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Critiques de Kaoutar Harchi (107)
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À l'origine notre père obscur

De lourdes portes de bois ferment un antre où maris, frères et pères mettent à l’isolement épouses, soeurs et filles coupables, ou soupçonnées, d’avoir failli à la loi patriarcale.

Une enfant observe cet univers d’où les hommes sont absents, elle grandit avec une mère qui sombre peu à peu dans la folie, et rêve de rejoindre un père inconnu mais sacralisé. Seize ans que l'enfant est là, avec sa mère, et que leur lien qui fut fusionnel ne cesse de se distendre. Seize ans que l'enfant idolâtre l'image d'un père rendu définitivement absent par le poids de la tradition.

Des murmures résignés et des cris révoltés tissent cette fable magnifique et tragique qui interroge la violence du corps dans un monde dominé par le poids des traditions.

Ce livre est un pur joyau, j’en suis ressortie bouleversée.

L’écriture simple et élégante de Kaoutar Harchi, jeune auteure de 28 ans seulement, laisse présager du meilleur.







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À l'origine notre père obscur

C'est une maison à l'écart de la ville, une maison en pierre, sombre, avec une salle d'eau, une cour intérieure, une pièce commune et des chambres sans fenêtres. Ici ne vivent que des femmes. Amenées par un mari, un frère, un cousin, un homme qui a jugé qu'elles n'étaient plus dignes de partager la vie familiale. Réelles pécheresses ou victimes de la rumeur, elles vivent dans l'attente du pardon et d'un possible retour auprès de leurs maris. Une enfant a grandi dans cette maison, parmi les répudiées. Elle aussi attend. Même si la Mère ne fait jamais partie de celles qu'on vient chercher, même si après quinze longues années de réclusion, l'espoir est mince. Le Père, un jour viendra. Et s'il ne vient pas, c'est elle qui ira, chercher son amour et sa protection dans la riche maison où il vit entouré d'une famille qui a chassé la Mère, mais qui est aussi sa famille et ne pourra rien faire contre les liens du sang et de l'amour.





Cela commence dans un huis-clos étouffant. La fille entourée, oppressée par des femmes cloîtrées, rêve évidemment de liberté. D'ailleurs, la porte de la maison n'est pas fermée à clé. ''Il suffirait d'un pas'' dit-elle à la Mère, à la fois suppliante et résignée. Car plus sûrement qu'un verrou, c'est le poids de la tradition qui pèse sur la porte qui les tient éloignées de la vie. Intimité forcée, promiscuité, les femmes meurent à petit feu...mais se réconfortent aussi, se soutiennent. Seule la fille est solitaire. La Mère s'en est éloignée à mesure qu'elle grandissait, pour lui donner une leçon de vie, lui apprendre la froideur et le rejet du monde extérieur. Le grand absent est évidemment le Père, celui qui les a conduites ici, pressé par sa famille. Il n'est qu'une ombre menaçante alors qu'on la voudrait protectrice.

Difficile de s'immerger dans ce monde décrit avec une certaine distance. Kaoutar HARCHI n'a voulu nommer ni le pays, ni la ville, ni les femmes. On pourrait être tenté de situer l'action dans un pays d'Afrique du Nord (l'auteure est d'origine marocaine) mais plus largement cet endroit où l'homme est tout-puissant et soumet la femme pourrait être n'importe où dans le monde. La femme oppressée, bafouée, répudiée, la femme accusée des pires maux, la femme qui n'a droit ni à la parole ni à la justice, la femme qui porte le péché en elle...La société faite par et pour les hommes, la société qui juge, qui rejette, qui ostracise...C'est la condition féminine qui est décrite ici dans la métaphore de cet enfermement qui est le carcan où les femmes sont confinées quand on a peur de leur éventuel pouvoir.

Une belle écriture, qui va du concis au lyrique, de l'incisif au poétique, mais qui peut émouvoir ou laisser complètement sur le bord de la route le lecteur, selon sa sensibilité.
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Comme nous existons

L’auteure prend un risque en livrant une part d’elle-même, de son enfance, son adolescence, ses souvenirs. Une manière d’exorciser ses démons, pour ainsi se libérer de la souffrance face au racisme qu’elle a vécu. Une blessure qu’elle avait gardée en elle depuis plusieurs années.

