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Citations de Jules Renard (989)


Histoires Naturelles

LES PIGEONS

Qu’ils fassent sur la maison un bruit de tambour voilé ; Qu’ils sortent de l’ombre, culbutent, éclatent au soleil et rentrent dans l’ombre ; Que leur col fugitif vive et meure comme l’opale au doigt ; Qu’ils s’endorment, le soir, dans la forêt, si pressés que la plus haute branche du chêne menace de rompre sous cette charge de fruits peints ; Que ces deux-là échangent des saluts frénétiques et brusquement, l’un à l’autre, se convulsent ; Que celui-ci revienne d’exil, avec une lettre, et vole comme la pensée de notre amie lointaine (Ah ! un gage !) ; Tous ces pigeons ; qui d’abord amusent, finissent par ennuyer.

Ils ne sauraient tenir en place et les voyages ne les forment point.

Ils restent toute la vie un peu niais. Ils s’obstinent à croire qu’on fait les enfants par le bec.

Et c’est insupportable à la longue, cette manie héréditaire d’avoir toujours dans la gorge quelque chose qui ne passe pas.

LES DEUX PIGEONS. – Viens, mon grrros… viens, mon grrros…
viens, mon grrros…
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Histoires Naturelles

L’OIE

Tiennette voudrait aller à Paris, comme les autres filles du village. Mais est-elle seulement capable de garder ses oies ?

À vrai dire, elle les suit plutôt qu’elle ne les mène.

Elle tricote, machinale, derrière leur troupe, et elle s’en rapporte à l’oie de Toulouse qui a la raison d’une grande personne.

L’oie de Toulouse connaît le chemin, les bonnes herbes, et l’heure où il faut rentrer.

Si brave que le jars l’est moins, elle protège ses sœurs contre le mauvais chien. Son col vibre et serpente à ras de terre, puis se redresse, et elle domine Tiennette effarée. Dès que tout va bien, elle triomphe et chante du nez qu’elle sait grâce à qui l’ordre règne.

Elle ne doute pas qu’elle ferait mieux encore.

Et, un soir, elle quitte le pays. Elle s’éloigne sur la route, bec au vent, plumes collées. Des femmes, qu’elle croise, n’osent l’arrêter. Elle marche vite à faire peur.
Et pendant que Tiennette, restée là-bas, finit de s’abêtir, et, toute pareille aux oies, ne s’en distingue plus, l’oie de Toulouse vient à Paris.
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Histoires Naturelles
LA PINTADE
C’est la bossue de ma cour. Elle ne rêve que plaies à cause de sa bosse.

Les poules ne lui disent rien : brusquement, elle se précipite et les harcèle.

Puis elle baisse sa tête, penche le corps, et, de toute la vitesse de ses pattes maigres, elle court frapper, de son bec dur, juste au centre de la roue d’une dinde.

Cette poseuse l’agaçait.

Ainsi, la tête bleuie, ses barbillons à vif, cocardière, elle rage du matin au soir. Elle se bat sans motif, peut être parce qu’elle s’imagine toujours qu’on se moque de sa taille, de son crâne chauve et de sa queue basse.

Et elle ne cesse de jeter un cri discordant qui perce l’air comme une pointe.

Parfois elle quitte la cour et disparaît. Elle laisse aux volailles pacifiques un moment de répit. Mais elle revient plus turbulente et plus criarde. Et, frénétique, elle se vautre par terre.
Qu’a-t-elle donc ?

La sournoise fait une farce.

Elle est allée pondre son œuf à la campagne.

Je peux le chercher si ça m’amuse.

Elle se roule dans la poussière, comme une bossue.
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Histoires Naturelles
II
Sur la route, voici encore le pensionnat des dindes.

Chaque jour, quelque temps qu’il fasse, elles se promènent.

Elles ne craignent ni la pluie, personne ne se retrousse mieux qu’une dinde, ni le soleil, une dinde ne sort jamais sans son ombrelle.
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Histoires Naturelles
I
Elle se pavane au milieu de la cour, comme si elle vivait sous l’Ancien Régime.

Les autres volailles ne font que manger toujours, n’importe quoi. Elle, entre ses repas réguliers, ne se préoccupe que d’avoir bel air. Toutes ses plumes sont empesées et les pointes de ses ailes raient le sol, comme pour tracer la route qu’elle suit : c’est là qu’elle s’avance et non ailleurs.

Elle se rengorge tant qu’elle ne voit jamais ses pattes.

Elle ne doute de personne, et, dès que je m’approche, elle s’imagine que je veux lui rendre mes hommages.

Déjà elle glougloute d’orgueil.

