Citations de Jean de Rotrou (29)
Les martyrs, animés d'une sainte fureur,
En rougiront de honte et frémiront d'horreur ;
Contre toi dans le ciel, Christ arme sa justice ;
Les ministres d'enfer préparent ton supplice
Ce monde périssable et sa gloire frivole
Est une comédie où j'ignorais mon rôle
Rendu par cet aveu le premier des humains,
Que j'égare mes voeux sur les lis de ces mains
Qui m'ont si doucement la franchise ravie,
Qui sous de si beaux fers ont mon âme asservie.
Je méprise vos biens et leur fausse douceur,
Dont on est possédé plutôt que possesseur.
Ô raison égarée ! Ô raison suspendue,
Jamais trouble pareil t'avait il confondue ?
Sottes présomptions, grandeurs qui nous flattez
Est-il rien de menteur comme vos vanités ?
T'offrant à ma fureur, lâche objet de mes larmes,
Tu sais combien légers sont les coups de mes armes ;
Comme ils sont sans effet, tu les attends sans peur ;
Alphrède, et tu le sais, ne peut frapper au coeur.
Dieux ! vous avez un foudre, et cette félonie
Ne le peut allumer, et demeure impunie !
Vous conservez la vie et laissez la clarté
A qui vous veut ravir votre immortalité !
Est-ce là ce martyr, ce vainqueur des enfers,
Dont l'illustre courage et la force infinie
De ses persécuteurs bravaient la tyrannie ?
On peut voir l'avenir dans les choses passées.
Venceslas (1810)
Que faites-vous, ô mes lâches pensées,
Suivez-vous cette ingrate, êtes-vous insensée ?
Mais plutôt qu'as-tu fait, mon aveugle courroux
Adorable inhumaine, hélas ou fuyez-vous ?
Et bien, contre un objet, qui vous fait tant d'horreur,
Inhumaine, exercez toute votre fureur,
Armez-vous contre moi, de glaçons et de flammes,
Inventez des secrets, de tourmenter les âmes ;
Suscitez terre, et ciel, contre ma passion,
Intéressez l'État, dans votre aversion ;
Du trône, où je prétends, détournez, son suffrage,
Et pour me perdre enfin, mettez tout en usage ;
Avec tous vos efforts, et tout votre courroux,
Vous ne m'ôterez pas l'amour, l'amour que j'ai pour vous ;
Dans vos plus grands mépris, je vous serai fidèle ;
Je vous adorerai, furieuse ou cruelle ;
Et pour vous conserver, ma flamme, et mon amour,
Malgré mon désespoir, conserverai le jour.
Cède, cruel tyran, d'une amitié si forte,
Respect, qui me retient, à l'ardeur qui m'emporte,
Sachons si mon hymen, ou mon cercueil est prêt.
Impatient d'attendre, entendons mon arrêt ?
Parlez, belle ennemie, il est temps de résoudre ;
Si vous devez lancer ou retenir la foudre ;
Il s'agit de me perdre, ou de me secourir,
Qu'en avez-vous conclu, faut-il vivre, ou mourir ?
Quel des deux voulez-vous ou mon cour, ou ma cendre ?
Quel des deux aurai-je, ou la mort, ou Cassandre.
L'hymen à vos beaux jours, joindra-t-il mon destin,
Ou si votre refus, sera mon assassin ?
Beau ciel de mon soleil, maison si désirée,
Rue où ma liberté s'est si bien égarée,
Belle porte de Laure, où cet astre d'amour
T'ouvrant ou te fermant ôte ou donne le jour,
Fenêtre désormais à mes yeux défendue,
Pourquoi, chétif, pourquoi vous ai-je jamais vue ?
Ô ridicule amour ! coeur lâche, coeur infâme,
Qui ne peut t'échapper des liens d'une femme !
Hasardons tout, n'importe, au moins j'ai l'avantage
De ne pouvoir périr par un plus beau naufrage,
De ne pouvoir briser contre un plus bel écueil,
Ni dans plus belle mer rencontrer mon cercueil.
Je reconnais, Amour, ton pouvoir immortel,
Mon âme t'est un temple, et mon coeur un autel :
Mais n'en exige point ce honteux sacrifice ;
Fais plutôt que l'autel et le temple périsse.
Tu juges bien, hélas ! que conserver mes jours
C'est m'être plus cruel que d'en borner le cours ;
Tu sais que les remords sont d'assez fortes armes,
Que le sang des ingrats plaît bien moins que leurs larmes,
Que pour les bien punir on les punit pas,
Et qu'un long repentir leur est un long trépas.
Quel destin m'interdit et la mort et la vie ?
Que ne m'est la dernière ou permise ou ravie !
Au captif si longtemps incertain de son sort
Chaque instant de sa vie est pire que la mort.
Dieux ! qui résisterait à de si beaux discours ?
Cet arbre et ce rocher sont amoureux ou sourds,
Et je crois qu'à t'ouïr ces fleurs et ces fontaines
Ont quelque souvenir de leurs premières peines.
Noires divinités, filles impitoyables,
Des vengeances du Ciel, ministres effroyables,
Cruelles, redoublez, ou cessez votre effort,
Pour me laisser la vie, ou me donner la mort.
Ce corps, n'a plus d'endroit, exempt de vos blessures,
Vos couleuvres n'ont plus, où marquer leurs morsures ;
Et de tant de chemins, que vous m'avez ouverts,
Je n'en trouve pas un, qui me mène aux Enfers ;
Ce n'est qu'en m'épargnant, que la mort m'est cruelle,
Je ne puis arriver, où mon Père m'appelle,
Achevez de me perdre, et dedans son tombeau,
Enfermez avec lui, son fils, et son bourreau.