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Citations de Jean Rhys (41)


Ce n'est pas dans la solitude désertique et sauvage de Bona Vista, mais à Morgan's Rest que j'ai commencé à sentir que j'étais amoureuse de ce pays, que jamais plus je ne l'oublierai. Je partai seule, pour de longues promenades. Quel singulier sentiment d'avoir grandi dans un pays superbe, et de découvrir à quel point il était superbe. Un pays éclatant de vie, j'en avais la certitude. Une telle douceur, sous des couleurs chatoyantes, des collines comme des nuages, des nuages comme de fantastiques collines. Quelque chose d'austère, pourtant, derrière les apparences, de lugubre, d'abandonné. Je désirai m'y perdre, m'y fondre, faire vraiment partie de lui. (Mais il a detourné le visage, avec indifférence, et j'en ai eu le cœur brisé).
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Des fenêtres de la maison, qui était peinte en blanc et délabrée, on découvrait toute une chaine de montagnes : Morne Diablotin, la plus haute et d'autres plus basses : Morne Anglais, Morne Collé Anglais, Morne Bruce (aux Indes occidentales françaises, on appelle les montagnes des Mornes, et la Dominique avait été français, autrefois). Nous étions persuadés, moi du moins, que Morne Diablotin mesurait 8000 pieds de haut, et que son sommet devait être inviolable, car c'était une roche escarpée. De grands vols d'oiseaux noirs y tournoyaient souvent - oiseaux du Diable, ou Diablotins, qu'on ne retrouve nulle part, ni dans les Indes occidentales, ni ailleurs dans le monde.
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Par amitié charitable, je lui ai offert mon mouchoir. Les siens étaient si minces.
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— Je vais m’habiller, dit Maud, et après, vaudrait mieux aller prendre l’air. On ira jusqu’au théâtre voir s’il y a des lettres. C’est un livre cochon, que tu lis là ?
— Y a des passages pas mal, dis-je.
— Je le connais, dit Maud. C’est l’histoire d’une putain. Je trouve ça dégoûtant. Un homme qui écrit un livre sur une putain, je te parie que d’une manière ou d’une autre il dit des tas de mensonges. D’ailleurs tous les livres sont comme ça — c’est rien que du bourrage de crâne.
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Elle était assise dans un fauteuil à bascule, la t^te penchée. Ses cheveux lui pendaient par-dessus les épaules en deux longues nattes. D'une petite distance, je lui parlai avec douceur.
- Qu'est-ce qu'il y a, Antoinette ? Qu'ai-je fait ?
Elle ne dit mot.
- Vous ne voulez pas m'épouser ?
- Non. Elle parlait à voix très basse.
- Mais pourquoi ?
- J'ai peur de ce qui peut arriver.
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Au lieu de gémir sur la mort du Christ, ou de regretter de n'avoir pas vécu en Son temps, il valait mieux s'efforcer de faire le bien. Je me suis donc mise à guetter les occasions à faire le bien. L'ennui, c'est qu'elles m'ont parues assez limitées. Comme première bonne action, j'ai voulu aider Victoria, notre femme de ménage, à faire la vaisselle.
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C'est tante Clarice qui m'a laissé entrevoir que mon père était un homme profondément triste, remâchant sans cesse sa condition d'exilé dans une petite île des Caraïbes. Le contraire de ce que j'avais cru jusque-là.
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J'étais devenue une adresse accomplie pour effacer les choses, refuser d'y penser. Cette effacement s'est transformé, peu à peu, en curiosité, puis en fascination.
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Mais je ne pense pas que les choses en réalité changent tellement. On s’imagine qu’elles changent, voilà tout. Moi, j’ai l’impression que les choses se répètent indéfiniment.
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Cet après-midi-là, Roseau rencontra Sylvius, alias le gigolo, dans le jardin de l’hôtel.
Elle avait décidé de le détester. Quelle excuse avait-il ? Aucune — absolument aucune.
Il était là, avec sa maîtresse de Cannes et sa maîtresse de Nice. Et Fifi sur le chevalet de torture. Fifi geignant et produisant un billet de mille quand le gigolo serrait la vis. Horrible gigolo !
Elle le regarda avec animosité, préparant avec soin une rosserie que la couleur de sa poudre. Mais cet après-midi-là il n’avait pas mis de poudre et elle dut reconnaître que l’animal était beau. Il n’avait rien de la bête blondasse — il était brun, svelte, beau comme un dieu latin. Et quelle langueur dans ses yeux, quelle douceur dans ses lèvres…
Horrible, horrible gigolo !
Il n’insista pas, mais apparemment surpris qu’elle le snôbat, il s’éloigna en murmurant poliment : « Alors, Madame… »

Une semaine plus tard, il disparut.
Fifi devint en dix jours de dix ans plus vieille et n'alla plus dans la chambre de Roseau pour lui conseiller de prendre du lait chaud au rhum au lieu de véronal. Mais elle affrontait tête haute un monde hostile et railleur.