— Noble dinde, lui dis-je, si vous étiez une oie, j’écrirais votre éloge, comme le fit Buffon, avec une de vos plumes. Mais vous n’êtes qu’une dinde…

J’ai dû la vexer, car le sang monte à sa tête. Des grappes de colère lui pendent au bec. Elle a une crise de rouge. Elle fait claquer d’un coup sec l’éventail de sa queue et cette vieille chipie me tourne le dos.
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Histoires Naturelles

DINDES
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Histoires Naturelles
II
Devant la porte fermée, ils dorment tous deux, joints et posés à plat, comme la paire de sabots d’une voisine chez un malade.
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Histoires Naturelles
I
C’est la cane qui va la première, boitant des deux pattes, barboter au trou qu’elle connaît.

Le canard la suit. Les pointes de ses ailes croisées sur le dos, il boite aussi des deux pattes.

Et cane et canard marchent taciturnes comme à un rendez-vous d’affaires.

La cane d’abord se laisse glisser dans l’eau boueuse où flottent des plumes, des fientes, une feuille de vigne, et de la paille. Elle a presque disparu.

Elle attend. Elle est prête.

Et le canard entre à son tour. Il noie ses riches couleurs. On ne voit que sa tête verte et l’accroche-cœur du derrière. Tous deux se trouvent bien là. L’eau chauffe. Jamais on ne la vide et elle ne se renouvelle que les jours d’orage.

Le canard, de son bec aplati, mordille et serre la nuque de la cane. Uninstant il s’agite et l’eau est si épaisse qu’elle en frissonne à peine. Et vite calmée, plate, elle réfléchit, en noir, un coin de ciel pur.

La cane et le canard ne bougent plus. Le soleil les cuit et les endort. On passerait près d’eux sans les remarquer. Ils ne se dénoncent que par les rares bulles d’air qui viennent crever sur l’eau croupie.
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Histoires Naturelles
II
Chaque matin, au saut du perchoir, le coq regarde si l’autre est toujours là, – et l’autre y est toujours.

Le coq peut se vanter d’avoir battu tous ses rivaux de la terre, – mais l’autre, c’est le rival invincible, hors d’atteinte.

Le coq jette cris sur cris : il appelle, il provoque, il menace, – mais l’autre ne répond qu’à ses heures, et d’abord il ne répond pas.

Le coq fait le beau, gonfle ses plumes, qui ne sont pas mal, celles-ci bleues, et celles-là argentées, – mais l’autre, en plein azur, est éblouissant d’or.

Le coq rassemble ses poules, et marche à leur tête.

Voyez : elles sont à lui ; toutes l’aiment et toutes le craignent, – mais l’autre est adoré des hirondelles.

Le coq se prodigue. Il pose, ça et là, ses virgules d’amour, et triomphe, d’un ton aigu, de petits riens ; mais justement l’autre se marie et carillonne à toute volée ses noces de village.
Le coq jaloux monte sur ses ergots pour un combat suprême ; sa queue a l’air d’un pan de manteau que relève une épée. Il défie, le sang à la crête, tous les coqs du ciel, – mais l’autre, qui n’a pas peur de faire face aux vents d’orage, joue en ce moment avec la brise et tourne le dos.

Et le coq s’exaspère jusqu’à la fin du jour.

Ses poules rentrent, une à une. Il reste seul, enroué, vanné, dans la cour déjà sombre, – mais l’autre éclate encore aux derniers feux du soleil, et chante, de sa voix pure, le pacifique angélus du soir.
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Histoires Naturelles

COQS
I
Il n’a jamais chanté. Il n’a pas couché une nuit dans un poulailler, connu une seule poule.

Il est en bois, avec une patte en fer au milieu du ventre, et il vit, depuis des années et des années, sur une vieille église comme on n’ose plus en bâtir. Elle ressemble à une grange et le faîte de ses tuiles s’aligne aussi droit que le dos d’un bœuf.

Or, voici que des maçons paraissent à l’autre bout de l’église.

Le coq de bois les regarde, quand un brusque coup de vent le force à tourner le dos.

Et, chaque fois qu’il se retourne, de nouvelles pierres lui bouchent un peu plus de son horizon.

Bientôt, d’une saccade, levant la tête, il aperçoit, à la pointe du clocher qu’on vient de finir, un jeune coq qui n’était pas là ce matin. Cet étranger porte haut sa queue, ouvre le bec comme ceux qui chantent, et l’aile sur la hanche, tout battant neuf, il éclate en plein soleil.
D’abord les deux coqs luttent de mobilité. Mais le vieux coq de bois s’épuise vite et se rend. Sous son unique pied, la poutre menace ruine. Il penche, raidi, près de tomber. Il grince et s’arrête.

Et voilà les charpentiers.

Ils abattent ce coin vermoulu de l’église, descendent le coq et le promènent par le village. Chacun peut le toucher, moyennant cadeau.

