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Citations de Jennifer Murzeau (26)


C’est désarmant, la sincérité.
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Ce qu'elle regrettait, comprit-elle, c'était ce moment auquel on n'accorde jamais assez d'importance, où tout est encore possible, où, même si l'on souffre, tous les espoirs sont permis puisque la vie n'a pas vraiment commencé, et qu'on a le droit de se tromper.
A 29 ans révolus, il devenait cependant risqué de se tromper. Et Angelina savait qu'elle se trompait et que ce qu'elle regrettait, c'était de ne plus grandir mais vieillir.
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Angelina était le genre de personnes, fort rares au demeurant, capables d'endurer une douche pestilentielle afin d'être agréable à un interlocuteur dont elle n'avait strictement rien à faire. Voilà quel était le drame de cette jeune fille petite, grassouillette et sans éclat: elle était gentille.
Et le monde pas.
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Quand trois minutes plus tard, le métro arriva, un frisson vengeur parcourut la foule. L’ambiance était électrique. Angelina, délibérément molle comme une algue, tâchait d’encaisser les pressions qui commençaient à s’exercer partout sur son corps. Des femmes se plaignaient, et des « Mais poussez pas comme ça ! » fusaient tous azimuts. Alors que les portes de la bête s’ouvrirent comme autant de bouches avides, le plancton constitué de travailleurs à la grise mine s’engouffra avec l’énergie du désespoir, en évinçant les éléments les plus faibles.
Angelina en faisait partie et resta sur le quai, en compagnie de plusieurs centaines de personnes. Le ton monta entre deux femmes au comble de l’excitation qui finirent, à l’issue d’un bref mais foudroyant échange de bégaiements scandalisés, par s’attribuer des noms d’oiseaux un peu olé olé, qu’un homme flegmatique qui se trouvait là condamna fermement. Les deux femmes se lancèrent alors dans une justification piteuse et inaudible qui mourut de sa belle mort. Angelina jeta un regard désabusé sur ce conglomérat d’humains qui retenaient leur souffle le temps que les portes se ferment.
Les deux femmes furent obligées de se tenir côte à côte. L’une regardait droit devant elle, les lèvres pincées, les narines dilatées, l’autre continuait de s’indigner dans sa moustache. Angelina distinguait quelques têtes tendues qui semblaient tâcher d’attraper un peu d’oxygène au-dessus des épaules pelliculeuses des grands messieurs. Les portes se fermèrent enfin, emportant ce troupeau dépressif, vers de nouvelles aventures, de nouvelles stations.
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Il ne détenait pas l’ombre d’un plan ou d’une envie pour la suite, mais trouvait formidable cette faculté soudaine qu’il avait, fortement aidé par l’alcool, d’apprécier l’instant, la douceur du vent, la quiétude de ses sens, la gratuité de cette nuit absurde qu’il prenait le temps de vivre, sans objectif, sans projection. Il avait relâché ses muscles, laissé sa nuque reposer mollement sur l’appui tête et, le crâne abandonné, contemplait la nuit parisienne.
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Ménard ne dit plus rien, il n’a plus rien à dire. Il n’est pas particulièrement embarrassé par la situation. Il attend une réaction de la part d’Antoine, qui ne vient pas.
Car Antoine concentre toutes ses forces pour simuler la robustesse. Il veut garder sa posture, exactement, interdire à ses membres de s’affaisser, à ses yeux de se baisser, à ses mains de se joindre, à ses jambes de se croiser pour se protéger de la castration. Il tient à rester immobile. Il met tellement d’énergie dans cette entreprise qu’il en oublie tout le reste. Il ne lui vient pas à l’idée de parler. Sa bouche est sèche de surcroît, il l’a gardée légèrement entrouverte, il ne déglutit plus. Il ne cille plus.
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C’est si rare, la bonté.
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La nature, en nous éloignant des vanités de la civilisation, en nous arrachant aux automatismes de la ville, aux petites histoires qu'on s'y invente, à la vitesse, nous offre l'occasion de nous déprendre de nos conditionnements, de reconquérir un libre arbitre malmené, d'oublier un peu son nombril pour considérer quelque chose de bien plus grand que soi-même, quelque chose qui nous dépasse. La société contemporaine dicte nos désirs, exalte la compétition, produit l'insatisfaction, valorise l'agitation et condamne la contemplation. Elle fait de nous des êtres engoncés, impose des existences étriquées (...). La nature explose ces cadres, atomise ces diktats, nous rend la liberté et le temps perdu. Je crois que la nature rend moins con.
