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Citations de Jean Delumeau (106)


Et si l’on parvenait tout de même aux pays exotiques,
quels êtres monstrueux, quels animaux fantastiques et terrifiants n’y trouverait-on pas ?

Le Moyen-Âge situa dans l’Inde des hommes à tête de chien qui grognaient et aboyaient ; d’autres qui n’avaient pas de tête, mais des yeux sur le ventre ; d’autres encore qui se protégeaient du soleil en se couchant sur le dos et en levant un unique et large pied – univers onirique qui réapparaît à la fin du XVe et au début du XVIe dans l’œuvre de Bosch.
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Plus que jamais les chrétiens semblaient croire à la force pour résoudre les problèmes religieux. Ils détruisaient les temples aztèques et incas, expulsaient les Morisques d'Espagne, enfermaient les Juifs dans des ghettos. Entre fidèles du christ la haine était à son comble. François 1er laissa massacrer 3 000 Vaudois du Midi. Philippe II liquida les protestants d'Espagne en cinq grands autodafés. Quelque 30 000 réformés furent victimes en France de la Saint-Barthélémy et de ses séquelles. Aux Pays-bas, à l'automne 1572, le sinistre duc d'Albe fit passer par les armes les protestants de Zutphen et mettre à sac Malines, qui avait auparavant ouvert ses portes à Guillaume Le Taciturne.

1913 - [p. 151]
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[J]usqu'à une période récente, c'est-à-dire la mise en évidence de l'évolution et de la lente et difficile émergence du « phénomène humain », de nombreuses civilisations crurent à un paradis primordial où avaient régné la perfection, la liberté, la paix, le bonheur, l'abondance, l'absence de contrainte, de tensions et de conflits. Les hommes s'entendaient et vivaient en harmonie avec les animaux. Ils communiquaient sans effort avec le monde divin. D'où une profonde nostalgie dans la conscience collective – celle du paradis perdu mais non oublié – et le puissant désir de le retrouver.
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Rien n'est plus difficile à analyser que la peur et la difficulté s'accroit encore lorsqu'il s'agit de passer de l'individuel au collectif.Les civilisations peuvent-elles mourir de peur comme les personnes isolées ?
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Campanella a été un authentique personnage de roman et l'historien n'a besoin d'ajouter aucun détail au récit de sa vie pour révéler au lecteur un parcours biographique fait d'indépendance ombrageuse, de suspicions récurrentes, d'aventures dramatiques, de prisons et de tortures, de retournements surprenants et de dénouements imprévus. C'est pourquoi la première partie du présent livre est tout naturellement intitulée « Un personnage de roman », qui mériterait un film.
Tel il fut en effet. Ce fils d'un Calabrais analphabète devint un philosophe de renom international. Il put faire des études grâce à l'ordre des Dominicains où il entra à quatorze ans, dans lequel il ne se sentit jamais à l'aise mais avec l'habit duquel il mourut dans un couvent parisien. Il écrivit une œuvre immense et touffue dont la plus grande partie fut rédigée grâce à une prodigieuse mémoire au cours de trente années de séjour en prison : à Padoue, à Rome, à Naples surtout (vingt-sept ans) et encore à Rome. Il aurait logiquement dû être condamné à mort comme hérétique récidiviste ; mais, soumis à une torture de près de quarante heures, il feignit la folie et échappa à la peine capitale.
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L'expression " fait religieux " s'est imposée depuis quelques années dans le vocabulaire scientifique et public. Quand on y réfléchit bien, sa sobriété tranquille, qui cache un certain nombre de confusions, exprime la raison d'être de notre présence ici.

Un fait a trois caractéristiques. Premièrement, il se constate et s'impose à tous. Que cela plaise ou non, il y a depuis mille ans des cathédrales dans les villes de France, des œuvres d'art sacré dans les musées, du gospel et de la soul musicà la radio, des fêtes au calendrier et des façons différentes de décompter le temps à travers la planète. Pouvons-nous nous boucher les oreilles et fermer les yeux devant le monde tel qu'il est ? Pouvons-nous refuser d'écrire sur notre agenda, sous prétexte que nous n'avons aucune raison objective de prendre pour l'an zéro la date probablement erronée de la naissance de Jésus ?

Deuxièmement, un fait ne préjuge ni de sa nature, ni du statut moral ou épistémologique à lui accorder. Superstition, superstructure, facteur explicatif de l'histoire ou fausse conscience des acteurs ? Ces interrogations relèveront du débat philosophique. Elles doivent être formulées, mais elles supposent d'abord la prise en considération d'un matériau empirique, qu'il s'agisse d'un vitrail, d'un poème, d'un massacre, d'une route de pèlerinage ou d'une œuvre de charité. Prendre acte n'est pas prendre parti.