Ceux-ci donnent un œuf, ceux-là un sou, et Mme Loriot une pièce d’argent.

Les charpentiers boivent de bons coups, et, après s’être disputé le coq, ils décident de le brûler.

Lui ayant fait un nid de paille et de fagot, ils mettent le feu.

Le coq de bois pétille clair et sa flamme monte au ciel qu’il a bien gagné.
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Histoires Naturelles

LA POULE

Pattes jointes, elle saute du poulailler, dès qu’on lui ouvre la porte.

C’est une poule commune, modestement parée et qui ne pond jamais d’œufs d’or.

Éblouie de lumière, elle fait quelques pas, indécise, dans la cour.

Elle voit d’abord le tas de cendres où, chaque matin, elle a coutume de s’ébattre.

Elle s’y roule, s’y trempe, et, d’une vive agitation d’ailes, les plumes gonflées, elle secoue ses puces de la nuit.

Puis elle va boire au plat creux que la dernière averse a rempli.

Elle ne boit que de l’eau.

Elle boit par petits coups et dresse le col, en équilibre sur le bord du plat.

Ensuite elle cherche sa nourriture éparse.

Les fines herbes sont à elle, et les insectes et les graines perdues.

Elle pique, elle pique, infatigable.
De temps en temps, elle s’arrête.

Droite sous son bonnet phrygien, l’œil vif, le jabot avantageux, elle écoute de l’une et de l’autre oreille.

Et, sûre qu’il n’y a rien de neuf, elle se remet en quête.

Elle lève haut ses pattes raides, comme ceux qui ont la goutte. Elle écarte les doigts et les pose avec précaution, sans bruit.

On dirait qu’elle marche pieds nus.
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Histoires Naturelles

LE CHASSEUR D’IMAGES

II saute du lit de bon matin, et ne part que si son esprit est net, son cœur pur, son corps léger comme un vêtement d’été. Il n’emporte point de provisions. Il boira l’air frais en route et reniflera les odeurs salubres.

Il laisse ses armes à la maison et se contente d’ouvrir les yeux. Les yeux servent de filets où les images s’emprisonnent d’elles-mêmes.

La première qu’il fait captive est celle du chemin qui montre ses os, cailloux polis, et ses ornières, veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.

Il prend ensuite l’image de la rivière. Elle blanchit aux coudes et dort sous la caresse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d’argent, et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.

Il lève l’image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d’une alouette ou d’un chardonneret.

Puis il entre au bois. Il ne se savait pas doué de sens si délicats. Vite imprégné de parfums, il ne perd aucune sourde rumeur, et, pour qu’il communique avec les arbres, ses nerfs se lient aux nervures des feuilles.

Bientôt, vibrant jusqu’au malaise, il perçoit trop, il fermente, il a peur, quitte le bois et suit de loin les paysans mouleurs regagnant le village.

Dehors, il fixe un moment, au point que son œil éclate, le soleil qui se couche et dévêt sur l’horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle.

Enfin, rentré chez lui, la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s’endormir, il se plaît à compter ses images.

Dociles, elles renaissent au gré du souvenir. Chacune d’elles en éveille une autre, et sans cesse leur troupe phosphorescente s’accroît de nouvelles venues, comme des perdrix poursuivies et divisées tout le jour chantent le soir, à l’abri du danger, et se rappellent aux creux des sillons.
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LE CHASSEUR D’IMAGES

II saute du lit de bon matin, et ne part que si son esprit est net, son cœur pur, son corps léger comme un vêtement d’été. Il n’emporte point de provisions. Il boira l’air frais en route et reniflera les odeurs salubres.

Il laisse ses armes à la maison et se contente d’ouvrir les yeux. Les yeux servent de filets où les images s’emprisonnent d’elles-mêmes.

La première qu’il fait captive est celle du chemin qui montre ses os, cailloux polis, et ses ornières, veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.

Il prend ensuite l’image de la rivière. Elle blanchit aux coudes et dort sous la caresse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d’argent, et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.

Il lève l’image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d’une alouette ou d’un chardonneret.
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Mon cher papa,
Un mot à la hâte pour t'expliquer ma dernière lettre. Tu ne t'es pas aperçu qu'elle était en vers.
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Jules Renard
Que cette vie me paraîtrait belle si, au lieu de la vivre, je la regardais vivre!
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Jules Renard
Le danger du succès, c'est qu'il nous fait oublier l'effroyable injustice du monde.
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Les moutons...Elles poussent des cris étourdissants et mêlés, comme des enfants qui jouent sous un préau d'école.
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Jules Renard
Oh! Faire son voyage de noce tout seul!
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Jules Renard
J'aime à lire comme une poule boit, en relevant la tête, pour faire couler.
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Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux.
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