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Critiques de Jean Norton Cru (4)
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Témoins

« L'homme s'est toujours glorifié de faire la guerre, il a embelli l'acte de la bataille, il a dépeint avec magnificence les charges des cavaliers, les corps-à-corps des soldats à pied, il a attribué au combattant des sentiments surhumains : le courage bouillant, l'ardeur pour la lutte, l'impatience d'en venir aux mains, le mépris de la blessure et de la mort, le sacrifice joyeux de sa vie, l'amour de la gloire. » Ancien combattant de la Grande Guerre, Jean Norton Cru a entrepris de juger à l’aune de son propre vécu plusieurs centaines de témoignages de ses camarades de tranchées. Avec ce travail, paru pour la première fois en 1929, il entendait faciliter le travail des historiens en séparant « le bon grain de l’ivraie », fort de son expérience de terrain. Passant à la loupe plusieurs centaines de récits personnels de soldats, il a traqué les légendes et les images d’Épinal, les effets de style et les tentations littéraires, les ragots colportés et les impostures, l’emphase patriotique, le pseudo-réalisme macabre et les surenchères épiques, les reconstructions ultérieures faute de notes suffisantes et l’influence des autres récits. Pour chaque témoin dont il a consciencieusement étudié les écrits, classés par genre (journaux, souvenirs, réflexions, lettres ou romans), il a produit, pour ce volumineux dictionnaire, une analyse critique, précédée d’une biographie, notamment avec les indications exhaustives de toutes les incorporations, ainsi que d’une description bibliographique. Outre les documents de soldats plus ou moins sincères donc, et sans pour autant remettre en cause le droit des écrivains à l’invention, il applique également sa grille de lecture aux oeuvres littéraires, toujours à la recherche de la seule vérité.

(...)

Un travail monumental, qui se lit toutefois fort bien. Du tamis de l’analyse critique à travers lequel Jean Norton Cru fait passer ces centaines de témoignages, il ressort une vision humaine de la guerre, une multiplicité de regards à hauteur… de tranchée, qui racontent une peur démesurée, un profond mépris pour cette gigantesque immolation sur l’autel de la patrie et une vive appétence pour la paix, largement partagés.



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Témoins

Publié en 1929, réédité en 1993, “Témoins” demeurait introuvable.

C’est cette édition de 2006, enrichie, que je chronique.

Le contenu essentiel de ce livre est un “Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928.”



Jean Norton Cru s'explique sur son projet, qui est aussi analysé en préambule par l’historien Frédéric Rousseau.

Pourquoi un combattant de la guerre 14-18 s’est acharné pendant quinze ans à analyser les écrits publiés sur la guerre et a passé au crible plus de 300 témoignages ?

“C’est bien la brutale et révoltante découverte du grand mensonge sur la guerre qui est à l’origine de cette œuvre et une arme pour la paix.”

Car le fondement de son propos est de rendre la véracité de la guerre pour éviter qu’elle ne se reproduise.



Ce n’est pas la vérité, “idéal impossible”, mais la sincérité, “idéal réalisable” que veut produire l’auteur.

Parmi les principales fautes qui ruinent un témoignage, il débusque les “anecdotes fabriquées, arrangées ou répétées d’après des commérages et présentés comme témoignages personnels ; (l’) optimisme irraisonné sur nos troupes et nos armes ; (la) calomnie du courage de l’ennemi et (le) rabaissement de sa force ; (les) formes de styles fausses et exagérées empruntées à la presse, qui dénaturent les faits et les sentiments du front…”



En 700 pages à la typologie serrée, il répertorie, classe et apprécie la véracité de 300 publications qui ont été écrites en français, publiées de 1915 à 1928, éditées à Paris et se rapportent à des souvenirs de la vie vécue sous le feu et strictement personnels.



Les œuvres de 251 auteurs ont été lues au moins deux fois, voire dix pour “Sous Verdun” de Maurice Genevoix.



Les documents, annotés et recoupés, sont classés en 84 journaux, 86 livres de souvenirs, 42 livres de réflexions, 29 recueils de lettres et 59 romans.

Il applique à ces documents un critère de plus ou moins grande sincérité.

Il sera parfois raillé pour la minutie de ses recherches, pour son souci du détail, pour sa maniaquerie sur la chronologie et sur la topographie.



Certains dénonceront la subjectivité de son approche qui a alimenté des controverses et des droits de réponse de ceux qui ont été accusés de biaiser l’histoire.

Leurs réponses figurent dans un dossier de presse annexé .

J.N. Cru ne peut opposer à l’argument de la subjectivité que son travail de recoupement entre les documents, cartes d'état major à l'appui, et son appréciation du fait qu’ayant été au front il ne peut que réagir vivement contre ce qu’il considère comme des contre vérités.

Parmi les auteurs critiqués figurent Dorgelès et Barbusse, dont les romans, respectivement “Les croix de bois”, “le Feu”, sont encore abondamment lus.