Comme nous existons n’est pas un simple roman, Kaoutar Harchi,, à travers ce récit intimiste, se livre à plusieurs confidences sur son statut de fille d’immigrés en évoquant ses parents et les espoirs d’ascension sociale qu’ils nourrissent pour elle et à travers elle.

Elle retrace ses années d’apprentissage, confrontée à la violence verbale, à la recherche d’une place dans ce monde qui lui permette d’être elle-même, sans toujours être confrontée à son statut de fille d’immigrés. Tout en usant de belles phrases, pour évoquer ses parents, sa mère notamment, avec beaucoup d’amour, de respect, de pudeur, en continuelle recherche de l’approbation parental, en égrenant des souvenirs, qui mettent en lumière les blessures, les peines enfouies. 

Un passage du livre est particulièrement émouvant, et reflète parfaitement le mal-être ressenti par l’auteure, mais surtout la vulnérabilité de l’enfance. 

C’est au collège (catholique), qu’elle découvre de belles jeunes filles blondes, gracieuses, aux yeux bleus. En expliquant qu’elle ne s’est jamais sentie aussi laide et gauche. Les moqueries et les méchancetés de ces filles ramèneront l’auteure à ses origines maghrébines. Une violence qui laissera des traces, des morsures et dont elle ne comprendra toute la profondeur que des années plus tard.

Sa découverte de la sociologie lui ouvrira la voie des possibles et lui permettra non pas de s’affranchir de l’immigration, mais de comprendre l’impact qu’elle a eu sur elle, sur ses parents et les immigrés d’une manière générale.

C’est à travers l’écriture, que Kaoutar Harchi, devient la porte-parole des enfants de l’immigration post coloniale, mais surtout, c’est à travers elle que sa parole devient politique, largement revendiquée par certains passages et propos notamment sur la conscience des immigrés d’être dominés, d’accepter cette domination, pour permettre à leurs enfants de s’élever.

C’est une plongée dans les méandres de la vie de Kaoutar Harchi où sa plume devient l’étendard bouleversant, des immigrés issus du colonialisme face au racisme endémique de notre société, par laquelle elle évoque, les révoltes des banlieues de 2005, de son passage à l’âge adulte et de son éveil à la politique… Mais surtout, tout l’amour qu’elle porte à ses parents.

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L’ampleur du saccage

J'étais passé à côté de ce livre sorti en 2011. Bien avant Kamel Daoud, Kaoutar Harchi aborde la délicate question de la misère sexuelle à travers le destin tourmenté de son malheureux héros, Arezki. L'ampleur du saccage, c'est d'abord une histoire d'hommes confrontés à leur violence, leur désir et à l'impossibilité de s'en libérer. Sur le fil du rasoir, l'auteur dénonce ces sociétés patriarcales et machistes pour lesquelles la femme est tantôt mère, tantôt putain – aucune échappatoire possible. L'intrigue, que je ne vous dévoilerai pas, en est le puissant contrepoint. le sang est au centre de ce livre. le sang du sacrifice des animaux, le sang des vierges devenues femmes, le sang des jeunes garçons circoncis, le sang des crimes perpétués. Les pages 84-85 en sont l'éblouissante et terrifiante illustration. L'écriture est belle, de candeur et de précision, comme un sabre effilé. Pendant les trois quarts du roman, j'étais persuadé que seul un homme pouvait aussi bien parler du désarroi de ses frères, avant de découvrir – honte à moi – que Kaoutar était une femme. Mon admiration en fut décuplée. Une seule réserve, quelques similitudes (ou du moins coïncidences) avec l'inoubliable film « Incendies » de Denis Villeneuve tiré de la pièce de Wajdi Mouawad.

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À l'origine notre père obscur

Du monde, elle ne connait rien d’autre que cette « maison de femmes » dans laquelle elle est née, où elle a grandi. Un lieu entouré de grands murs de pierres et dans lequel sont enfermées celles que l’on accuse d’avoir déshonoré leur famille, d’avoir été infidèles ou d’avoir failli à leurs devoirs… Des femmes punies par des hommes, parfois même par d’autres femmes, que l’on enferme pendant un an ou deux et que parfois l’on oubli, comme c’est le cas pour la Mère de la narratrice, qui ne compte plus les années passées entre ces murs et dont la santé se dégrade à petit feu. Elle est la mémoire de ce lieu maudit, celle qui accueille et apaise la détresse et la folie des autres femmes, sans se soucier de celle de sa propre fille…





