Au moment où le baptême commençait, les canons firent feu presque à l'unisson de l'autre côté de l'hôpital, et un léger souffle de vent apporta l'odeur de soufre de la poudre brûlée. (..) Les pensées du Collecteur s'échappèrent à nouveau, et il se rappela le baptême de ses propres enfants... Cela semblait faire si longtemps que l'aîné avait été baptisé ! Bientôt eux aussi auraient des enfants, et lui, il deviendrait superflu, un vieil homme assis au coin de la cheminée que personne ne jugerait utile de venir consulter. Il se rembrunit à l'éventualité de cette future injustice, mais l'instant d'après, le siège lui revint en mémoire, avec le fait qu'il y avait toutes les chances qu'il ne vécût pas assez vieux pour souffrir les humiliations du grand âge, et ses pensées prirent immédiatement un autre tour : "Après tant d'épreuves, il est vraiment triste d'être privé du soir tranquille de sa vie !"
Il pensa: "Comme il est vrai que les Anglaises ne s'épanouissent pas sous le climat indien ! Les chairs s'affaissent et fondent, et il ne reste que fibres, ligaments et rides". (p.52)
L'effet, ou l'absence d'effet, que vous produisez sur le sexe opposé& est une chose importante en ce qu'elle vous révèle dans quelle mesure vous êtes, ou vous n'êtes pas, en concordance avec l'esprit du temps, cet esprit dont, depuis toujours, le sexe opposé est le gardien.
A un moment donné, Fleury écrasa quelque chose qui gicla sous son pied, et il se dit avec horreur "J'ai marché sur un oeil!". Il dut faire un effort pour regarder par terre, mais ce n'était qu'un grain de ces raisins de Kaboul que Barlow affectionnait. (p.185)
Représentez-vous une carte de l'Inde de la grandeur d'un terrain de tennis que deux ou trois hérissons parcourent péniblement. Chaque hérisson pourrait figurer l'une de ces tempêtes qui, durant l'été, errent à travers les plaines indiennes en soulevant sur leur passage des tonnes de poussière tourbillonnante, jusqu'à ce que la mousson arrive en grondant et les écrase au sol. Une tempête de poussière régnait dans les environs et, pour cette raison, la nuit semblait beaucoup plus sombre que d'habitude (..). On ne pouvait s'empêcher d'associer cette noirceur au terrible massacre de Captainganj.
Les tirs, partant du rempart à droite et à gauche, redoublèrent ; on voyait les cipayes affluer sur la berge proche et se lancer à l'assaut. Harry et Fleury avaient posé leur sabre à côté d'eux sur le parapet ; ils étaient convenus, si leur défense devait être enfoncée, de vendre leur peau aussi chèrement que possible plutôt que de tenter de déguerpir. Fleury avait réussi (non sans difficulté) à surmonter certaines angoisses quant à savoir si vendre sa peau aussi chèrement que possible, ou même si simplement la mettre en vente, était vraiment la plus sage conduite à tenir.
"Demain, la Compagnie pourrait faire ses bagages, et ce gars-là ne le remarquerait même pas... Et pas seulement lui... Les Britanniques pourraient quitter le pays, et la moitié de l'Inde ne s'apercevrait pas de notre départ, comme elle ne s'était pas aperçue de notre arrivée. Toutes nos réformes administratives auraient pu être faites sur la lune, pour ce que cela les touche." Cette pensée laissait le Collecteur humilié et abattu.
Louise, elle aussi, demeurait silencieuse. Le point de vue de Fleury était qu'elle avait tout à fait raison de rester ainsi sur la résevre en écoutant ce que les hommes avaient à dire, car le fait de parler beaucoup en société n'est pas une qualité qui séduit chez une jeune femme. (p.66)
Quoi qu'exige la situation, je le fais, Major. Ce que j'ai essayé d'expliquer à Sarah, c'est que des gens comme vous et Edward pouvez vous offrir le luxe des bons sentiments uniquement parce que vous avez quelqu'un comme moi pour faire le sale boulot à votre place. Cela m'agace un peu lorsque ceux qui comptent sur moi pour empêcher qu'on les assassine dans leur lit commencent à se donner des airs supérieurs. (p.235)
Miriam en avait assez de la féminité. Elle n'aspirait qu'à goûter la vie comme n'importe quel être humain de chair et de sang. Elle en avait assez d'être obligée de se conformer aux images que les autres personnes se faisaient d'une femme. Et rien ne condamnait plus vite une femme à la féminité que le fait de se colleter avec un homme. (p.287)