On s’accorde aujourd’hui à reconnaître qu’il a pu se tromper et est allé trop loin dans la critique de ces œuvres !



L’auteur relève les inexactitudes qui peuvent donner aux civils une vision de la guerre qui n’a rien de commun avec celle du combattant :

- “La guerre est une lutte” : “Les combattants avaient plus ou moins cette idée avant de voir le feu. Dès qu’ils connurent la guerre, ils comprirent qu’elle n’était lutte qu’entre deux grands groupements d’individus : coalitions, nations, armées… jusqu’aux divisions.”

- “Les bons soldats sont courageux, les mauvais soldats ont peur” : Non, “Tous les soldats sans exception ont peur et la grande majorité fait preuve d’un courage admirable en faisant ce qu’il faut faire en dépit de la peur.”

- “L’arme favorite du poilu est la baïonnette” : mais le poilu est convaincu que si l’on avait laissé la baïonnette à la caserne, on n’en aurait pas moins gagné la guerre. ”La baïonnette a fait tuer beaucoup de monde, elle en a tué fort peu…”

- “Les monceaux de morts”, ”Les flots de sang” : “Ces fantastiques exagérations se trouvent dans tous les récits des narrateurs suspects…”

- “Les légendes héroïques” : l’auteur en critique deux. Avec “Debout les morts”, les journalistes “ont fait combattre réellement et matériellement des blessés fouettés d’un sursaut d’énergie.”

Quant à la “Tranchée des baïonnettes”, iI tord le cou à cette légende d'une tranchée où seules les baïonnettes dépassent d’une rangée de soldats ensevelis debout.

C’est un lieu de bataille encore fort visité à Verdun même si son caractère de légende glorificatrice est aujourd’hui avéré. Quant aux faits réels, vous les trouverez cités.



A la suite de ces considérations introductives, le livre propose pour chaque œuvre, la biographie de l’auteur, sa division militaire, la topographie de son secteur, la censure exercée et les critiques émises.

L’auteur montre également l’apport du livre à la connaissance de la guerre, illustrée par des citations, avant l’analyse critique proprement dite.



Cette étude vous permet aussi de faire des choix de lecture d’après les critères correspondant à 11 tableaux faits sans l’aide d'Excel.

Ils vous faciliteront plusieurs accès aux livres dont celle du classement par la valeur des témoignages.

Ceux-ci sont classés en 7 groupes de niveau de véracité : 29 excellents, 34 bons, 66 assez bons, 51 médiocres, 34 faibles, 29 nuls. Parmi les excellents, on trouve les cinq romans de Maurice Genevoix et les trois ouvrages de Charles Delvert.



Le livre se termine par 142 pages de dossiers de presse, constitués des réponses des auteurs critiqués (Dorgelès, Barbusse…), à lire en parallèle avec leurs romans.



Voilà, je range le livre. Je le rouvrirai à l’occasion d’une prochaine lecture sur ce thème.



J’ai voulu rendre compte du travail de titan de Jean Norton Cru et de sa volonté de faciliter la tâche aux historiens, mais je retiens surtout qu’il était patriote et pacifiste.

Il était convaincu que montrer la guerre sans tous ses apparats d’honneur, de gloire, de légende, d’erreurs était la meilleure façon de l’éviter.

Pour cela, il a placé sa confiance dans cette allégation : “il faut que les jeunes sachent…”



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Témoins

Livre qui a pour sous titre "essai d"analyse et de critique des souvenirs de combattants..."

Le livre de John Norton CRU est une référence pour ces soldats qui ont témoigné de 1915 à 1928.

Il a fait l'objet de sévères critiques en retour également car il a su proposer les clés pour identifier (démystifier) les témoignages authentique.

Je souhaite dire que cela ne m'a pas empêché de faire ma propre lecture d'auteurs mis au piloris....

Comment aurait-il décrit toute cette profusion de témoignages qu'il avait annoncé avant l'heure ?

Nécessité pour les familles d'inscrire à la postérité les écrits de ces frère d'armes. Devoir de mémoire.

Cela est encore la preuve que lui même il avait participé à ce grand sacrifice!!!

Merci Monsieur.

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Témoins

L’auteur examine les œuvres littéraires traitant de la grande guerre. Fort pédagogiquement, il les a triées par types : souvenirs, témoignages, lettres, romans… Au terme de ce travail de bénédictin le lecteur a une vision certainement plus fine et plus objective de toute la production occasionnée par la grande boucherie mondiale. Tous les jugements sont étayés, les œuvres analysées, comparées, disséquées. Sans complaisance, bien au contraire. Il éreinte de bon cœur les deux célèbres plumitifs Barbusse et Dorgelès, un vrai régal ! Sa plume acerbe vante les auteurs “qui savent de quoi ils parlent, ceux qui ont vécu la guerre, et les autres sont conduits au bucher littéraire.
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