Avec « A l’ origine notre père obscur », Kaoutar Harchi nous offre un récit à la première personne, aussi intense que bouleversant, qui résonne comme une longue mélopée, un chant de la narratrice destiné à toucher une mère secrète, rendue folle de douleur, et un père absent. Le portrait magnifique d’une jeune fille, noyée au cœur du désespoir des femmes, en quête de l’amour qu’elle n’a jamais connu et prête à aller le chercher elle-même pour le découvrir. Une fable aussi amère que cruelle, qui révèle la noirceur de l’âme humaine, ne laissant que peu de place à l’espoir. Difficile néanmoins de ne pas se laisser frapper et envoûter par la beauté de la plume de Kaoutar Harchi ! Un roman sublime et tragique, qui m’a complètement subjuguée !
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Comme nous existons

Ah ! ces arabes ! cataloguent-ils. Ce livre intime et fort, court et joliment écrit, qui alterne et vient nous dépeindre du quotidien, pas toujours facile, que nous ne pouvons pas comprendre, nous, blanc-becs. Ces actes et ces paroles des autres, pourtant jamais "obligés", pas toujours sciemment, qui pourtant forgent, à force, un caractère, qui limitent, qui emprisonnent. Des anecdotes sans patos ni récrimination, simplement ; quelques colères quand même. Et, en même temps, du quotidien qui est si peu différent du mien, de chacun de nous. Différence qui n'existe pourtant pas vraiment : comme cette "dernière vaisselle" à faire avant de partir en vacance. Pareil. Et tant d'autres. Et surtout, cette mère et ce père qui s'aiment follement, de presque rien, leur fille étant le témoin tendre de leur relation pleine. Chacun protégeant l'autre. Voilà comment nous existons.
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Comme nous existons

Merci à Babelio et à Actes Sud pour l’envoi de ce livre dans le cadre d’une Masse Critique.

Comme nous existons est un récit autobiographique qui retrace le cheminement intellectuel et politique de l’auteure Kaoutar Harchi.

Celle-ci est née en 1987 dans l’Est de la France. Elle est une enfant de l’immigration.

Ses parents Hania et Mohamed, Marocain, sont venus s’installer dans la ville de S dans l’Est de la France.

Par ce récit, Kaoutar Harchi nous plonge dans la réalité de son enfance, de sa jeunesse au sein de cette famille à la double appartenance marocaine et française.

Le parcours personnel de cette famille nous montre la violence sociale et politique mais aussi la réalité de ces familles déchirées entre deux cultures.

C’est un récit nécessaire, vital.

Il faut savoir lire et entendre les mots postcolonial, race blanche.

Il faut entendre et comprendre cette filiation entre Hania-Mohamed et Kaoutar. Hania et Mohamed donnent tout pour Kaoutar jusqu’à l’inscrire dans une école catholique afin de la soustraire au danger. Cette école, dont un professeur la traitera de " m'a petite arabe "

Pour l’auteure c’est un monde de rapport de classe de race qui marque les existences. Dans cette difficulté à trouver une place qui respecte sa culture et ce pays d’adoption, elle n’oubliera jamais ses parents.

Les dernières lignes de ce récit :

"Ce jour là une photographie aurait dû être prise qui aurait exprimé, à elle seule, bien plus que tout ce que j’écris ici en toute sincérité. Vous me verriez alors debout sur le pas-de-porte de l’appartement parental, un sac sur le dos, une valise neuve à la main. Et vous verriez Hania, se tenant sur le seuil de sa cuisine, légèrement penchée vers l’avant, les mains plongées dans son tablier, et Mohamed, sur le seuil de son salon, les mains dans le dos, très droit, la tête haute. Je le redis: une photographie aurait dû être prise pour fixer, ne jamais perdre cette scène de notre existence. Ce tableau. "

Et puis cette langue littéraire que nous donne Kaoutar Harchi. Un plaisir de lecture.

En cette période de " zemmourisation des esprits " ce livre est salutaire.



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À l'origine notre père obscur



De la poésie pour dire le corps et le manque d’amour. Le manque du contact avec l’amant, avec la mère, avec le père.



Pour l’essentiel raconté à la première personne par une enfant puis une jeune fille enfermée dès avant sa naissance avec sa mère dans une maison pour femme. Une de ces maisons où les hommes, maris, pères, frères, cousins “placent” leurs épouses, leurs mères, leurs filles parce qu’elles ont attenté à l’honneur de la famille ou qu’ils croient, feignent de croire qu’elles l’ont fait.

