Dans la forêt de Craon, à la limite de la Bretagne et de l'Anjou, Robert mate sa chair par les privations et les sévices. Mais son austérité suscite l'admiration : on vient en foule le voir, l'entendre. Car il prêche, appelant au renoncement et à la conversion. Les disciples se multiplient ; c'en est fini du désert. Pour nourrir cette troupe errante et lui donner un statut, Robert fonde une abbaye de chanoines réguliers. à La Roë, en Mayenne. Vivant comme des moines, ces clercs, soucieux de retrouver la tradition des Apôtres, restent, plus que les bénédictins, ouverts sur le monde : ils desservent volontiers les paroisses à l'entour. Les dons affluent vers la communauté dont le maître reçoit la consécration la plus haute : de passage à Angers, en février 1096, le pape Urbain II confie officiellement à Robert une mission de prédication. Elle arrive à point. Dans cette vie régulière, au milieu de ces convertis, il rongeait son frein ; il profite bientôt de la licence de prédication accordée par le pape pour reprendre son envol. La foule qui suit le prédicateur itinérant devient multitude et les femmes, au premier rang, s'y pressent.
Voici venir le temps où Robert commence à défrayer la chronique et entre de plain-pied dans l'historiographie. Est-il bien le "chevalier errant du monachisme", voué au service des dames comme les héros de la littérature courtoise ? Sur ce point délicat, son hagiographe, Baudri de Bourgueil, peu soucieux de remuer les aspects sulfureux de Robert, nous prive de son témoignage. Pourquoi cette rencontre de l'ascète inspiré et des femmes de son temps ? Et d'abord, qui sont-elles, celles qui le suivent ainsi sur les chemins de l'errance ?
On pense communément que Charles Perrault a inventé de toutes pièces Le Petit Chaperon rouge, publié en 1697. C'est oublier un maître d'école du XIe siècle, Egbert de Liège, auteur d'un poème où l'on retrouve une petite fille en robe rouge attaquée par les loups. Jacques Berlioz vient de mettre en lumière de troublantes affinités entre les deux textes.
La plus ancienne version du Petit Chaperon rouge se trouve dans les Contes de ma mère l'Oye de Charles Perrault, publiés en 1697. C'est du moins ce que l'on croit communément. Or Perrault lui-même avait un précurseur, Egbert de Liège, écolâtre (maître d'école) du XIe siècle, qui enseignait le latin à des élèves dont il déplorait l'ignorance et la paresse. Son court poème de quatorze vers, intitulé La Petite Fille épargnée par les louveteaux, présente en effet de troublantes affinités avec le conte de Perrault. Les spécialistes des contes populaires ont jusqu'à présent refusé de voir une quelconque filiation entre les deux histoires. A tort, peut-être...
La chasteté libère des dangers.