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3.8/5 (sur 43 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , le 25/06/1954
Mort(e) à : Paris , le 25/12/2021
Biographie :

Jacques Drillon est un journaliste français, conférencier, récitant, directeur artistique d'enregistrements.

Jacques Drillon est professeur de stylistique à l’université Paris-VIII et critique musical au Nouvel Observateur. Il a notamment publié Traité de la ponctuation française (Gallimard, 1991), De la musique (Gallimard, 1998) et Propos sur l’imparfait (Zulma, 1999).
En 1978, il fonde avec Louis Dandrel le Monde de la musique. Entre 1982 et 1984, il est chef de service dans cette revue.

En 1981, il prend la succession de Maurice Fleuret à la rubrique musique classique du Nouvel Observateur, fonction qu'il occupe encore aujourd'hui. Il publie occasionnellement des critiques littéraires et cinématographiques.

Entre 1995 et 1997, il fonde et dirige la revue mensuelle Symphonia.

Il collabore à divers journaux et revues : Le Monde, Le Figaro, Libération, Diapason, Harmonie, la NRF, Théodore Balmoral...

Il prend en juillet 2003 la succession de Robert Scipion, au Nouvel Observateur, à la rubrique Mots croisés, tout en poursuivant sa collaboration journalistique. De septembre 2007 à juin 2008, il lit un début de livre différent chaque jour, en vidéo sur BibliObs.com.
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Source : http://www.zulma.f
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Bibliographie de Jacques Drillon   (26)Voir plus

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Video et interviews (1) Voir plusAjouter une vidéo

[Euréka]
Olivier BARROT, "incrusté" dans un décor de baignoire, présente "Euréka", le livre de Jacques DRILLON.

Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Jacques Drillon
Les joies de la campagne.
Maintenant, pour porter ses déchets à la déchetterie (nommée « déchèterie »), il faut un badge, qui donne droit à un nombre fixe de dépôts (18 m3 par an, effectués par le titulaire ou deux autres personnes nommément désignées).
Il faut prendre rendez-vous. En ligne.
Pour prendre un rendez-vous (qu’on ne peut pas obtenir pour le jour même), il faut se connecter, donner toutes ses coordonnées, dire ce qu’on apporte comme déchets (déchets dangereux, incinérables, mobiliers, électroniques…), donner son numéro de badge, ouvrir un compte avec adresse mel, et mot de passe de 8 caractères minimum. Le jour du rendez-vous, il faut se présenter avec l’attestation de prise de rendez-vous, une pièce d’identité, un justificatif de domicile de moins d’un an, et sa carte d’accès en déchetterie. Il faut trier au préalable ses déchets par catégorie.
Tout jeter dans la forêt devient éminemment tentant.
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Jacques Drillon
Définition du retraité: ne fait plus rien, sauf son âge.
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Jacques Drillon
Les flics américains, qui ont trouvé un moyen d'empêcher les réseaux sociaux de diffuser des vidéos qui les montrent en train d'agir. Dès qu'ils se savent filmés, ils diffusent des chansons des Beatles sur leurs propres téléphones, chansons qui seront forcément présentes sur la bande-son des vidéos. Les algorithmes des réseaux sociaux identifieront automatiquement la chanson, considéreront que les droits d'auteur sont violés, et supprimeront la vidéo. C'est malin, et c'est joli: ils tabassent en musique.
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Jacques Drillon
Le fouteballeur argentin Lionel Messi a signé un contrat avec le Paris-Saint-Germain, qui a aussitôt fait réaliser un maillot qui porte dans le dos son numéro, son nom, et en gros sur la poitrine le nom de son "sponsor". Curieusement, les personnes qui endossent ce maillot publicitaire ne sont pas rémunérées, mais au contraire paient fort cher le "droit" de le posséder (entre 83 € et 108 €). Une fois qu'elles ont acheté ce maillot ridicule, elles sont obligées de le porter.
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Jacques Drillon
Un Français sur deux souhaite le rétablissement de la peine de mort. Commençons par lui.
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Malgré son inconstance, elle est capable de tout. Du moins le croit-on : il s'est trouvé des écrivains pour réclamer l'instauration d'un signe supplémentaire, qui aurait complété les points d'exclamation, d'interrogation et de suspension : le "point d'ironie ". Il s'en trouve encore, Dieu merci, pour penser que l'ironie est dans la phrase et non dans le signe qui la clôt.
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Le problème de Haydn, qui explique son destin de « compositeur pour musiciens », est qu’il a trop écrit : 83 quatuors, 104 symphonies, 52 sonates pour piano, 50 concertos, 31 trios avec piano, 67 trios à cordes, 126 trios pour « baryton » (une sorte de viole à six cordes), 26 messes, des opéras, des cantates, des oratorios... Haydn décourage le public. Pourquoi écouter la trentième symphonie, quand il y en a tant d’autres ? On n’en écoute aucune.
A l’autre extrémité de la chaîne des erreurs, il y a cette opinion selon laquelle toute abondance est suspecte, et laisse imaginer un art superficiel, une musique légère et kilométrique. Mutatis mutandis, de la musique d’ascenseur. De la Messe de 1766, par exemple, Mendelssohn dit qu’elle était « scandaleusement gaie » — reproche récurrent, auquel l’auteur répondait : « Puisque Dieu m’a donné un c ?ur joyeux, il me pardonnera de l’avoir servi joyeusement. » Haydn disait d’ailleurs composer lentement. Il priait, se mettait au clavecin, et si l’idée ne venait pas, il se remettait à prier. Jusqu’à ce que vienne l’inspiration... C’est enfantin.
D’ailleurs, quelque chose était scellé entre Haydn et Mozart, qui jouaient dans le même quatuor. Entre le vieillard optimiste et débonnaire, exorable et généreux, qui ne voyait le mal nulle part, n’avait lu aucun livre, trouvait « abominable » la conduite des filles du Roi Lear, et ce tout jeune homme, insolent, voluptueux et madré, dont le génie demeure un cas inexpliqué dans l’histoire des hommes. Haydn disait que Mozart était le plus grand musicien du monde. Il lui a tout de même appris à écrire des quatuors à cordes, genre qu’il avait tiré au forceps de la sonate en trio. Quand Mozart écrit ses six premiers, il sue, c’est un art bien difficile, même pour lui ; c’est surtout qu’il les veut sublimes, pour les dédier honorablement au vieux Haydn, « al Padre, Guida ed Amico ». (Père, guide, et ami de Mozart ! On voudrait bien n’avoir été que l’un des trois.) Haydn a pratiquement inventé aussi la symphonie, qui végétait à Mannheim. Mais sur la fin, dans les six dernières symphonies « Londoniennes », il suit l’exemple de Wolfgang, né vingt-quatre ans après lui, mort dix-huit avant lui, et qui a tout compris. Enfin, il a fixé la « forme sonate », cette construction parfaite à deux thèmes, illustrée par Beethoven et les autres.