Un texte surprenant, ambigu mais fascinant.



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À l'origine notre père obscur

Être une femme, même au XXI siècle, relève du challenge militaire. Et pourtant, nous les femmes sommes devenues des piliers de la vie économique, nous gouvernons parfois, nous élevons des enfants tout en assumant notre indépendance à la fois affective et financière, bref, nous aspirons toutes à mener une vie épanouie sur le plan émotionnel et professionnel. Et pourtant, bien trop restent des épouses, des mères, des femmes-objets dont on use et abuse sans vergogne, qu’on juge pour le moindre travers, qu’on traque et épie à l’affût de la plus petite faiblesse.



Notre héroïne elle, n’a pas eu la chance de certaines. Née dans une maison de femmes, ou devrais-je dire une prison de femmes au vu et au su de tous, elle côtoie depuis sa naissance ce harem de femmes, d’épouses répudiées, jugées, trahies que leurs maris, leurs frères ou pères ont envoyé au bagne, cloisonnées derrière 4 murs d’une maison de correction et d’élévation morale. Elles ont jeté l’opprobre, la honte et le déshonneur sur leur famille, elles doivent en payer les conséquences. On les condamne et pour certaines, on les récupère, espérant que l’enfermement leur aura inculqué le repenti nécessaire. Notre héroïne déteste ces femmes qu’elle juge elle-aussi. Elle n’a rien demandé. La faute à sa mère qui a péché sans savoir pourquoi. Enfermée malgré elle, le regard toujours braqué vers l’extérieur, notre jeune femme attend le jour où enfin, ses pas la porteront vers un ailleurs, une vie remplie d’amour et de tendresse, princesse fière et hautaine. Quand sa mère meurt, la jeune fille partira à la rencontre de son père, cet homme dont elle ne sait pratiquement rien. La vie réelle aura-t-elle la saveur de la vie rêvée ?



Bien qu’il traite d’un sujet grave (la condition des femmes) qui généralement me touche (en bonne féministe littéraire), A l’origine notre père obscur n’a pas su me conquérir. Quel dommage ! Je suis restée presque indifférente au style de Kaoutar Harchi et par conséquent, à son récit. J’ai éprouvé pour son héroïne une antipathie quasi instinctive, proche du réflexe pavlovien. Et pourtant, c’est un roman fort porté par une belle plume. On sent le travail d’écriture léché de Kaoutar Harchi, son envie de décrire parfaitement le désarroi de l’enfermement et la quête des origines. Mais qu’y puis-je ? Et croyez-moi je culpabilise d’être passée complètement à côté de ce roman quand tant d’autres m’ont transportée (Bilqiss de Saphia Azzeddine est un pour bijou). Je ne déconseille pas ce roman bien au contraire car je suis intimement convaincue de ses qualités. Il est juste question ici de ressenti et de pure subjectivité. Faites-vous votre avis.
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Comme nous existons

Dans ce récit autobiographique, Kaoutar Harchi raconte, de son écriture inimitable, puissante, sa vie d'enfant et d'adolescente, fille d'immigrés marocains qui vivent dans leur bulle faite d'amour et de joie.

Mais voilà, Hania, la mère, et Mohamed, le père, ont des ambitions pour leur fille et l'envoient dans les meilleures écoles. Elle est alors confrontée au racisme ordinaire, à l'humiliation et pire encore à l'indifférence.

C'est grâce à l'amour de ses parents et à ce cocon solide que l'auteure va se construire malgré l'adversité. Elle sait très bien décrire, en allant à l'essentiel, son parcours zigzagant entre deux cultures et où elle saura envers et contre tout, trouver sa place.

Un récit émouvant et d'une grande justesse dans l'analyse, mais également réjouissant.
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Comme nous existons

Itinéraire d’une enfant d’immigrés.





Après ses excellents romans comme « A l’origine du père obscure » et le plus noir « L’ampleur du saccage », l’auteure a pris un risque en se racontant, en livrant à ses lectrices et lecteurs une part d’elle-même, sur son enfance et son adolescence, sur ses souvenirs.

Elle avait sûrement ses propres raisons de le faire, pour pouvoir se libérer ainsi de la souffrance engendrée par le racisme qu’elle a vécu. Une blessure qu’elle avait gardée en elle depuis plusieurs années.





