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Critiques de Jean-Marie Deguignet (21)
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Jean-Marie Deguignet avait remis 24 cahiers de 40 pages racontant sa vie à Anatole Le Braz - dont 130 pages ont été remaniées et publiées par la Revue de Paris. Il a alors réécrit ses mémoires sur la fin de sa vie en 24 cahiers de 100 pages qui ont été retrouvés (sauf le premier) dans un immeuble HLM à Quimper.



C'est ce texte cousu de bretonismes, émaillé de mots érudits, de citations en latin, en italien ou en espagnol et riche de quantités d'expressions populaires que vous pourrez lire. Son auteur aurait eu des facultés intellectuelles plus développées, à ses dires, à cause d'un accident à la tempe qui lui aurait fait une ouverture !



Document unique sur la société rurale bretonne du 19ème siècle. Témoignage direct d'un pauvre parmi les pauvres. Deguignet fut tour à tour mendiant, vacher, soldat, sergent, cultivateur, commerçant, miséreux, aliéné. Lui qui ne parlait que breton, a appris le français en autodidacte…et quel français !

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Mémoires d'un paysan bas-breton

Mémoires d'un paysan Bas-breton fait partie des livres qui ont sommeillé dans ma bibliothèque plusieurs années avant que je ne le lise. Il me semblait qu'il me fallait être bien disposée pour l'apprécier à sa juste valeur.



Mieux qu'un mystère insoluble à résoudre (cette quête des manuscrits de JM Déguignet racontée en préambule s'avère incroyable), mille fois plus fort (car véridique) qu'un roman naturaliste ( il fut enfant-mendiant au début du 19ème ), presque aussi aventureux qu'un Jules Verne (la technologie en moins), voici l'histoire de sa propre vie racontée par un breton de "la race des gueux" né près de Quimper en 1834.



Ce personnage non fictif haut en couleurs et complètement autodidacte, pour quitter quelque temps sa misère s'est fait cultivateur (progressiste), soldat, buraliste... sur des périodes plus ou moins longues, mais toujours rendues avec une précision et un franc-parler que j'ai trouvés admirables.



JMD, afin de ne pas mourir d'ennui et de tristesse, a pris la plume sur sa fin de vie, et distille sur près de 500 pages un document humain absolument unique, d'une force inégalable. Ses opinions athées républicaines acérées éclairent le monde d'avant, la Bretagne quimpéroise, entre autres.



Ne redoutez aucun pathos ou sensiblerie de sa part ; JMB a été bercé très près du mur... Ce libre penseur (trop) en avance sur son temps appelle un chat un chat, et sait parfaitement décrire les injustices inhérentes au 19ème siècle.

En porte-à-faux avec son époque, et ses compatriotes, ce témoin des derniers révolutionnaires (1789), décédé peu avant la guerre de 14-18 m'a régalé d'un bout à l'autre.



Entre clairvoyance, lucidité et facultés cognitives supérieures, sa haine de l'obscurantisme religieux et des " aristo- nobles " finira par lui monter au cerveau. C'est en tout cas ce qu'en pensèrent les médecins.



Il terminera son existence, ivre de rage, seul, abandonné de tous. Sa soumission aurait désamorcé sa colère, mais JMD fit un autre choix. Au péril de sa sociabilité.



Un très grand livre...


Lien : http://justelire.fr/memoires..
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Mémoires d'un paysan Bas-breton ou l'itinéraire exceptionnel d'un enfant pas gaté !



Né pauvre comme Job – enfin comme Jean-Marie ( 1834 - 1905 ) - et mort dans le dénuement le plus total à l'age de 71 ans , cet homme , au travers de mémoires circonstanciées d'une précision et d'un interet notoires , nous livre sa vision d'une époque ou indigence , cléricalisme exacerbé et conservatisme idéologique laissaient peu d'espoir de se balader , une rolex au poignet , avant l'age de 50 ans ! Apres non plus d'ailleurs...