De même, il entretient avec le piano une extraordinaire intimité, comme si l’instrument ne lui opposait aucune résistance. De là cette liberté des sonates, leur fantaisie, leur nerf et leur chaleur. Leur prodigieux esprit. Il disait : « Je suis un clavier vivant. » Tout le contraire de Beethoven, du « Grand Moghol », comme il disait, qui voulait casser son piano, qui était rogue et de mauvais poil, et sentait mauvais. D’ailleurs, Beethoven, qui fut son élève, dit de lui : « Il ne m’a rien appris. » (Forcément : Beethoven n’apprenait que de Beethoven, il y a des gens comme ça.) Et cela explique sans doute ce fait curieux : que sa musique de piano soit si bien jouée, et même par des musiciens moyens. Comme si son immédiateté, sa lumière, sa foncière salubrité avaient l’on ne sait quoi de communicatif. Les sonates de Mozart opposent parfois une résistance presque insurmontable aux pianistes les plus éminents (comme Sviatoslav Richter, par exemple) ; elles exigent un art presque retors, une sinuosité dans la sensibilité, ou plutôt un empilement d’expressions contradictoires, dont Haydn n’a pas l’emploi.
Mais le vrai malentendu vient peut-être de l’essence même de sa musique. Il n’y a pas trace de tristesse dans Haydn, ni de désespoir. Certains mouvements en ont tous les attributs : mode mineur, lenteur, longues phrases sinueuses. Mais c’est une douleur purement musicale, sans correspondant humain, sans traduction possible. Dans Haydn, la musique n’est que musicale. Le mot de Stravinsky sur la musique, censée « ne rien exprimer », s’explique ainsi : c’est le vocabulaire sentimental et psychologique par lequel on désigne le contenu de la musique, mélancolie, joie, et ainsi de suite, qui est d’un autre ordre, et n’en rend qu’un compte très approximatif. Aussi est-ce à tort qu’on accole une épithète psychologique à un substantif musical. Veut-on comprendre la singularité de la musique de Haydn ? Lisons ce vers de Montesquiou : « Les lilas lilas, les roses roses. » On ne peut rien dire d’autre. Haydn n’a rien qui ne soit haydnien. Il est au centre d’une sphère entièrement tautologique, praticien fanatisé d’une musique musicale, écrite, d’après Sollers, « par-delà le bien et le mal ». Et c’est ainsi qu’on peut comprendre le mot si drôle de Stendhal : « Haydn s’était fait une règle singulière dont je ne puis rien vous apprendre, sinon qu’il n’a jamais voulu dire en quoi elle consistait. » Jamais voulu, ou jamais pu ?

