Citations de Jean de la Croix (122)
Appuyé sans aucun appui,
Sans lumière, en profonde nuit,
Je vais me consumant sans cesse.
Je sens mon âme dégagée
De toutes les choses créées.
Plus haut qu'elle-même élevée,
Menant la vie la plus heureuse,
Sur Dieu seulement appuyée.
Je vis sans vivre en moi,
et de telle sorte espère,
que je meurs car point ne meurs.
[…] Alors Dieu est l’agent principal, et communique à l’âme, par infusion surnaturelle, la connaissance et l’amour de lui-même dans un éminent degré. L’âme reçoit tous ces biens spirituels, sans produire de son fonds d’autres actes que son consentement. Elle ne doit plus ni prendre des sujets d’oraison, ni méditer ; car elle ne peut plus faire ni l’un ni l’autre. Bien loin du goût et de la dévotion sensible, elle doit les rejeter ; car si elle s’efforçait de se les procurer par ses actes et par son application violente, elle tomberait dans la sécheresse et dans l’inquiétude, et elle se priverait des biens spirituels que Dieu verse secrètement en son esprit, avec une paix et un repos très agréables. Il n’est donc pas à propos, en ce temps-là, de l’obliger à se servir de considérations, de raisonnements, d’actes formels, ou à chercher avec empressement les goûts et les consolations sensibles.
(Troisième Cantique - Extraits des paragraphes 5 et 6)
Tout d’abord, l’âme sort de toutes les créatures par le mépris et l’horreur qu’elle en conçoit. En second lieu, elle sort d’elle-même en s’oubliant d’une façon complète ; elle a une sainte horreur d’elle-même par amour pour Dieu. De son côté, Dieu l’élève à tel point qu’il la fait sortir d’elle-même et de tous ses modes naturels d’agir et crier vers lui.
O fontaine cristalline,
Si sur vos surfaces argentées
Vous faisiez apparaître tout à coup
Les yeux tant désirés
Que je porte dessinés dans mon cœur !
Dieu peut très bien infuser son amour et l’augmenter sans infuser ni augmenter les connaissances spéciales de l’entendement […]. C’est là, du reste, ce que l’expérience a montré à beaucoup de personnes spirituelles. […] Ainsi donc la volonté peut s’abreuver d’amour sans que l’entendement s’abreuve de lumières nouvelles.
Mon Bien-Aimé est comme les montagnes,
Comme les vallées solitaires et boisées,
Comme les îles étrangères,
Comme les fleuves aux eaux bruyantes,
Comme le murmure des zéphyrs pleins d’amour ;
Comme la nuit tranquille
Lorsque commence le lever de l’aurore,
Comme la musique silencieuse,
Comme la solitude harmonieuse,
Comme le festin qui charme et remplit d’amour.
C’est en répandant mille grâces
Qu’il est passé à la hâte par ces bocages.
En les regardant
Et de sa figure seule
Il les a laissés revêtus de beauté.
[Strophe V]
Où t’es-tu caché, amour ? tu m’as laissée seule avec mes gémissements.
Comme le cerf tu as fui après m’avoir blessée.
Derrière toi, en t’appelant, je suis sortie. Tu étais parti.
Bergers, qui allez là-haut, sur les estives, dans la montagne,
Si d’aventure vous voyez celui que j’aime par-dessus tout,
Dites-lui que je brûle, que je souffre et que je meurs.
Cherchant mon amour, j’irai par les montagnes et le long des rivières,
Je ne cueillerai pas les fleurs, je ne craindrai pas les bêtes,
Et je passerai les forts et les frontières.
Dans la solitude elle vivait,
Dans la solitude elle a placé son nid,
Dans la solitude la conduisait
Seul son Bien-Aimé
Blessé lui-même d’amour dans la solitude.
Demandez en lisant et vous obtiendrez en contemplant
L’amour qui est discret ne se préoccupe pas de demander ce qui lui manque ou ce qu’il désire, il expose simplement sa nécessité et laisse au Bien-Aimé le soin de faire ce qu’il voudra. Telle a été l’attitude de la Bienheureuse Vierge Marie aux noces de Cana. Elle ne demande pas directement du vin à son Bien-Aimé Fils. Elle se contenta de dire : « Ils n’ont plus de vin ».
Trahissons mais trahissons le moins possible!
Où donc t'es-tu caché
Aimé et toute gémissante m'a laissée.
Comme le cerf tu as fui
Après m'avoir blessée;
J'ai crié après toi... et tu étais parti.
Pâtres, vous qui allez
Par les pâturages, au sommet du côteau
Si d'aventure voyez
Celui que plus j'adore
dîtes-lui que je souffre, que j'ai mal, que je meurs.
(J'ai essayé de respecter le rythme et d'adapter la métrique de la lira en 3/6 et 2/12)
Pour être parfait, l’amour doit avoir deux propriétés : consumer et transformer l’âme en Dieu, et cette opération doit s’accomplir sans souffrance.
La moindre parcelle de pur amour est plus précieuse aux yeux de Dieu, elle est plus profitable à l’Église, dans une apparente inaction, que toutes les autres œuvres ensemble.
Je crois qu’il en sera de même au ciel de cette science que nous aurons acquise ici-bas : elle importera bien peu aux bienheureux dès lors qu’ils possèderont une science de beaucoup supérieure dans la Sagesse divine.
Dans le cellier intérieur
De mon Bien-Aimé j’ai bu ; et quand j’en sortis,
Dans toute cette plaine
Je ne connaissais plus rien,
Et je perdis le troupeau que je suivais précédemment.
Détournez-les, vos yeux, mon Bien-Aimé,
Voici que je prends mon vol.
L’EPOUX
Reviens, ma colombe,
Car le cerf blessé
Apparaît sur le sommet de la colline,
Attiré par l’air de ton vol, qui le rafraîchit.
Pourquoi donc avez-vous blessé
Ce cœur, et ne l’avez-vous pas guéri ?
Puisque vous me l’avez ravi,
Pourquoi le laissez-vous ainsi ?
Et n’emportez-vous pas le larcin que vous avez commis ?
A l'ombre d'une obscure Nuit,
D'angoisseux amor embrasée,
O l'heureux sort qui me conduit,
Je sortis sans être avisée,
Le calme tenant à propos,
Ma maison en un doux repos.