« La Grosse Fifi » in La Rive gauche, 1927.
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'Is it true,' she said, 'that England is like a dream? Because one of my friends who married an Englishman wrote and told me so. She said this place London is like a cold dark dream sometimes. I want to wake up.'
'Well,' I answered annoyed, 'that is precisely how your beautiful island seems to me, quite unreal and like a dream.'
'But how can rivers and mountains and the sea be unreal?'
'And how can millions of people, their houses and their streets be unreal?'
'More easily,' she said, 'much more easily. Yes a big city must be like a dream.'
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J'habitais alors Torrington Square. Une pension où je devais être la seule Anglaise, ou soi-disant Anglaise, car l'atmosphère y était extrêmement chaleureuse.
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Je trouve insupportable ce système de ne pouvoir boire ce que je veux parce qu’il ne veut pas me laisser payer et qu’il n’a manifestement aucune envie de le faire lui-même. C’est trop épuisant.
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Elles sont follement riches, ces deux femmes, la mère et la fille. Elles sont toutes deux très riches et très tristes. Ni l’une ni l’autre n’est capable d’imaginer ce que c’est que d’être heureuse ou même gaie, ni la mère ni la fille.
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Tout prévoir d’avance. Manger. Un film. Manger de nouveau. Un seul verre. Une longue marche avant de rentrer à l’hôtel. Se coucher. Gardénal. Dormir. Juste dormir – pas de rêves.
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Ce qu’il faut c’est avoir un programme, ne rien laisser au hasard – pas de trous. Ne pas traîner à l’aventure, avec de mauvais disques de phono qui se mettent à tourner dans votre tête, pas de « Ici il s’est passé ceci, ici il s’est passé cela ». Par-dessus tout, ne pas pleurer en public, ne pas pleurer du tout, si j’y arrive.
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— Ne te mêle pas de ça, Phénicienne, dit Julian. Tu n’as rien à dire. Retire-toi sous la table, car c’est là que je t’aime le mieux.
Frankie rampa sous la table. De temps en temps elle sortait sa tête en faisant mine de lui mordre les jambes, et chaque fois il tremblait et poussait des cris.
— Oh, sors de là, dit-il enfin. Il fait trop chaud pour ces singeries.
Frankie émergea de sous la table, très contente d’elle, alla au miroir et arrangea le foulard roulé autour de ses cheveux.
— J’ai vraiment l’air d’une Phénicienne ?
— Bien entendu. Une Phénicienne de Cornouaille, Angleterre. De pure souche, je dirais.
— Et elle ? demanda Frankie.
Ses yeux avaient l’air tout autres, comme des yeux de serpent. Nous avions tous l’air tout autres ; c’est drôle ce que fait la boisson.

« À septembre, Petronella » in Les Tigres sont plus beaux à voir, 1963.
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— Avez-vous remarqué, dit-elle, qu’il y en a des masses par ici ? De dames édouardiennes, veux-je dire. On en rencontre des essaims à Nice, des bancs entiers à Monte-Carlo ! J’ai vu l’autre jour au Casino…
— Qui est le monsieur ? demanda Mark qui ne voulait pas se laisser détourner du sujet. Son fils ?
— Son fils ? dit Roseau. Grands dieux non ! C’est son gigolo.
— Son… Que dites-vous ?
— Son gigolo, expliqua froidement Roseau. Vous ne savez pas ce que c’est qu’un gigolo ? Cela existe à Londres, je vous assure. Elle l’entretient — il lui fait l’amour. Je sais très bien ce qu’il en est, parce que leur chambre est à côté de la mienne.
— Oh ! murmura Mark qui se mit à boire rapidement son apéritif.

« La Grosse Fifi » in La Rive gauche, 1927.
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— Je te dis, disait le gigolo, que je dois aller à Nice cet après-midi. C’est nécessaire. Je suis forcé.
Sa voix avait un ton d’excuse, mais têtu, avec une pointe de brutalité. Le mâle qui tire sur ses liens.
— Mais, mon chéri, implora Fifi, est-ce que je ne peux pas venir avec toi ? Nous irons au Négresco après.
Le gigolo garda un silence maussade. Manifestement, le Négresco avec Fifi ne lui disait rien.
Elle céda aussitôt.
— Marie ! appela-t-elle ; servez Monsieur immédiatement. Monsieur doit prendre le train d’une heure trente pour Nice… Tu reviendras pour dîner, mon Pierrot ? supplia-t-elle d’une voix enrouée.
— Je crois que oui, je verrai, répondit avec hauteur le gigolo, exploitant à fond sa victoire comme tous les bons généraux — et à ce moment la relation américaine de Roseau entra dans le restaurant.

« La Grosse Fifi » in La Rive gauche, 1927.
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Non, c'était comme une chambre sortie de ces longs romans romanesques de six cent cinquante pages en petits caractères, traduits du français ou de l'allemand ou du hongrois ou de je ne sais quoi — car il y a peu de romans anglais qui donnent exactement l'impression que je veux dire. Vous en lisez une page, ou même une phrase, et puis vous dévorez tout le reste, et ensuite vous marchez dans un rêve pendant des semaines et des mois – peut-être toute votre vie, qui sait ? — entourée de ces six cent cinquante pages, des maisons, des rues, de la neige, de la rivière, des roses, des filles, du soleil, des robes des dames et des voix des messieurs, des méchantes vieilles femmes au coeur dur et des vieilles femmes tristes, de la musique de valse, de tout. Ce qui n'y est pas, vous l'y mettez ensuite, car il est vivant, ce livre, et il grandit dans votre tête. "La maison où j'habitais quand j'ai lu ce livre", pensez-vous, ou encore "cette couleur me rappelle ce livre"
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