Itzhak Goldberg

L’histoire de ce mouvement commence avec deux pôles, Die Brücke (« Le pont ») à Dresde (1905) et Der Blauer Reiter (« Le Cavalier Bleu ») à Munich (1911). Le premier réunit quatre jeunes artistes, Ernst Ludwig Kirchner, Fritz Bleyl et Karl Schmidt-Rottluff, dont les œuvres partagent une thématique et un style communs. Sans renoncer à la représentation de la réalité, ils la déforment pour atteindre une puissance expressive. Les participants du groupe, auxquels se joindront plus tard Max Pechstein et Otto Müller, furent particulièrement sensibles aux masques et aux fantômes d’Ensor, aux vampires de Munch, à l’atmosphère dramatique de Van Gogh ou à l’exotisme de Gauguin.

Le Blaue Reiter est une aventure commune, partagée par Kandinsky et Marc. Ces derniers quittent la Nouvelle Association de Munich, trop conservatrice à leurs yeux, pour fonder ce groupe qui attire différents représentants de l’avant-garde européenne. … Pour appuyer leurs choix, Marc et surtout Kandinsky parlent de « nécessité intérieure », autrement dit d’une volonté d’exprimer un sentiment non filtré, instinctif et sans préméditation, de révéler la vie intérieure de ce qui est représenté. Un lien s’étable ainsi entre l’expressionnisme et l’abstraction, l’un et l’autre visant l’expression d’une subjectivité absolue, intensifiée à l’extrême.

Avec l’installation du groupe à Berlin (1910), les membres de la Brücke –surtout Kirchner- réalisent de nombreuses représentations du paysage urbain, qu’ils perçoivent simultanément comme fascinant et effrayant. La ville est un thème fédérateur du mouvement expressionniste et d’autres artistes comme Grosz, Dix ou Beckmann attaqueront férocement la société allemande de leur temps.

Si le terme « expressionniste » a été utilisé par l’histoire de l’art pour désigner un mouvement artistique, le sens qu’il a pris dans le langage courant indique immédiatement que ce mouvement est le plus souvent associé à la transmission d’un puissant sentiment intérieur, qui touche parfois au pathos.