Citations de Ingrid Betancourt (51)
J’aime passionnément vivre, je n’ai pas envie de mourir. Tout ce que je construis en Colombie, c’est aussi pour avoir le bonheur d’y vieillir. Pour avoir le droit d’y vivre, sans craindre le malheur pour tous ceux que j’aime.
Je me suis souvenue alors de ce passage de la Bible qui m'avait frappée lorsque j'étais en captivité. C'était un cantique de louanges à Dieu dans le livre des Psaumes, qui décrit toute la dureté de la traversée du désert. La conclusion m'avait paru surprenante. La récompense de l'effort, du courage, de la ténacité, de l'endurance, n'était pas le bonheur ni la gloire. Ce que Dieu offrait en récompense, c'était le repos.
-Ma chérie ! Ne juge pas. Personne ne connaît la soif avec laquelle un autre boit.
Envahie d'angoisse, Julia ne voulait plus en parler. Elle savait que le doute est un poison mortel. Mama Fina l'avait mise en garde contre la tentation d'exprimer ses appréhensions en public car, disait-elle, l'énergie portée par les mots pouvait transformer nos craintes en réalité.
- Pour Lopez Rega, éradiquer la pauvreté et la faim c'est éradiquer les pauvres...On s'imagine que les personnes qui vivent dans la misère sont différentes, avec d'autres sentiments puisqu'elles se sont habituées à l'indigence. Elles nous gênent parce qu'elle abîment l'esthétique de la capitale. De fil en aiguille, on oublie que ce sont des êtres humains; De là à les mettre dans des camps de concentration, il n'y a qu'un pas.
Elle aime cette mesure qui l'entoure : les arbustes soignés des jardins d'en face, l'alignement consciencieux d' ormes bordant l'avenue perpendiculaire à la plage, la haie et la pelouse qui encadrent le sable fin tel un rempart s'étirant parallèle aux vague, et l'horizon comme un trait tiré de bout en bout.
Cet ordre lui correspond. Elle a finit de tout ranger dans sa vie. Elle est à sa place, dans la destinée qu'elle a choisie, avec l'homme qu'elle aime depuis toujours. Julia se sent comblée.
Elle contemple l'azur au dessus de son érable. Le bonheur est bleu. Horizon bleu, eau bleue.
Une toile de Mark Rothko, se dit-elle en formant un cadre avec ses doigts.
Elle aimerait suspendre ce tableau devant elle pour se souvenir que le bonheur est la, a portée de main.
Raconter certaines choses, c'est leur permettre de rester vivantes dans l'esprit des autres, alors qu'il nous paraît finalement plus convenable de les laisser mourir à l'intérieur de nous-mêmes.
La conclusion m'avait paru surprenante. Il était dit que la récompense de l'effort, du courage, de la ténacité, de l'endurance, n'était pas le bonheur, ni la gloire. Ce que Dieu offrait en récompense, c'était le repos.
Mama Fina prit Julia à part. Elle avait l'air anxieux. Ses yeux étaient devenus incolores comme s'ils avaient perdu toutes leurs teintes.
J'ouvrais les yeux à l'importance de s'exercer à rester humble où que la roue de la fortune vous ait placé. Il avait fallu que je sois en bas pour le comprendre.
- Promets-moi que, lorsque tu seras dans ta vie, tu ne m'oubliera pas.
Il (Marc) me regarda comme s'il venait de prendre des repères dans le ciel, et me confia en hochant la tête :
- je saurais où te trouver.
« Je comprenais maintenant que la vie nous remplissait de provisions pour nos traversées du désert. »
avril 2004. L'arrangement que nous avions conclu m'enchanta. Je programmai mes journées de façon à consacrer tous mes après-midi à la lecture et prenais un soin particulier à déposer le livre à 18 heures précises sur son étagère. J'avais appris que c'était sur ces tout petits détails que nous nous jugions entre nous et, plus encore, que se bâtissaient les amitiés ou que s'allumaient les conflits. La promiscuité à laquelle nous étions condamnés nous exposait au regard incessant d'autrui. Nous étions sous la vigilance des gardes, certes, mais surtout sous la surveillance impitoyable de nos compagnons de captivité.
Je savais que la situation que je vivais était une opportunité que la vie m'offrait pour m'intéresser à des choses qui me rebutaient d'habitude. Je découvrais une autre façon de vivre, moins dans l'action et plus dans l'introspection. Incapable d'agir sur le monde, je déplaçais mon énergie pour agir dans "mon monde".
- Promets-moi ...que tu sera heureux, Lucho. Je ne veux pas que tu abîmes le bonheur de ta libération en ayant de la peine pour moi. Je veux que tu me jures que tu vas mordre dans ta vie à pleine dents.
- je te jure que je ne cesserai pas, une seconde de ma nouvelle vie, de travailler pour ton retour, voilà ce que je te jure !
Qu'est-ce que le vrai courage? C'est d'agir conformément à ses valeurs et à ses principes et ne jamais céder à ses bas instincts.
-----Pour l'avenir de la Colombie, il est essentiel que le procès qui s'ouvre soit effectivement transparent car l'enjeu va bien au-delà du sort du président Samper. L'enjeu, c'est notre droit à la vérité, notre droit à écrire notre propre histoire, l'enjeu, c'est ce que nous raconterons demain à nos enfants ; l'enjeu, c'est de savoir si nous pourrons encore demain nous regarder dans une glace sans être submergés de honte. La commission, vous le savez est composée des plus fidèles amis du Président. Nous sommes plusieurs à penser qu'un procès équitable passe donc par le renouvellement de ses membres. C'est à notre sens un préalable. Je l'affirme ici : nous sommes prêts à entrer en grève de la faim si ce renouvellement est refusé par l'assemblée.
Ayant perdu toute ma liberté et, avec elle, tout ce qui comptait pour moi; éloignée par la force de mes enfants, de ma mère, de ma vie et de mes rêves; le cou enchaîné à un arbre, sans pouvoir bouger, ni me lever, ni m'asseoir, sans avoir le droit de parler ou de me taire, de boire ou de manger, ni même d'assouvir librement les nécessités les plus élémentaires de mon corps; dans la condition de la plus infamante humiliation, je conservais quand même la plus précieuse des libertés, que personne ne pourrait jamais m'ôter : celle de décider qui je voulais être.
« Si le mot dignité avait un sens, alors il est impossible que l’on accepte de se numéroter. »
- Non, je ne veux pas être transportée en hamac. A partir de maintenant, je marche.
Les yeux de Sombra faillirent lui sortir de la tête. Il avait tout prévu, sauf ça. Il me regarda courroucé, d'autant plus que je lui faisais perdre la face. Il décida finalement de se taire. [...] J'étais fière de les quitter en marchant, de les laisser derrière moi, avec eux, la prison, les humiliations, la haine et tout ce qui avait empoisonné notre existence durant cette année. Je prenais une revanche: c'étaient eux qui restaient. Je n'avais pas la force de porter mon sac à dos, même le fait de mettre un pied devant l'autre me donnait encore le tournis, mais je me sentais avoir des ailes car c'était moi qui partais.