Citations de Ingrid Astier (174)
Soudain je regarde en moi, et je sais que, dans mon esprit aussi, il fait nuit.
Chacun a sa propre nuit. Un espace où plus aucune lumière ne peut nous réchauffer.
Je resterai donc tapie, à observer la nuit. Et sans vouloir l'étreindre ni la fixer du regard, je la laisserai monter en moi, en vous.
N'est-ce pas l'horizon de l'art : approcher le mystère et réveiller l'émotion ?
Fuir fait du bien. Au bout de dix minutes, on sent qu'on s'éloigne de tout, certes, mais qu'on se rapproche de soi-même.
Quand on ne sait pas quoi faire de ses sentiments l'océan semble trop grand.
En temps normal, le moindre doute aurait suffi à me refermer. J'étais loin d'être moche, mais pour que je saute sur une fille, il fallait qu'elle ait tracé une ligne tellement claire que je savais que je n'irais pas me brûler. C'est à coups de surligneur que je comprenais. Contradictoire, je sais, vu les discours qu'on tenait sur l'audace. Mais, en matière de sentiments, je le dis, peu d'hommes ont le courage de leurs couilles.
Et quand je serai adulte, le col serré dans une chemise, à traiter de grandes affaires avec l'air le plus sérieux du monde, est-ce que l'amour restera le seul sujet ? Est-ce que je parlerai bilan de l'année, tandis que mon cœur, sous ma belle chemise blanche, continuera de saigner ?
Le braqueur, ayant forcé le tiroir-caisse ( un tiroir-caisse à l'ancienne qui faisait ding) s'empara d'une somme très modeste. Le libraire, n'écoutant que son courage qui ne lui disait rien, se garda d'intervenir....Il se montra de plus d'une singulière complaisance en proposant au casseur d'emporter les œuvres complètes d'Agatha, plus Un privé à Babylone de Brautignan. A la suite de quoi, sans même le remercier, le braqueur enferma le libraire dans un placard encombré d'invendus. (Contrairement à une tradition littéraire très répandue, on ne trouve pas que des cadavres dans les placards.)
Le soir tombait sur le lac à peine ridé par une légère brise du sud. on dit que le soir tombe. En réalité, il ne fait que se glisser furtivement à la place de la lumière qui s'en va de son côté éclairer d'autres pays où l'on entendra dire, tout aussi abusivement, que le jour se lève.
Avec toute la force de son amour pour Ariane, Charlie Oraison plongea la lame dans le nombril de l'huissier, jusqu'à la garde. Avec tout le poids de son amour il pesa sur le manche. La lame de dix-huit centimètres se dressa vers le sternum, tranchant net l'aorte. L'huissier ouvrit une ronde bouche, rota, abandonna l'idée de faire signer quoi que ce soit, fut parcouru de soubresauts respiratoires et tomba dans les pommes avec mallette et imprimé. Trente secondes plus tard il n'était plus de ce monde.
Comme toute zone où l'on doute des limites, les frontières me fascinent.
La nuit fouler un littoral battu par la tempête, c'est fouler un rêve.
Les livres sont l'un des rares endroits où l'on vous écoute. Peut-être à cause du ton, de cette petite musique de nuit. Dans les romans, l'on parle en confidence. L'on murmure à l'oreille du lecteur, conspirateur et confident.
"Il mordit le cou de Lily, la tatouant d'un papillons aux ailes rouges"
“la beauté le ramollissait. A force elle finissait par l’agresser.”
“Vraisemblablement un seul tireur avec des nefs d’acier. Et deux refroidis de saturnisme violent.”
Il fallait reculer mon départ. Tenir et attendre qu’elle fasse son numéro. La famille c’est sacré. Promis, juré, craché.
La plus belle agence de voyages du monde, en un mot : le roman.
Regarder est rapide, observer... peut prendre toute une vie !
Le roman rend à la vie ses aspérités, sa complexité, ses contradictions. Paradoxalement, je le considère comme plus vivant que le monde qu'on nous impose. Je dirais alors au lecteur : lire rend sensible, donc vivant. Lisez !