médecin est en fait une fine psychologue et qu'elle sait déceler les moments où il faut faire entendre raison aux patients , quitte à ce qu'ils traversent par un moment difficile. Cette visite m'a vraiment fait mal mais au final elle m'a fait avancer .