En terminant ce bouquin , deux sentiments prégnants ! Celui d'avoir partagé le renversant destin de quelqu'un qui n'était absolument pas prédisposé à tout cela et qui s'est fait tout seul ! Et paradoxalement , plutot que d'éprouver une certaine admiration bien légitime , j'ai ressenti tres peu d'empathie à l'égard de ce personnage hors norme !

Un parcours renversant pour cet homme du Finistere Nord qui aura connu diverses fortunes tout en cultivant inlassablement sa soif d'apprendre inaltérable . Un journal incroyablement concis lorsque l'on sait qu'il a été écrit sur le tard , pour ne pas dire au crépuscule de sa vie . Tour à tour mendiant , vacher , soldat , cultivateur , débitant de tabac , sa vie s'apparente à un véritable couteau Suisse ! Etant alors tout gamin , un accident marquant à la tete lui permettra d'acquérir ce don phénoménal qui bouleversa sa vie et qu'il n'aura jamais cessé de cultiver - pour un paysan , c'est un minimum -  : une mémoire infaillible ! En véritable autodidacte patenté , le personnage n'aura de cesse d'engranger un savoir forgé par ses multiples voyages et rencontres ! Et des périples , il va en faire le gars Déguignet ! Engagé volontaire fuyant la supposée betise de ses compatriotes et aspirant à la pérennité de l'emploi ( sic ) , il parcourra le vaste monde en enquillant les guerres ( Crimée , Italie , Algérie , Mexique ) et les acquis ! En véritable polyglotte accompli , il étonnera , plus souvent qu'à son tour , un monde beaucoup plus éduqué que le sien , en lui faisant régulierement la nique - qui a dit ta mere ?! - à grands coups de leçons d'Histoire et d'avis bien tranchés . Parti de rien pour arriver à rien en connaissant un destin inclassable : gachis...

Un récit captivant de par son auteur et son époque ! Un conteur , véritable personnage à la Zola , usant à l'envi du Français , du Breton voire meme du Latin et affichant une vraie personnalité ! Et c'est peut-etre là que le bat blesse ! Car ce bonhomme , malgré son prestigieux parcours , a fini par me lasser . Semblant souffrir de paranoia aigue , rien ne semblait trouver grace à ses yeux ! Se réclamant d'un naturel ouvert et compréhensif , il s'avérait finalement anti-tout ! Anti jeunes , vieux , clergé , social - tu perds ton sang froid !! - , ti et gros minet...Il semblait souffrir du délire de persécution et vouait aux flammes de l'enfer ( paradoxal pour un bouffeur de cureton ) toute personne ayant l'outrecuidance de le contredire ! Bigre , comme il y allait le bougre ! D'un naturel orgueilleux , condescendant et faussement modeste , la remise en question personnelle n'était pas envisageable et ceci , au détriment meme d'une vie de famille pathétique et d'une vie en société qu'il estimait trop formatée . Adorant se donner le beau rôle , Déguignet , Saint Déguignet devrais-je plutot dire , anti-clérical convaincu , se voulait anarchiste avant l'heure . Il ne convainquit , au final , que sa propre personne , refusant trop souvent de s'abaisser au niveau de ses contemporains , quitte à finir seul comme un chien , abandonné des siens , dans une aigreur et un aveuglement jusqu'au-boutistes ! Comme quoi on peut etre Bas-breton et bas de plafond...Il n'en reste pas moins un superbe voyage historique dans une Bretagne miséreuse , en pleine mutation , empreinte de traditions séculaires vraiment bien amenées...Un tres beau périple malgré un guide sensiblement rebutant...



Mémoires d'un paysan Bas-breton : un magistral cliché d'époque pris par un photographe obtu à l'arrogance et le dédain aussi cinglants que le fouet de Catwoman...Wapaaaaaa....
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Je sors malheureusement déçue de la lecture de cette biographie à la couverture trompeuse. En effet, à voir cette photographie ancienne montrant un couple de paysans bretons, un bébé sur les genoux, j'avais pressenti un récit axé sur la ruralité en Bretagne au XIXème siècle et étant peu adepte de la littérature régionale et des chroniques paysannes, j'attendais beaucoup de cette lecture, comme un défi ou une tentative de réconciliation avec le genre.



