Citations de Jeanne Hersch (24)
Plus une civilisation est évoluée, plus la langue et les langages spécialisés y prennent de l'importance. Dans notre société occidentale, l'"homme cultivé" vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu'il prend l'expression par le langage pour la vie même.
Dans ces temps anciens, la profession de " philosophe " n'existait pas. Les philosophes étaient en même temps des savants, des mathématiciens, des géomètres, des astronomes. Ils s'intéressaient aux éclipses du soleil et de la lune, aux nombres et aux calculs, aux figures de la géométrie et à leurs propriétés. Ainsi l'école philosophique la plus ancienne, la célèbre Ecole de Milet, en Asie Mineure, a été fondée par Thalès, l'inventeur du théorème faisant du cercle le lieu géométrique des angles droits construits sur un segment de droite.
Il s'agit donc de puissants esprits qui étaient, par rapport au savoir de leur temps, des esprits universels. Ce qui suscita avant tout leur étonnement, ce fut le spectacle du changement.
L'ÉCOLE DE MILET : THALÈS
( Env 600 av JC )
Dostoïevski a développé en nous une sensibilité selon laquelle la vulnérabilité est valorisée - elle appartient désormais à l'essence de l'homme comme si sans elle on n'était pas tout à fait un être humain. Nous ne pouvons plus renier cet héritage.
Je tiens à mettre en garde le lecteur : on ne comprend un philosophe - comme je l'ai déjà indiqué - que lorsqu'on a réussi à "penser avec lui".
Penser philosophiquement, c'est penser avec sa liberté. [...]
On a beau nier l'existence de la liberté, elle est toujours là, jusque dans la parole qui la nie. Celui qui la nie la nie librement - ou alors sa parole n'est qu'un bruit vide de sens. Si l'on réussissait vraiment à éliminer la liberté de l'esprit, on n'aurait même plus le pouvoir de nier.
N'importe quel tyran est capable de faire chanter à ses esclaves des hymnes à la liberté.
Les discussions presque contemporaines au sujet de l'atome montrent que sa nature reste problématique. Heisenberg demandait : "L'atome, qu'est-ce au juste ?" et Niels Bohr lui répondait : "Peut-être le comprendrons-nous un jour. Mais alors nous commencerons à comprendre ce que comprendre veut dire".
Les philosophes ne cherchent pas à prendre eux-mêmes le pouvoir, mais ils furent nombreux à se préoccuper passionnément des problèmes de l'Etat et à vouloir exercer une influence politique.
L'amour à son plus haut niveau , celui des Idées et du souverain Bien , ennoblit et transfigure tous les autres niveaux de l'amour .
L'Eros de Platon a un double caractère : l'un est possession , l'autre don de soi . Loin de les opposer l'un à l'autre , d'appeler l'un bon et l'autre mauvais , Platon en fait une seule vérité .
Obéir au devoir, chez Kant, ce n'est donc pas une contrainte qui s'exerce sur la liberté - au contraire : c'est la liberté elle-même. La liberté, c'est cette faculté d'autonomie que nous possédons et qui nous empêche d'être le jouet de nos sentiments et de nos affections, et qui nous permet au contraire, grâce à la bonne volonté. de nous imposer à nous-mêmes le respect du devoir.
Ici encore la pensée de Kant s'oppose fortement aux attitudes courantes chez nos contemporains, aux yeux desquels tout ce qui s'appelle devoir passe pour. une contrainte ou même une manipulation, alors que nos humeurs, nos sentiments spontanés représentent notre vraie liberté. Pour Kant, c'est évidemment le contraire. Humeurs, sensations, sentiments sont des phénomènes, et, par conséquent, soumis, comme tout ce qui appartient au monde phénoménal, à la loi de la causalité. Céder à ses humeurs, à ses impulsions, c'est donc se soumettre à la loi qui règne dans le monde phénoménal, qui est le contraire de la liberté. Quiconque veut être libre ne le peut que par sa propre volonté, c'est-àdire par la faculté qui lui permet de s'imposer à lui-même la loi du devoir, pour lui obéir. Tel est le sens de l'autonomie.
L'étonnement est essentiel à la condition d'homme. Il ne suffit pas d'être le contemporain de grands hommes de science pour échapper déjà à l'ignoorance.
Nous savons intérieurement ce que c'est de se mouvoir, mais quand nous pensons le mouvement, quand nous le mesurons, nous nous référons à des repères immobiles.
Zénon d'Élée nous montre que, tout bien considéré, nous ne pensons pas le mouvement. Certes, nous voyons voler la flèche, mais nous ne pouvons pas penser son mouvement parce que notre esprit est fait pour l'immuable, l'identique, l'éternel. Et pourtant, nous voici vivant et peinant dans ce monde où tout est éphémère et changeant.
p. 24
On se plaint souvent aujourd’hui de ce que l’intelligence des enfants soit développée aux dépends de leur imagination. Mais c’est méconnaître une vérité fondamentale : l’intérêt elle-même doit être imaginative sinon elle n’est pas intelligence .
Platon veut nous montrer que notre pensée (que nous l'admettions ou non) implique un niveau qui ne provient pas de l'expérience, mais dont dépend notre relation à l'expérience.
Grâce à ce niveau des Idées, l'absolu se trouve mis en jeu chaque fois qu'en nous référant à lui nous saisissons la relativité des choses du monde sensible. Ce niveau de l'absolu s'affirme dans la vérité, alors que le relatif appartient au domaine du mélange, de l'approximation.
p. 40
Dans l'antiquité, au Moyen-âge, à l'époque moderne, il y eut chaque fois un philosophe pour tenter d'unifier en un système tout le savoir de son temps : Aristote, Thomas d'Aquin, Hegel. Leurs œuvres constituent les trois plus grands systèmes de la pensée européenne.
Au niveau des choses sensibles, nous ne pouvons, selon Platon, avoir que des opinions, plus ou moins probables, puisque la réalité empirique elle-même appartient au domaine de l'approximation. La connaissance vraie n'existe qu'au niveau des idées. L'homme se tient dans l'entre-deux, entre le monde sensible et les Idées.
p. 41
L’étonnement est cette capacité qu’il y a à s’interroger sur une évidence aveuglante, c’est-à-dire qui nous empêche de voir et de comprendre le monde le plus immédiat. La première des évidences est qu’il y a de l’être, qu’il existe matière et monde
La communication existentielle est aussi éloignée de la transmission empirique ou rationnelle que d'une volonté de puissance qui pousse un sujet à s'en soumettre un autre. Alors que la conscience en général s'occupe de réalités objectives, l'existence ne connaît que des convictions. Elle vit pour elles, parfois elle meurt pour elles. Si ces convictions pouvaient s'imposer à travers une rationalité contraignante, elles perdraient leur vérité existentielle, car elles n'ont sens et vérité que pour l'existence dans sa liberté, ce qui exclut toute contrainte physique ou logique.
´ je sais ce que je ne sais rien ´ - cette célèbre parole de Socrate à la Pythie , à la suite de quoi elle déclara qu'il était l'homme le plus sage d'Athènes - ne reflète aucune modestie excessive . Elle signifie : j'ai aiguisé mon sens du vrai à tel point que mon exigence de vérité ne se contente plus des apparences de vrai que je tiens parfois pour valables . Ce que je possède , c'est l'exigence d'une vérité plus haute , non la vérité elle - même .
La premiere question posée par l'école de Milet fut donc : " Quelle est la substance qui persiste à travers le changement?"