Citations de Ida Grinspan (41)
Je n'oublie pas que j'ai reçu une mission sacrée. Je revois les femmes qui me l'ont confiée, en partant pour le Revier, antichambre de la mort : "Si vous rentrez, il faudra leur dire. Ils ne vous croiront pas, mais il faudra leur dire".
Ida ne perd jamais de vue que l'amitié était leur planche de salut.
L'oubli serait aussi intolérable que les faits aux-mêmes
On croyait ferme qu'après la Shoah aucun génocide ne serait plus possible, envisagé. Déception totale!
En me relisant, je ne suis pas certaine d'avoir insisté sur la déshumanisation des camps. N'être qu'un numéro, ne rien posséder de personnel qu'une gamelle et une cuillère, avoir constamment faim, toujours froid durant les longs hivers, être épuisée, battue et craindre le pire à chaque instant ...
Au retour, je pensais souvent au camp, mais uniquement quand j'étais seule. Les gens ne voulaient pas en entendre parler!
"Si vous rentrez, il faudra leur dire. Ils ne vous croiront pas, mais il faudra leur dire"
Leur, c'est vous. Aujourd'hui. Demain.
Je l'ai dit: je n'ai pas pleuré. Je n'ai pas le souvenir d'avoir versé une larme. Je ne me vois pas sortant mon mouchoir. Je ne voulais pas faire de peine à Alice. Je ne voulais pas faire ce plaisir aux gendarmes. Dans ces cas-là, on ressent une force intérieure. Affaire de dignité. Non, et non, j'ai pas pleuré!
Après la guerre, nous avons cru que le nazisme et ses méthodes étaient anéantis à jamais. Quand nous avons appris, plus tard, les massacres au Cambodge et au Rwanda, nous avons dû admettre que la leçon d'Auschwitz n'avait pas été tirée.
C'est simple : je pense qu'on ne revient jamais complètement d'Auschwitz. J'y ai laissé une partie de moi-même, la "petite Ida".
J'ai survécu à la déportation, mais Auschwitz m'a privée de la vie que j'aurais pu avoir. Au camp, nous avons été brisées. On le reste quand on revient seule, que nos parents ont disparu. J'ai longtemps attendu mon père avant de réaliser, de comprendre... J'étais jeune, j'avais envie de vivre, mais il y avait quelque chose d'irrémédiablement cassé.
Certes, nous étions libres, heureux de l'être, mais profondément et immensément tristes. Car la liberté à peine acquise, c'est le silence, l'émotion et le chagrin qui se sont emparés de nous. Nous avions désormais l'esprit disponible pour penser à tous ceux que nous avions perdus. Lors de la libération, je n'ai vu personne danser de joie. Au contraire, notre premier acte d'homme libre fut de pleurer, enfin, pleurer notre famille, mais aussi nos camarades. L'étau du chagrin s'est refermé sur l'ivresse de la liberté.
C'est ça, le moment de la libération, ce n'est pas sortir du camp, c'est réaliser que "ça y est, c'est fini, on arrive en France."
Ces gens n'étaient sans doute pas des résistants, certains étaient peut être même pétainistes, mais qu'importait, il y avait des choses qu'un homme, catholique qui plus est, ne pouvait accepter ni tolérer. Tous firent donc ce qu'ils pouvaient pour aider cette famille sans ressources qui ne pouvait plus recevoir de tickets de rationnement pour nourrir ses enfants. Pour moi, ces personnes sont des Justes...
Au bout de trois semaines, nous avions repris un peu de poids. Ma mère pesait 35 kilogrammes et moi 40.
Nous étions les esclaves des nazis, ils nous exploitaient à des fins économiques et industrielles. Auschwitz ne fut pas seulement un massacre gratuit mais aussi un crime organisé pour permettre à l'Allemagne nazie d'assouvir ses volontés expansionnistes.
" La marche de la mort "
"Ca ne pourra pas être pire "
A propos des tentations totalitaires, je ne connais pas de plus belle mise en garde que celle du pasteur Martin Niemöller, en 1945 : " Lorsque les nazis vinrent chercher les communistes, je me suis tu : je n'étais pas communiste. Lorsqu'ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je me suis tu : je ne suis pas social-démocrate. Lorsqu'ils sont venus chercher les Juifs, je me suis tu : je n'étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les catholiques, je me suis tu : je n'étais pas catholique. Et quand ils sont venus me chercher, il n'y avait plus personne pour protester."
C,est une nouvelle étape vers la déshumanisation., car, faute de cuillère ou de récipients personnels, il nous faut laper notre portion comme des bêtes. (p. 73)
Et puis il y avait les gaz. Cette odeur permanente que je n'ai jamais oubliée. Une odeur âcre semblable à celle d'un cochon dont on brûle les poils. Elle se répandait partout dans le camp, même dans la petite ville d'Auschwitz. Les habitants devaient savoir qu'il se passait des choses dans ces camps. Il y avait des paysans qui travaillaient dans les champs tout autour. Il y avait des civils polonais qui arrivaient le matin et qui rentraient le soir chez eux. Tous ces gens savaient...