Hélas, s'il est bien question de Bretagne et très brièvement de la vie à la ferme, les "Mémoires d'un paysan bas-breton" relatent surtout la vie militaire de Jean-Marie Déguignet et les nombreuses campagnes auxquelles il a pris part quand, être pauvre et sans instruction, il s'engagea volontairement pour la guerre de Crimée avec l'espoir d'apprendre tout ce qui pourrait constituer de près ou de loin un savoir.



Ma déception digérée, je me suis quand même intéressée à son récit autobiographique car il est fluide et vraiment instructif, si l'on ferme les yeux sur quelques approximations comme dater la construction de la tour de Pise non pas au XIIème siècle mais sous l'empire romain. Guerre de Crimée et guerre de l'indépendance italienne sont vécues de l'intérieur à travers l'expérience d'un simple soldat puis d'un caporal.



Pour le lecteur actuel, l'émotion vient principalement de la quête de savoir chevillée au corps du narrateur, touchant d'humilité malgré ses progrès, et de la description des scènes de la vie quotidienne.





Challenge NOTRE-DAME de PARIS

Challenge MULTI-DÉFIS 2019

Challenge XIXème siècle 2019
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Jean Marie Deguignet a connu un destin exceptionnel, ouvrier agricole dans le finistère profond, soldat à Lorient, engagé dans les guerres de Crimée, d'Italie et du Mexique du second empire, débitant de tabac et finalement mourant miséreux à Quimper.

Il tient un journal tout au long de sa vie.

Ce récit n'a pas d'égal dans les annales du temps.

C'est celui d'un écorché vif, d'un anticlérical et d'un anarchiste pourfendeur des conservatismes.

Le style est étonnamment brillant, souvent violent et ce témoignage se révèle être un vrai roman humain de l'aventure d'une vie riche en péripéties.
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Les mémoires d'un paysan Bas-Breton sont une nouvelle biographie "gratinée"d'un humble écorché vif du XIX eme siècle de ma Bretagne natale.

Ce mendiant qui n'a jamais été à l'école,apprend seul à lire et à écrire.Il s'engage 2 fois dans une armée de monarques" qui n'ont pas les mêmes intérêts que les peuples"Il devient athée et anticlérical tel qu'était mon grand-père né en 1899."A bas la calotte "disait-il !!

Oui l'écriture est "cash",oui les Bretons sont pieux, voire fanatiques mais la religion n'est-il pas l'opium des peuples (les plus pauvres ,les plus humbles).

Ce témoignage, malgré l'obstination de l'auteur reste sincère pour avoir entendu mes grands-parents et même mes parents ,victimes du servage, plus d'un siècle plus tard ,raconter leurs conditions de vie moyenâgeuse.

Depuis l'école est passée par là, la laïcité aussi, par contre les Bretons ont perdu avec leur langue, leur histoire.D'où l'intérêt d'un tel livre.

L'écriture de ses mémoires au crépuscule de sa vie, permettent à cet autodidacte de tirer une GRANDE révérence à 71 ans dans une misère totale mais "sans intervention chrétienne".
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Le portrait que Déguignet trace de lui-même intéressera tous ceux qui recherche une Bretagne sincère et vraie loin de tous les clichés , c'est la Bretagne des fermiers , des gens de mer , des écrivains comme Mona Ozouf

Il y a de l'impertinence chez cet autodidacte , de sacré doses d'humour , d'imagination , et d'énergie surtout . Un livre qui raconte une démesure, l'histoire d'une figure hors norme qui tout au long de sa vie a montré une soif , un besoin vital de savoir de tout savoir , en un autre jour il aurait pu devenir un très grand chercheur .