Il changeait d’humeur, comme tout le monde. Mais à l’écouter, il est difficile de la deviner. Il laissait à d’autres les épanchements, les confidences. Il est un professionnel. A-t-il fini son mouvement rapide ? il attaque le mouvement lent. Et voilà. C’est aussi simple, aussi sain que cela.
Sain. Pensons aux accords malades de Duparc ou de Debussy, aux cicatrices qui couvrent le corps beethovénien, aux douleurs cachées de Mozart. Haydn, lui, est sain, régulier, en ordre de marche. Il fait le travail pour lequel on le paie. Et on le paie bien (quoique comme un domestique, sous la livrée de velours bleu soutaché d’argent, et nourri à la table des femmes de chambre, lesquelles sont peut-être plus fréquentables que les princesses).
Homme sain dans un monde sain. Valet, peut-être, mais au service d’un aristocrate qui sait ce qu’est une sixte napolitaine (c’est devenu rare) : « Mon prince était satisfait de tous mes travaux, je recevais son approbation. » Haydn est alors protégé, comme dans une bulle stérile : « Mes fonctions de chef d’orchestre me permettaient de faire toutes les expériences, d’observer l’impression produite, d’améliorer ce qui était faible, d’ajouter, de couper, d’oser. J’étais isolé du monde, personne dans mon entourage ne pouvait me faire douter de moi, ni me tracasser. » Croyez-vous qu’il en eût profité pour se laisser aller à la routine ? Non : « Ainsi j’étais forcé de devenir original. »
Trente années d’originalité forcée : il se trouve des destins moins enviables. Haydn était bon ; c’est même un miracle qu’un homme aussi bon écrive d’aussi bonne musique. Nietzsche dit : « Pour autant que le génie puisse s’associer à la pure et simple bonté de caractère, Haydn l’a possédé. Il va exactement jusqu’à la limite que la moralité impose à l’intelligence. » Où est cette limite ? L’histoire ne le dit pas -sans doute très loin. Le savoir-faire de Haydn est confondant. Il y a un adagio de concerto pour violon qui commence par une simple gamme montante -ce qu’on fait de plus plat. Même Beethoven le culotté n’osera jamais écrire do-ré-mi-fa-sol-la-si-do ! Mais ce que Haydn met autour, ce rythme doucement pulsé, ces accords choisis, fait de cette simple gamme la plus belle mélodie du monde.
Haydn, franc-maçon, fils d’un charron harpiste, avait commencé comme choriste, à Vienne. Il a tout su, et très tôt. Il a connu la « galère », et qui était alors la vie normale : leçons données ou reçues, commandes idiotes, petits travaux sans intérêt. Haydn est courageux, confiant et droit. Son engagement, en 1761, par ce riche et puissant seigneur hongrois « propriétaire de quatre cent quatorze villages, qui se fit construire un Versailles en pleine nature, à Eszterhaza » (Rebatet), marque le début d’une période magnifique, féconde, paisible, où s’adaptaient comme tenon et mortaise sa créativité phénoménale et ses conditions de vie. Il doit fournir, pour ce château de 126 pièces, avec théâtre et opéra de 400 places, deux représentations lyriques et deux concerts par semaine. Il n’y manque pas. Sa réputation franchit les parois de la bulle. On le joue partout. Il a une femme atroce, une harpie stupide, qu’il supporte avec bonhomie. Lorsque le prince Nicolas Eszterhazy s’éteint, en 1790, l’âme toute pleine de musique, son fils Antoine lui succède, qui a la sienne pleine d’autres choses, libère Haydn de son engagement, mais lui conserve son traitement à vie. Ce prince était un seigneur.
Haydn, que toute l’Europe veut s’attacher, part pour Londres à 58ans. Son premier voyage ! C’est un imprésario violoniste qui l’appelle (les imprésarios violonistes sont devenus rares, eux aussi). Londres, au xviiie siècle, c’est Hollywood : des femmes, de l’argent, de l’épate. Haydn est choyé, reçu par des têtes aussi vides que couronnées. Mais le papier à musique vaut mieux que les lettres d’aristos (celles de sa femme, il ne les ouvre même pas. Il y a des limites à la sainteté, comme à l’intelligence). Il écrit donc des symphonies...
Il revient à Londres plus tard. Le roi lui demande de rester, mais lui veut retourner à Eszterhaza, où un nouveau prince est là, qui reconstitue l’orchestre. Mais le goût n’y est pas. Et le goût, c’est tout. Néanmoins, il honore son nouveau contrat, et compose force messes et oratorios, comme « la Création », d’après Milton, avec son ahurissant Chaos, l’explosion de la lumière, et le suave et chaste duo d’Adam et Eve. Il est riche, déjà. Les frais d’envoi de cette partition se montèrent à plus de trente livres de l’époque : de quoi nourrir quatre personnes pendant un an. Mais il est aussi malade, à vrai dire épuisé. Vienne capitule devant les Français. Napoléon, qui, selon le mot de Tailhade, était « sourd comme un vagin », mais qui entendait la politique, fait placer une garde d’honneur à l’entrée de sa maison. Cela n’empêchera pas « Vater Haydn », comme on l’appelait, de s’éteindre dans le plein printemps 1809. Le dernier quatuor ne sera jamais fini. Il manquera toujours.
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Jacques Drillon
Alerte coronavirus. Cet été, les sauveteurs n’auront pas le droit de pratiquer le bouche à bouche.
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Quand le compositeur Michael Tippett, qui a édité la musique du contre-ténor Henry Purcell, découvrit le jeune Alfred Deller, il eut l’impression que « les siècles partaient à reculons ». Les années, pour commencer : quand il était petit, Deller était choriste. Son pain quotidien, gloire à Dieu, était fait de Byrd, de Gibbons, de Haydn, du grégorien. De quoi vous faire un squelette de fer. Seulement lui, Alfred, le jour que sa mue le frappe, décide de continuer ainsi : « Ma façon de chanter est celle de mon enfance », dira-t-il. Son chef de choeur, « en voulant bien faire, j’en suis sûr », le tire vers le grave. Lui veut de l’aigu. Pour Nietzsche, le mouvement vers la nature, ce n’est pas un retour à, mais une montée vers. Il s’obstine donc à chanter dans son registre de fausset.
La tradition des contre-ténors anglais ne s’était jamais éteinte, mais ne perdurait qu’au sein des choeurs d’église, des Masses, bridés par des chefs qui encore aujourd’hui recherchent la blancheur anonyme du timbre et fuient l’expressivité « latine ». Les hautes-contre à la française ont pratiquement disparu. C’était en réalité des ténors aigus, et dont un des derniers représentants, pour ne pas dire le plus beau (on a sa dignité), s’appelait Tino Rossi. Il en reste quelques spécimens, authentiques ou assimilés (Sage, Ragon, Fouchécourt), mais ils s’éteindront, comme les chanteuses autrefois capables d’interpréter la mélodie française. De même qu’on n’articule plus le français parlé comme Madeleine Renaud.