Troisièmement, un fait est englobant. Il ne privilégie aucune religion particulière, considérée comme plus " vraie " ou plus recommandable que les autres. Il est vrai que nos programmes d'histoire rencontrent en priorité les religions abrahamiques, mais ils donnent également une place au siècle des Lumières et ne négligent pas les religions de l'Antiquité et de l'Asie. En effet, l'hindouisme, le bouddhisme, les religions chinoises, comme les traditions animistes africaines, sont parties prenantes, sur un strict pied d'égalité, au grand arc des phénomènes humains qu'il nous faut embrasser, sans nombrilisme ni ethnocentrisme.
Régis DEBRAY, professeur à l'université Lyon III
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[U]n lien théologique étroit a noué entre eux le paradis terrestre et le péché originel. Ils ont été solidaires l'un de l'autre. Plus on embellissait le verger sans hiver, plus on accordait à nos premiers parents des dons, des privilèges et des connaissances largement au-dessus des nôtres, et plus on était conduit à majorer les dimensions de la faute première.
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12. « Notre expérience clinique d'écoute des conjoints suivis pendant la grossesse de leurs compagnes nous rend, au fil du temps et de l'expérience, de plus en plus convaincue qu'il existe, chez les pères ou futurs pères, une transparence psychique analogue à celle qu'on a classiquement remarquée chez la mère pendant la période périnatale. […] Rappelons ici la variété des symptômes de "couvade" qui, loin d'être une coutume propre aux sociétés traditionnelles ou exotiques, traduit chez nous comme ailleurs les vicissitudes du devenir-père. On connaît également les "folies paternelles", décompensations psychotiques chez certains hommes qui se produisent à l'occasion d'une paternité. Ces trouble psychiques ou psychosomatiques ne surviennent évidemment pas par hasard dans l'histoire des sujets qui les vivent : comme pour les mères, les pères qui en sont atteints sont peut-être psychiquement plus fragiles et mal préparés à aborder le processus du devenir-père. » (p. 469)
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Pourquoi ce silence prolongé sur le rôle de la peur dans l'histoire ? Sans doute à cause d'une confusion mentale largement répandue entre peur et lâcheté, courage et témérité.
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En revanche, brillent dans le ciel de la Renaissance italienne des villes qui n’ont ni la population de Naples, ni l’importance politique de Venise, de Milan ou de Florence, ni les ressources économiques de Gênes. On songe moins ici à Lucques et à Sienne, villes certes actives et prospères mais qui déclinent, qu’à Urbino, Mantoue et Ferrare.
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« J’aime mon pays plus que mon âme », écrivit Machiavel à la veille de sa mort.
Formule osée, dans la littérature italienne du xvie siècle et pourtant explicable et sous-tendue par une conscience nationale qui s’était sans doute éveillée dans la péninsule plus tôt que dans le reste de l’Europe.[...] tous ces éléments suscitèrent, au moins à l’étage culturel le plus élevé, une certaine forme de sentiment patriotique. Rappelons d’abord la sainte colère de Dante au chant VI du Purgatoire (vers 76-87) :

"Ah ! Italie esclave, hôtellerie de douleur, navire sans nocher dans une grande tempête, tu n’es plus la reine des provinces, tu n’es qu’un bordel ! […]
Et aujourd’hui tous tes habitants sont en proie à la guerre et ils se déchirent les uns les autres, ceux que renferment un même mur et un même fossé.
Cherche, malheureuse, autour des rivages de tes mers et puis regarde dans ton sein, si quelque lieu chez toi jouit de la paix."
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L'imprimerie - suscitant par contrecoup un essor considérable de la papeterie - fut considérée, au temps de son invention (vers 11445-1455), comme un « art divin » et le symbole d'un nouvel « âge d'or ». C'est qu'elle répondait à un puissant appel de connaissance qui venait des profondeurs de la civilisation occidentale. Au « livre-joyau » d'autrefois, richement enluminé mais réservé à une étroite élite, succéda le « livre-utilité », moins noble dans sa matière première et sa présentation, mais infiniment moins cher et qui devint un moyen puissant - et véritablement révolutionnaire - de diffusion de la culture. L. Febvre et H. J. Martin ont estimé que, dès la fin du XVe siècle, 35 0000 éditions au moins étaient sorties des presses d'Europe, soit 15 à 20 millions d'exemplaires. Pour l'ensemble du XVIe siècle on atteindrait plus de 150 000 éditions différentes, peut-être 200 000. 150 à 200 millions d'exemplaires auraient été ainsi jetés sur le marché durant cent années, compte non tenu des placards, plaquettes et feuilles volantes.