En le lisant c'est hommage discret a un homme indiscret .

Il était issu d'une famille de condition modeste, père fermier ; à sa naissance au bord de la ruine, perdit son bail deux mois plus tard. Il loua ensuite un penn-ty à côté de Quimper et vendait ses services comme journalier chez des fermiers pour huit à douze sous par jour.

Enfant, sa famille subit de plein fouet la misère engendrée par l'épidémie de mildiou. Il dut devenir mendiant.

La crise passée, il parvint à se faire engager dans diverses fermes comme vacher, notamment dans une ferme-école d'agriculture à Kerfeunteun. Il apprit par lui-même à écrire et lire le français : il ne savait jusqu'alors lire que le breton et le latin, appris au catéchisme. Il racontera comment il récupérait des feuilles oubliées par les autres élèves pour les déchiffrer.

En 1854, il s'engagea dans l'armée .

Il y restera 14 ans, participant à la guerre de Crimée, à la campagne d'Italie, ainsi qu'à l'expédition du Mexique. Lors de ces campagnes il eut le loisir d'apprendre l'italien et l'espagnol. Il y perfectionna aussi son français, lisant tout ce qu'il pouvait et recherchant le contact de toute personne cultivée. C'est à cette époque que se mirent en place ses idées républicaines et violemment anticléricales.

Revenu en Bretagne, il se maria et devint fermier à Ergué-Armel. Il le resta pendant 15 ans, et grâce à son ingéniosité fit de cette ferme à l'abandon une exploitation modèle. Son bail ne fut pas prorogé, à cause de ses idées et de son caractère anticonformiste.

Il fut ensuite tenancier d'un débit de boissons (il abandonna ce commerce quand sa femme mourut )puis vécu de divers métiers .

Retombé dans la misère, il passa ses dernières années à Quimper où il fréquentait la bibliothèque municipale pour y lire les journaux républicains. C'est au cours de cette période qu'il écrivit l'histoire de sa vie. Il la rédigea par deux fois : il en avait vendu un premier manuscrit à Anatole Le Braz et, ne le voyant pas paraître, crut qu'il avait voulu faire disparaître son témoignage.

Il fut retrouvé mort à la porte de l'hospice de Quimper, le matin du 29 août 1905.
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Mémoires d'un paysan bas-breton

On a le sentiment de tenir dans ses mains un livre rare, l'histoire , l'épopée d'un simple paysan bas breton sachant écrire à cette époque , une exception, une chance

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Mémoires d'un paysan bas-breton

En lisant les mémoires de Jean Marie Déguignet, j’ai retrouvé la Bretagne telle que la racontaient nos grands-parents et non telle qu’elle apparaît sur les cartes postales : une Bretagne authentique, peuplée de taiseux et de gens moqueurs ; une Bretagne bouffée par les superstitions et où le clergé a pris racine – au grand dam de Déguignet notamment ; une Bretagne où la vie était rude et où l’on ne ménageait pas sa peine ; une Bretagne que l’on quitte et où l’on revient toujours.
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Né au début du XIXe siècle du côté de Quimper, Jean-Marie Déguignet aurait pu ne jamais connaître que le lot commun de tant d'autres petits paysans de son temps. Misère, mendicité, domesticité rurale, dans un périmètre réduit à quelques paroisses. Mais le jeune Jean-Marie possédait un de ces rares cerveaux qui ont la capacité de tout retenir, de tout assimiler. C'était en somme un garçon intelligent, assez pour apprendre sans beaucoup d'aide à lire, puis à écrire, le breton d'abord, puis le latin des curés, le français du régiment et toutes les langues qui croisèrent sa route.