Deller est vendeur de meubles, puis chantre à Canterbury. La guerre éclate. Il est objecteur de conscience, comme Britten. On l’envoie travailler aux champs. Les bombes ne l’arrêtent pas. Philippe Sollers, qui raffole de cette « voix de contre-ténor dont le XIXe siècle avait programmé la destruction, accomplissant ainsi une violente vengeance contre la féerie », voit dans cette conjonction historique un symbole frappant : « C’est une singularité tellement affirmée qu’elle va à l’encontre de tout système totalitaire, collectiviste. Deller était seul contre tout le monde et contre les préjugés. » Qu’ils soient esthétiques ou sexuels. « C’est énorme ! La musique, ce n’est pas seulement de la pensée : c’est aussi le symptôme historique le plus profond. » André Tubeuf, lui, a suggéré qu’en un autre temps chanter ainsi lui aurait valu la prison, celle de Reading par exemple (comprenez : comme Oscar Wilde).

En tout, il aura pris une unique leçon de chant, « pour apprendre à respirer ». Dès 1944, grâce à Tippett, il commence sa carrière de soliste. C’est lui qui, en 1946, chantera lors de l’inauguration du programme culturel de la BBC. C’est pour lui que Britten écrira le rôle d’Obéron du « Songe d’une nuit d’été », revanche de la « féerie ». Il enregistrera des douzaines de disques, les opéras de Purcell, les maskes, mais aussi la musique française, italienne. Le Deller Consort, fondé en 1950, exhume le répertoire des madrigaux élisabéthains. Ils sont là, à cinq ou six, assis autour d’une table, ou en rond, et chantent tranquillement.

Le timbre d’Alfred Deller était remarquable surtout dans l’aigu. Personne au monde, même la Caballé, dont c’est la grande mais unique spécialité, n’a jamais été capable de produire à ces hauteurs un son si fin, si délicat, si pur. Aucun grain, aucune matière, et pourtant de la couleur, un cheveu de lumière. Chaque voyelle conserve sa teinte particulière, même à ces confins du silence. Cette voix ne suscite pas la songerie : elle est pur songe. Elle fascine, provoque l’amour. « If music be the food of love », se demandaient Shakespeare et Purcell, qui n’avaient pourtant pas connu Deller... Ajoutez à cela une technique exemplaire, dans la vocalise comme dans l’émission du son, qui lui a conservé sa voix jusqu’à la fin.