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Les gens paradaient autour d'elle, brassaient de l'air, jouaient les occupés, se lançaient dans les couloirs des : « Ouais, je sais, je reviens vers toi, je suis complètement charrette, là ». Très tôt, Angelina avait remarqué que le fait d'être charrette était très valorisé dans l'entreprise, que les gens s'en gargarisaient, qu'ils le disaient toujours sur le ton de la plainte, mais parvenaient mal à cacher une satisfaction certaine, une sorte de plaisir narcissique à être occupés, pris dans quelque chose, dans un élan dont ils étaient le jouet, mais qu'importe. Ça, ils étaient trop charrette pour le remarquer, et à plus forte raison pour s'en inquiéter. Il n'avait pourtant pas échappé à Angelina que ces charrettes n'étaient ni plus ni moins que le paroxysme de l'aliénation à l'œuvre dans le secteur tertiaire.
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L’ivresse appelle toujours chez moi la démesure. J’ai envie qu’on gobe tous les deux, qu’on s’envole ensemble », qu’on revienne pas, peut-être. Je me demande si j’ai pas un peu envie de mourir avec cette fille que je connais depuis deux minutes. Je le lui dis. Narquoise, elle me répond que ça la touche.
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Puisque la réalité lui allait si mal, pourquoi refusait-elle d'ouvrir avec lui la porte des paradis artificiels ?
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On a gâché nos crises. On les a absorbées, les unes après les autres, sans rien changer, sans rien apprendre. Leur accélération va nous enterrer.
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La mort est l’incontournable tabou de nos sociétés. La rendre invisible, c𠆞st effacer un peu de sa réalité. »
« Nous avons intériorisé l’irresponsabilité. Parce que c𠆞st confortable, parce que ça fait marcher l’industrie et rentrer les profits. »
« Faire rien est une activité que j𠆚i appris à prendre très au sérieux
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Vendre l𠆚pocalypse demande moins d�orts que penser la renaissance.
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Je progresse. J'aiguise mes sens. Je touche, je manipule, J'écoute, je vois, bien sûr.
A Paris, mes sens sont peu mobilisés. Ils sont agressés. Je ne les aiguise pas là bas, j'ai tendance à les subir.
Pour rien au monde, bien entendu, je ne souhaiterais être privée de l'un de mes sens. Il n'empêche qu'ils sont les vecteurs d'agressions, d'intrusions.
Je subis l'odorat. Car à Paris on subit les émanations incessantes des pots d'échappement, les relents des poubelles, l'hystérie des enseignes de parfums, les fragrances toxiques des détergents, les haleines chargées des wagons bondés.
On avance dans ce patchwork peu engageant.
L’ouïe n'est pas mieux traitée. La cacophonie de la vie parisienne est proprement intolérable pour une paire d'oreilles venues d'un village tranquille. Vrombissement de moteurs, point-mort, première, point-mort, première, accélération vengeresse, klaxons, cris excédés, sirène de pompier, sirène de police, efforts poussifs des camions poubelles, chute assourdissante du verre dans la benne, rumeurs d'escalators... Le silence est si rare...
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« Bulle et Ernest toisent souvent ces panoramas obscènes, la rétine irritée par mille couleurs criardes qui leur vendent des vacances sous cloches, des pilules de bonheur, des élixirs de calme, des cheveux en silicone, des parcs d’attraction sous acide, des tremplins pour une gloire aussi sordide qu’éphémère, des purificateurs d’air, d’eau, des assurances, des vêtements pour ainsi dire jetables, un bonheur en plastique, des hommes et des femmes ultra souriants qui rappellent que tout cela est un cirque qui ne convainc plus grand monde. »
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Elle s'était vue annonçant à ses copines, à son frère, à ses parents, à sa boss même, elle s'était entendue, frissonnante, prononcer les mots "j'attends un enfant", elle avait joui à l'avance de cette nouvelle inscription sociale, "être parent", dire "mon fils", ça claque "mon fils". Bah ton fils, il est au fond de la cuvette des chiottes ma grande, se dit-elle.
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Nous voguons. Doucement nous voguons. J'enfonce bien ma pagaie, je tire fort mais nous voguons doucement. Nous prenons à droite, à gauche, la rivière est une déesse à mille bras. Certains sont étroits, on y distingue à peine le ciel, immergés qu'ils sont dans un tunnel de vert, dans un écrin végétal. Des ragondins plongent, disparaissent, d'interminables racines affleurent et sculptent les rives, j'évolue dans un tableau.
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« On clique, on se repait de l’horreur, on se paye des frissons qui laissent sans voix et sans volonté, qui n’autorisent que l’émotion ou l’effroi. Pas d’analyse, jamais. Mais des flashs, des alertes, des urgences, tout un tas d’injonctions qui obligent l’attention et détournent la réflexion.

Vendre l’apocalypse, plutôt que penser la renaissance. »
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Je ne sais plus qui je suis, je n'en ai plus aucune idée, je ne sais pas si je l'ai jamais su, je suis le produit d'une société, une consommatrice, une personne survoltée, jamais posée, une personne qui like et qui attend le like, qui scrolle, qui clique, qui touche, qui suce. Exsangue. Je voudrais me poser. J'ai peur de le faire. Peur du vide, peur du rien. Je voulais vivre plus fort pour mourir moins.
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