Car Jean-Marie était aussi curieux et pour voir du pays, il n'hésita guère à s'engager dans l'armée. Participa à la guerre de Crimée, poussa jusqu'à Jérusalem (où les sordides petits trafics autour des pélerins lui firent perdre pour de bon toute estime pour les religions et les croyants), fit partie de la campagne d'Italie (celle de 1859, contre les autrichiens), de l'expédition désastreuse du Mexique, affronta en Algérie les soulèvements Kabyles... avant de revenir s'installer au pays, où un mariage malheureux et une incapacité remarquable à ménager les susceptibilités d'autrui, finirent par lui coûter à peu près tout ce qu'il avait gagné jusque là.



A la fin de sa vie, à nouveau tombé dans la misère, il entreprend d'écrire ses Mémoires... qui seront remarquées par Anatole Le Braz, très partiellement et très imparfaitement publiées dans la Revue de Paris en 1905 puis plus ou moins oubliées jusqu'à leur redécouverte, presque un siècle plus tard, où elles devinrent un grand succès de librairie.

L'édition qu'on tient là entre les mains est elle aussi incomplète, taillant volontairement dans de nombreuses digressions sans doute un peu pénibles à lire mais que j'ai été un peu frustrée de ne pas pouvoir découvrir. Qu'importe, c'est un texte passionnant et unique en son genre dont l'auteur, aussi intelligent que borné, curieux, intransigeant à l'excès, agaçant, attachant malgré tout, peut difficilement laisser indifférent.
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Un document ethnographique , brut de décoffrage , que ces mémoires , parfaitement authentiques . Leur honnêteté ne peut pas laisser indifférent . Le malheureux Jean-Marie naît dans un milieu d'une extrème pauvreté . Pour venir en aide à ses parents , il doit mendier dès son plus jeune âge . Puis il est obligé de s'engager dans l'armée . Il participe à toutes les expéditions de Napoléon III : la Crimée , l'Italie et le Mexique .

Démobilisé , il rêve de s'installer comme ermite dans un coin sauvage des bords de l'Odet . Malheureusement pour lui , rien ne se passera comme cela car il fera un mariage catastrophique , aura un grave accident et frôlera la mort .

Pendant ce temps sa femme achètera avec les économies de Jean-Marie un débit de boisson où elle s'attachera plus à boire le fonds qu'à faire des affaires . Elle aura une fin tragique et le héros se retrouvera seul avec quatre enfants et ce ne sera que le début d'une longue série de misères et de déboires de toutes sortes .

Il finit dans une soupente , complètement démuni , à écrire ses souvenirs , si vrais , si touchants . D'autant plus étonnants que ce simple est bien loin d'être un idiot , il montre beaucoup de lucidité , de réflexion et même une certaine sagesse .

Un témoignage à ne pas manquer .
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Histoire de ma vie : Texte intégral des Mémoire..

Cet énorme "pavé" de plus de 900 pages (dans lesquelles il faut inclure l'index, le texte de Déguignet, sans les annexes, se regroupant sur 869 pages) abonde en paragraphes serrés, touffus, semblables à des blocs ou à des pierres de taille qui ont donc servi à dresser un monument posthume à un personnage hors du commun et hors de son temps.



Ajoutez à cela les notes, en bas de page, les "bretonnismes" dont le texte est truffé, la rage anti-cléricale du bonhomme, un esprit d'analyse carré, puissant, qui tient du prodige, un amour de la discussion pour la discussion qui tient, lui aussi, de l'exceptionnel, et vous vous ferez une bonne idée de cette "Histoire de Ma Vie."



L'avantage - et l'inconvénient - de la version intégrale, c'est que rien n'y est épargné au lecteur, pas même les répétitions et les redites. Car il est évident que Déguignet, sur la fin, vivant seul et n'ayant personne ni pour le relire, ni même pour le lire, refusant lui-même de se relire, aigri sans doute (et on le comprend) par ses malheurs, tombant dans une paranoïa que les événements de son existence avaient eu beau jeu de réveiller et d'alimenter, Déguignet n'a pas évité de patiner dans les injures et les malédictions.



D'où vient alors que la puissance du récit, le charme du conteur et l'authenticité de son texte parviennent, encore et toujours, à enchaîner le lecteur ? ...