Fumeur de pipe et de Craven A, comme Samson François, mais une voix parfaite. Les petites chanteuses qui n’approchent pas un fumeur à moins de trente pas mais dont la voix est foutue à 40 ans peuvent s’en inspirer. Lorsque la voix descendait dans le grave, le timbre se corsait, se poivrait, prêt à l’ironie, mais toujours dans une très petite amplitude d’effets. Deller était bien l’anti-ténor wagnérien. Il avait la plus petite voix du monde, son compère luthiste Desmond Dupré jouait un instrument de quelques centaines de grammes, et à eux deux ce ne sont pas seulement les lute songs qu’ils ont redécouverts, ni même la musique élisabéthaine, savante et populaire, mais tout un art anglais, fait de raffinement, de délicatesse, de dignité, de retenue, d’humanité, un art du minuscule, presque une civilisation.

Il fallait imposer ce timbre, cette manière de chanter, ce répertoire. Deller aura subi tous les sarcasmes. « O solitude, my sweetest choice », la chanson de Purcell, est devenu son emblème. On le prétendait castré, impuissant, dégénéré ; mais ce n’est pas sous Churchill qu’on coupait ou qu’on ligaturait les bourses des garçons, contre argent aux parents, pour en faire des bêtes d’opéra. C’est en Italie, et d’abord pour alimenter les choeurs du Vatican. Il lui avait fallu se défendre, se justifier :

Je suis un grand gaillard de 1,88 mètre et de 90 kilos. Je suis père de trois enfants, j’ai été bon footballeur, bon joueur de cricket, fils d’un gymnaste professionnel, et maintenant, parce que je chante avec un type de voix peu écouté depuis cent cinquante ans, je dois m’attendre à ne pas être considéré comme un homme véritable !
Il n’est pas certain que l’époque actuelle soit plus accueillante à de tels tempéraments. Les baroqueux ne luttent plus contre ceux qui avaient décrété : du passé faisons table rase. Ils sont riches, nerveux, ambitieux, conventionnels. Le baroque est devenu un investissement, au mieux une parure sociale, comme les beaux-livres. Du passé faisons table basse.

Le texte surtout requiert Deller, c’est là ce qui le rend le plus violemment rebelle. Sans effort, sans appuis intempestifs, il fait sonner la langue anglaise, la poésie anglaise comme personne. Parlant de Purcell, Deller évoque avant tout son art de mettre le texte en musique, sa rythmique, sa métrique, dont il ne trouve aucun équivalent dans l’histoire, Schubert excepté. « Il passait son temps à lire, dit Sollers, tous les témoignages concordent. Il suffit d’écouter : c’est la poésie qu’il cherchait à transmettre avant tout. » Ce que traduira cette vieille philosophe platonicienne, sans penser à mal : « Avec lui, on jouit de la langue. »

Et du corps tout entier, chère madame, et de l’âme. Lorsqu’on entend cette voix unique, cette prononciation exemplaire, cette poésie et cette musique retrouvées, on est étourdi par la cohérence qui se dégage du résultat, tant il est vrai que nous sommes plongés dans la confusion, et que notre temps est bien celui où les émotions sont le produit de la prévision, de l’algèbre, de la spéculation. Nous sommes entrés dans l’ère du calcul. Remontons les siècles, comme disait Tippett.
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Fanny a écarté les jambes. Fanny s'est offerte. Prenez-moi, monsieur, pense-t-elle. Elle entend la respiration du pompier tout près d'elle. Monsieur le Noir, enfoncez votre queue en moi. [...]
Elle est entièrement pleine. Fanny est emplie d'un sexe de pompier noir qui l'a prise par-derrière et va la faire jouir.
L'émerveillement lui fait pousser un soupir, et ouvrir les yeux.
Devant elle, un calendrier. Un chat blanc, dans un panier, les yeux roses. [...] A chaque coup du Noir, elle lit une ligne, un nom :
[...]Saint Marius a les fesses dures, mais saint Sébastien les écarte avec force et lui lèche le trou de balle : fort remugle de merde. Saint Rodrigue meurt d'infarctus extatique dans les bras de sainte Mathilde : son foutre continue de couler et d'imprégner le drap. Sainte Louise le remarque et demande la permission d'y frotter son nez rose. [...]
Fanny jouit.
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