1014 - [p. 222]
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Une des différences entre l’art religieux des temps nouveaux et celui du Moyen Âge réside dans le fait qu’il obéit à des directives précises. Dans un climat de controverse il devient apologétique et fonctionnel ; il perd dès lors une partie de la liberté et de la fantaisie dont il avait joui durant les périodes antérieures.
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Ainsi n’a-t-on pas trahi le machiavélisme en le caractérisant par la formule : la fin justifie les moyens. Pour maintenir ses peuples dans l’obéissance, le prince doit, ou les mettre « dans l’impuissance de nuire, ou les combler de tant de bienfaits qu’ils n’aient aucun motif de chercher à changer de fortune ». Machiavel, en réalité, ne pense pas qu’il faille choisir définitivement entre les deux méthodes. Car « un prince qui veut se maintenir est souvent obligé de n’être pas bon » et « il est plus sûr d’être craint que d’être aimé ». Il ne doit cependant être cruel que par nécessité, et il aura intérêt, pour conquérir la meilleure réputation possible, à « se décharger sur d’autres des parties de l’administration qui peuvent être odieuses, et à se réserver exclusivement celle des grâces ».
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La philologie naquit du désir de lire correctement les ouvrages qui reparaissaient à la lumière, de comparer les manuscrits entre eux, de corriger les erreurs des copistes, d’éliminer les interpolations, en somme de l’exigeante volonté de retrouver le message authentique des grands écrivains de l’Antiquité.
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Pourquoi ce silence prolongé sur le rôle de la peur dans l'histoire ? Sans doute à cause d'une confusion mentale largement répandue entre peur et lâcheté, courage et témérité.
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Pourquoi une histoire des "malheurs des temps"? Que le lecteur se rassure : ce n'est pas pour céder au facile tropisme de la catastrophe.
Des chercheurs conscients de la dignité de leur métier n'ont pas à jouer la facilité et la carte de la mode, et ils ne le veulent pas. En revanche, ils mesurent, mieux peut-être que leurs prédécesseurs, grâce à la documentation étudiée depuis une cinquantaine d'années, combien le "malheur" était présent dans le quotidien d'autrefois. Si bien que faire revivre "le monde que nous avons perdu", c'est presque nécessairement placer au centre de la fresque les disettes et les épidémies, les méfaits des gens de guerre, la peur du loup, ce "tigre de l'Occident", les incendies et ces phénomènes célestes - éclipses, comètes, conjonctions planétaires - qui terrorisaient nos ancêtres. Le présent ouvrage, qui rassemble les contributions de dix historiens qualifiés et se conclut par la réflexion d'un philosophe, se présente avant tout comme un corpus de faits, c'est-à-dire comme une description à la fois des calamités vécues par la France et des réactions de nos ancêtres face à celles-ci. Nous nous sommes donc volontairement donné un objectif Limité ! Nous offrons d'abord et surtout une information désintéressée. Ce qui ne veut pas dire que celle-ci soit sans rapport avec les préoccupations et les inquiétudes qui sont notre pain de chaque jour. Car n'est-ce pas précisément la fonction de l'historien dans la société que de fournir à ses contemporains les lumières sur le passé dont ils ont besoin pour saisir le présent, prendre du recul par rapport à lui et, en même temps, inventer l'avenir? (...)
Jean Delumeau
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À Mantoue, [...] , le palais du Té, un édifice qui a marqué une date dans l’histoire de l’art à cause de la minutie de ses arabesques, de la part faite aux stucs et surtout de la perfection des effets illusionnistes réalisés dans la salle des Géants, où le visiteur est introduit au milieu d’un cataclysme imaginaire.
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Mais il nous faut d’abord réfléchir sur le contenu du mot « Renaissance » si souvent utilisé et si malaisé à cerner. Le terme est de Vasari. Mais, dès le XIVe siècle, les humanistes italiens parlèrent d’une résurrection des lettres et des arts grâce au contact renoué avec l’Antiquité. Filippo Villani, qui composa aux approches de 1400 un Liber de civitatis Florentiae famosis civibus, affirma :

La poésie (depuis le Ve siècle apr. J.-C.) restait abattue, gisante, privée d’honneur et de dignité, lorsque ce grand homme, Dante Alighieri, la rappela comme à la lumière, hors des ténèbres de l’abîme et lui tendant la main, redressa sur ses pieds l’art tombé.
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Ces leçons désabusées, qu’enseignent les événements contemporains et ceux du passé, permettent du moins de calculer à l’avance les actions des hommes :

"Il est donc facile pour celui qui approfondit les événements du passé de prévoir ce que l’avenir réserve à chaque État, d’y appliquer les remèdes dont usaient les anciens, ou, s’il n’en existe pas qui aient été employés, d’en imaginer de nouveaux d’après la similitude des événements" (Machiavel)
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