Eh ! bien, parce que, bien que né au XIXème siècle et ayant connu aussi bien les guerres du Second Empire que les débuts de la IIIème République, c'est en homme du XXème, et même du XXIème siècle que raisonne Jean-Marie Déguignet.



Avec lui, on retourne aux sources de la misère paysanne telle qu'elle existait encore après la récupération de la Révolution par la bourgeoisie française. Et l'on sent retomber sur nos épaules la chape de plomb que représentaient à l'époque ces deux ennemis jurés de "L'Assiette au Beurre" : le sabre et le goupillon.



Ah ! Le goupillon ! ... Pour les athées et les anti-cléricaux forcenés, lire Déguignet est une jouissance absolue car cet homme qui, jamais, ne connut l'école, a l'élégance suprême d'éviter au maximum de tomber dans la vulgarité lorsqu'il décrit ce clergé et ces bigots qui pesèrent si lourdement sur son destin. Certes, il piétine, il éructe, il rage, il s'époumone - surtout sur la fin. Mais on le lui pardonne bien volontiers tant on le sent sincère et viscéralement rebelle.



En ce qui concerne le sabre, c'est un peu différent. Déguignet, en effet, fut militaire et devint même sous-officier. Ce qu'il blâme, ce sont surtout les horreurs de la guerre moderne et la sottise et l'infamie des officiers qui conduiront la France au désastre de Sedan puis, quelques années après, à l'ignoble Affaire Dreyfus. Mais l'armée, Déguignet est clair là-dessus, il en faut bien une et il semble pencher vers l'armée de métier.



Figure récurrente dans "Histoire de Ma Vie", et non des moindres : le Christ.



Déguignet passe les trois-quarts de son livre à le traiter de tous les noms d'oiseaux qu'il connaît - et il en connaît pas mal. Mais dans la dernière partie et sans renoncer un seul instant à ses injures, il reconnaît aussi l'aspect révolutionnaire, voire anarchiste du personnage.



Car il y a beaucoup de contradictions chez Déguignet. Celle qui m'a le plus frappée - et amusée car je comprends parfaitement le raisonnement et je l'approuve - est celle-ci :



Déguignet commence par se moquer des saints bretons qui, de fait et comme lui-même le savait déjà, ne sont que des récupérations faites par l'église chrétienne de personnages légendaires celtiques, voire parfois de simples noms de lieux-dits - eh ! oui. Puis, il observe - et l'on sent son indignation qui gonfle, qui gonfle, qui va éclater - qu'aucun de ces saints ne semble connu des livres pieux de l'époque. Il en conclut donc que les saints bretons ne se retrouveront jamais au paradis mythique où se dorent leurs confrères juifs, grecs, romains, etc ...



Et d'assener, avec un mépris somptueux :



- "Mais de toutes façons, nous, Bretons, nous n'avons que faire de votre paradis !"



... Il ne menace pas d'en créer un spécialement pour les saints discriminés mais ... c'est tout juste. Wink



C'est par des traits aussi attachants que cette étrange personnalité trouve le moyen de toucher encore nos coeurs. ;o)
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Au XIXème, les bretons pauvres qui savaient lire et écrire étaient vraiment rares. Un témoignage d'une telle précision rend donc ce journal extrêmement précieux. Une pépite ethnographique pour tout ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Bretagne et à ce qu'ont vécu nos ancêtres.

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Mémoires d'un paysan bas-breton

C'est un livre extraordinaire décrivant la vie de Jean-Marie Déguignet, paysan breton (1834-1905)
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Histoire de ma vie : Texte intégral des Mémoire..

Ce livre est le témoignage époustouflant, sans fard, d’une époque. Il raconte sans ambages la cruauté du monde, la laideur des officiers supérieurs pendant la guerre de Crimée, les souffrances des gens du peuple.

Ce n’est pas de la littérature, puisque c’est le témoignage d’une vie vécue, non romancée, vibrante et violente.