Même si j’ai ressenti le récit avec un parfum de révolte sur certains évènements passés et de désapprobation parfois du système actuel français, il n’est jamais larmoyant.

L’auteure a toujours cette élégance dans l’écriture, qui donne une grande pudeur à son autobiographie.

Oui, Kaoutar écrit merveilleusement bien. Et ses réflexions sociologiques et philosophiques sont toujours aussi pertinentes. En levant un pan de voile sur sa personne, l’auteure raconte ce que fut son enfance en tant que fille de marocains et l’expérience vécue chez « les anciens colonisateurs ».

Le lecteur que je suis, découvre la jeune fille qu’elle fut, la jeune femme qu’elle voulait être, qui s’est sentie parfois étrangère et différente dans ce pays qui est le nôtre.

Le récit comporte aussi quelques révélations étonnantes et poignantes parfois sur son auteure.





Lorsque Kaoutar raconte ses frustrations vécues, elle me renvoie avec force, aux écrits que maman m’a laissés, il y a de vingt cinq ans plus tôt.

Maman est fille d’immigrés italiens. Dans son école et surtout dans le lycée qui la préparait à devenir enseignante, elle s’est retrouvée avec des filles et fils « à papa », bien français. Elle a subi les mêmes humiliations que l’auteure. Nous étions à une autre époque, en 1950.

Mêmes insultes et les mêmes abaissements.

La société française a changé dans son mode de vie et dans ses aspirations, mais la méchanceté, l’ignorance et l’intolérance restent elles, intemporelles.





Il y a un passage dans ce livre, qui m’a particulièrement ému. C’est celui où l’auteure, âgée de six/sep ans, prend le bus pour aller à l’école primaire (une école catholique), où ses parents l’ont « placée ». Elle y découvre un autre univers, peuplé que de belles jeunes filles blondes aux yeux bleus. L’auteure est même fascinée par leur grâce, leur beauté blonde naturelle et la transparence de leurs yeux.

Kaoutar écrit qu’elle ne s’est jamais sentie aussi moche et gauche à l’époque.





Les moqueries et les petites méchancetés de ces petites filles ramèneront très brutalement l’auteure à ses propres origines de fille de maghrébins. Une jeune fille qui restera longtemps enfermée dans « la case » beaucoup trop brune et beaucoup trop arabe.

Des instants où elle s’est sentie seule et vulnérable. Une violence qui lui laissera des morsures et dont l’auteure en comprendra toute la profondeur avec le recul.





Mais le livre est avant tout pour moi, cette immense et bouleversante « Ode à l’amour » que Kaoutar Harchi, la fille unique a écrit pour Hania et Mohamed, ses parents.

*





Merci chère Kaoutar, de m’avoir permis de vous rencontrer une seconde fois, à « Livres dans la boucle » ce dimanche, à Besançon.

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À l'origine notre père obscur

La maison des femmes est un lieu où sont parquées les recluses, celles convaincues d’avoir fauté, celles qui ont bafoué l’honneur de leur mari et de leur famille, celles qui ont parfois simplement voulu être elles-mêmes. La narratrice y vit avec sa mère. Elle y est née. Devenue adolescente, elle se heurte au silence maternel et ne supporte plus la passivité de cette communauté courbant l’échine sous le joug des traditions. Les circonstances vont lui donner la force de pousser la lourde porte en bois de la bâtisse et d’aller chercher des réponses auprès de ce père qu’elle n’a jamais connu.



Au-delà de la quête des origines, ce texte d’une beauté élégiaque est avant tout un cri de révolte. Contre la complaisance, la résignation de ces femmes acceptant leur sort, ces femmes devenues dépendantes au mal qu’infligent les hommes. C’est une voix qui s’élève pour dire « je viens de vous mais je ne suis pas à vous et je refuse de me sacrifier comme les femmes, depuis des millénaires, se sacrifient ». Sacrifiées « par fidélité, par honneur, par devoir, n’osant pas se lever et se rebeller. On les avait, ces femmes, dressées pour et quand est venu mon tour de choisir quel chemin prendre, il y eut, d’abord, ce besoin viscéral de me dresser contre. Contre elles et leur docilité de petites chiennes effrayées par l’ombre du maître quand moi, moi ma vie, moi mon destin, c’était, ce maître, l’approcher, le sentir, le toucher, et, yeux dans yeux, malgré le souffle court et le soulèvement vif du cœur dans la poitrine, lui murmurer à l’oreille : vois comme je n’ai pas peur de toi. Vois comme je te comprends. Vois comme je t’aime. »



Je suis sorti de ce roman abasourdi par la puissance de l’écriture, sensuelle, heurtée, poétique. L’absence d’ancrage géographique et temporel donne au propos un coté universel. Et mon regard masculin ne peut que constater l’évidence : oui, en se réfugiant derrière le poids des traditions et la force brute, les hommes ne font que signifier leur lâcheté. Incontestablement ma lecture la plus marquante de la rentrée littéraire.




