Nos militaires ne sont pas des personnages de jeux vidéo
Jean Michelin sait de quoi il parle, il nous invite à entrer dans cet esprit de corps, cette camaraderie bourrue et solide.
Stéphane a quitté l’armée et est devenu agent de sécurité dans le civil. Mais son esprit le torture et lui torture son corps chaque nuit par des courses épuisantes et douloureuses qui lui permettront d’arracher quelques heures de sommeil au petit matin sur ses plages d’insomnie.
Sa femme Mathilde est inquiète, se montre vigilante et aussi présente que son homme le permet.
Une nuit Stéphane reçoit un appel de son ancien adjoint car Lulu a disparu.
Lulu c’est un gars solide, fiable, il a laissé femme et fils, sans un mot d’explication.
Une poignée d’hommes vont avec Stéphane partir à sa recherche.
Stéphane a été remplacé mais ces hommes lui restent fidèles.
« Le lieutenant Charlier était arrivé à la compagnie trois mois plus tôt, en remplacement de Stéphane, enfin de l’adjudant Humbert, parti à la retraite. C’était un jeune officier sous contrat tout juste sorti de l’école. Il était de bonne volonté, mais il avait encore beaucoup à apprendre. Le capitaine, au moins, connaissait Lulu, et puis c’était lui le patron. »
Pour Stéphane et ses acolytes cette recherche est aussi se remémorer les campagnes, la mort d’un jeune soldat et tout ce qui va avec la vie militaire.
L’auteur nous entraîne d’ici à là-bas et aussi ailleurs. C’est indéniablement une façon de faire participer les lecteurs à l’intime de cette vie si particulière.
Les combats nous sont présentés bien différemment des images diffusées en boucle à la télévision. Là, nous sommes au cœur de l’humain, des soldats dont c’est le métier, mais des hommes avant tout.
C’est cette épaisseur humaine qui nous submerge et nous empoigne, nous sommes dans la réalité des combats.
Alors pourquoi Lulu est parti comme cela ?
J’ai aimé vivre cette camaraderie, chacun a sa personnalité mais tous font bloc pour retrouver leur camarade. Ils ont à l’esprit la mort d’un des leurs, lors de la dernière opération. Mais aucun d’eux n’a pressenti le gouffre qui s’est ouvert sous les pieds de Lulu.
Nous prenons conscience des failles, des traces indélébiles que ce métier laisse en chacun d’eux.
Aucun d’eux n’est une tête brûlée, l’épreuve du feu est prégnante, l’ennemi est flou, les causes de la guerre ne sont pas plus claires, et les dégâts sur les enfants les broient.
J’ai aimé la construction du livre qui permet de se sentir partie prenante, le réalisme que l’on trouvait dans les écrits de Maurice Genevoix dans Ceux de 14.
La guerre est peu racontée de cette façon, et cela nous permet de voir autre chose que des images qui retiennent notre attention sur le moment et puis…
Un livre qui touche sa cible en plein cœur.
©Chantal Lafon
Lien :
https://jai2motsavousdire.wo..