Une sorte de chef d’œuvre inclassable.

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Histoire de ma vie : Texte intégral des Mémoire..

Né le 19 juillet 1834 à Guengat et mort aux portes de l'Hospice de Quimper, le 29 août 1905, Jean-Marie Déguignet était le fils d'un fermier qui, tombé dans la misère peu après la naissance de ce fils, dut louer ses services à d'autres fermiers, dans la région d'Ergué-Gaberic.



Pour aider sa famille, le petite Jean-Marie exerça très tôt le métier de mendiant, c'est-à-dire qu'il allait mendier du pain et des restes de nourriture chez les paysans plus aisés, leur promettant en échange de prier pour eux, ce que, conformément à l'usage du temps, il commençait à faire sur le champ. En ce temps-là, on croyait que les prières des jeunes enfants mendiants apportaient plus de grâces en paradis à ceux pour lesquels ils priaient.



Enfant timide mais extrêmement intelligent, voire surdoué comme on dirait probablement de nos jours, le petit Jean-Marie, tout en étant heureux de pouvoir aider ses parents, comprit très vite toute l'hypocrisie du procédé. Ceux qui donnaient pain et restes à l'enfant ne le faisaient pas par charité : comme Victor Hugo l'écrit dans ses "Misérables", ils "s'achetaient un peu de paradis."



C'est probablement dans cet étrange métier que lui imposait l'instinct de conservation que l'on doit rechercher les racines du formidable rejet de la religion, particulièrement chrétienne et catholique, que Déguignet manifestera jusqu'à son dernier jour.



Dès qu'il le put, l'adolescent opta pour la profession de vacher, à la ferme-école de Kermahonet en Kerfeunteun. La soif de connaissance le tourmentait déjà depuis belle lurette puisqu'il avait appris à lire breton et latin dans ... les livres de messe. Wink



A Kermahonet, il s'attaqua à la langue des "envahisseurs" : le français. Et il s'en tira très bien, sa monumentale "Histoire ..." le prouve amplement.



De nos jours, il paraît tout naturel de parler français. Mais si l'on replace les faits dans le contexte des années 1840/1850, il faut rappeler que, à cette époque, les Bretons n'étaient pas les seuls à ne pas savoir parler français. Dans d'autres provinces du pays, on se heurtait au même phénomène. C'est la IIIème République - honnie elle aussi par Déguignet Wink - qui, avec ses "hussards noirs", parviendra peu à peu à faire du français la langue-reine de notre pays.



Pour l'instant, revenons à 1854, date de l'engagement de Déguignet dans l'armée de Napoléon III. Il va y rester 14 ans et y deviendra même sous-officier. Il ira en Crimée, en Palestine, au Mexique (où il apprendra l'espagnol), en Italie (où il apprendra l'italien), en Kabylie (où il remarquera, non sans raison, une ressemblance prononcée entre la prononciation de certaines lettres bretonnes et celle de certains caractères arabes).



Quand il est démobilisé, il regagne la Bretagne. Il avait de belles économies mais il semble être tombé plus ou moins amoureux de la fille d'une fermière ruinée. Pour se marier, il reprit le bail de sa belle-mère et travailla donc comme fermier pendant quinze ans pour le compte d'un hobereau breton qui ne devait par la suite lui avoir aucune reconnaissance des bons soins donnés à la propriété.



Après la mort de sa femme dans une crise de delirium tremens, Déguignet, qui se retrouvait veuf avec trois enfants, put se faire donner un petit bureau de tabac. Mais ce bureau se trouvait sur le territoire très clérical du curé de Pluguffan et celui-ci, que les théories athées et anarchistes de Déguignet portaient, à chaque fois que les deux hommes se croisaient, aux limites de l'apoplexie, fit tout pour boycotter le nouveau débitant.



Vaille que vaille, Déguignet tint bon quelques années et puis, il se lassa, loua à son tour son bureau de tabac et s'en fut à Quimper. Lorsqu'ils avaient eu l'âge de travailler, ses enfants avaient été récupérés par leur famille maternel et le malheureux se retrouva dans la misère la plus absolue, dans un "trou" infect qui, pendant que je lisais ses mémoires, m'a évoqué celui dans lequel meurt la Gervaise de Zola.



Indomptable, inclassable, déclassé, vraisemblablement atteint d'une forme de paranoïa que les malheurs rencontrés dans l'existence n'avait fait que renforcer, mais toujours doté d'un esprit analytique et d'une soif de connaissance tout bonnement incroyables, Déguignet vivota là-dedans, fréquentant aussi la bibliothèque municipale de Quimper, lisant les journaux, discutant, rédigeant des lettres d'insultes à ceux qui le persécutaient, se rendant impossible à certains mais refusant de perdre une seule miette de sa dignité.



On le trouva mort à la porte de l'Hospice de Quimper, le matin du 29 août 1905.



Il laissait derrière lui une montagne de feuillets dont il avait écrit que, si lui n'en tirait aucun bénéfice, il en serait tout autrement pour ceux qui viendraient après lui. Il ne se trompait pas : aujourd'hui, son "Histoire ..." est traduite jusqu'en Russie. ;o)
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Mémoires d'un paysan bas-breton

 Si vous aimez les histoires vécues, cette vie sort de l'ordinaire....d'autant que ce paysan a su l'écrire lui même. Pour sortir de sa misère, de sa condition il s'engage dans l'armée et part pour la guerre de Crimée après un petit séjour en congé à Jérusalem il rentre en Bretagne - Il s'engage à nouveau dans l'armée et cette fois il ira en Algérie et sera ensuite envoyé au Mexique.....Après l'armée il redevient paysan en se mariant  .......je n'en dis pas plus....

Il s'est instruit tout seul sans pouvoir aller à l'école . Il parlera plusieurs langues.....Sa haine des curés m'intrigue.....y a t'il une grave raison ?  Il est républicain cela va lui nuire....

Michel POLAC avait trouvé ce livre extraordinaire....oui JEAN MARIE Déguignet au destin exceptionnel  est un écorché vif, anticlérical, anarchiste et sort de l'ordinaire. 





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Mireine
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Cet ouvrage relate la vie d'un paysan breton devenant soldat, qui participe aux guerres du second empire. A la fois intellectuel, autodidacte, antimonarchiste, anticlérical et anarchiste, il décrit ses péripéties avec honnêteté, et cela sans complaisance à l'égard de la société Bretonne de l'époque, ultra-catholique et plutôt royaliste.

Bref, un personnage hors du commun.

Le texte est plutôt facile à lire, sans fioriture littérature, même si les 30 premières peuvent rebuter.
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Mémoires d'un paysan bas-breton

Ce récit d’une vie indépendante et non sans déboires, notamment avec les autorités religieuses, se dévore comme un roman.
Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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Mémoires d'un paysan bas-breton

De cette main sort une longue plainte d'un homme lésé et persécuté par tous, vue fantasque d'un esprit torturé, acerbe avec ses semblables, traitant les bretons de " race d'ignorants ", Jésus et ses apôtres de " bandits et de criminels ", les curés de " charlatans ivrognes ". Abandonnant sa femme au délirium tremens, renié par son fils, calomniant son bienfaiteur Anatole Le Braz qui l'a fait passer à la postérité, finalement dans ce pays de Quimper, seul JM Déguignet semble vertueux et instruit. Mais quel crédit donner à cet homme qui affirme à plusieurs reprises jouir d'un savoir exceptionnel suite à un accident qui perfora son tympan, laissant ainsi entrer la connaissance par le trou qui s'y forma...



Voilà alors le seul témoignage antérieur au xxème siècle d'un breton du peuple. Les anecdotes, les coutumes qui y sont relatées sont précieuses, regrettable que JM Déguignet en soit l'auteur...
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