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L’ampleur du saccage

Difficile de parler d’un tel roman : la qualité d’écriture est indéniable… mais l’histoire est tellement épouvantable qu’il est difficile de s’enthousiasmer, à fortiori quand on sait (et heureusement !) qu’il s’agit d’une fiction.

Il s’agit d’un viol, de deux viols à commis à 30 ans d’écart et dont le point de départ est une insupportable frustration et misère sexuelle : voilà pour l’ambiance, on n’est pas dans La Petite Maison dans la prairie !

Une atmosphère glauque et sordide donc, mais éclairée par une très belle écriture.

Mais voilà, il se passe à mon avis suffisamment de trucs horribles tous les jours dans le monde sans qu’on aie besoin d’en inventer de nouveaux... et je n’ai que très moyennement apprécié ce roman. J’attend cependant le prochain opus de l’auteur.

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À l'origine notre père obscur

On ne sait où se déroule cette histoire, ni quand... On ne voit que cette jeune fille qui narre sa vie, cloîtrée dans une maison où on enferme les femmes accusées d'avoir fauté. De cet enfermement naît une relation au monde, aux hommes, mais aussi avec sa Mère, qui se détache d'elle doucement. La jeune fille traduit alors la souffrance de l'absence...

Kaoutar Harchi dépeint avec délicatesse et force la vie de ces femmes, meutries et anéanties, effacées du monde et des mémoires. Sans jamais tombée dans la tragédie, cette auteur a une manière poétique de parler de ce drame.

Un roman a découvrir...
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Comme nous existons

Récit autobiographique d'une jeune femme, enfant d'immigrés marocains vivant quelque part dans une ville de l'est de la France. Ses parents Hania et Mohammed font le ménage de bureaux la nuit, pour subvenir aux besoins de la famille, un travail ingrat peu respectueux des individus dont ils perçoivent, mais acceptent l'injustice. L'école ne tarde pas à stigmatiser la différence de la jeune fille qui se sent mal à l'aise et fait l'objet de remarques et d'attitudes désobligeantes de la part des autres élèves, mais aussi du corps enseignant. du collège au lycée, son sentiment d'isolement perdure et reflète ses difficultés d'intégration dans une société peu encline à considérer les différences physiques, culturelles comme des richesses ! La découverte à la bibliothèque, d'ouvrages sur la sociologie est le déclencheur de la voie qui s'offre à elle. Témoignage simple, parfaitement écrit et très fort, en particulier sur la relation fusionnelle de la jeune fille avec sa mère Hania.
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À l'origine notre père obscur

La narratrice, une jeune femme dont on ne connait pas le nom, a grandit dans l'antre des femmes. Un lieu clos de murs fermé par de lourdes portes de bois. Un endroit où on suffoque, où on peine à respirer. On y geint, on y crie son désespoir, on s'y tait aussi par épuisement. Les femmes qui vivent dans cette maison n'y sont pas venues de leur plein gré, on les a envoyées de force, avec violence et méchanceté, au nom de traditions religieuses et patriarcales. Elles ont fauté (la plupart du temps il ne s'agit que de suppositions, rarement de faits réels), on les punit, on les condamne. On les met à l'écart du monde, on les emprisonne, on les laisse ainsi à leur sort, avec leur chagrin. Durant des mois, des années, ces femmes-là ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Elles n'avancent plus, leur vie est arrêtée, seule une lueur d'espoir vacille encore en elles : que leur maître, leur mari, revienne les chercher.

La jeune femme est ici avec sa mère. Elle a toujours vécue auprès d'elle, elle ne connaît rien d'autre. Les jours défilent parfaitement identiques. Les femmes hurlent, pleurent, se lamentent. Elle entend leurs voix qui s'élèvent, elle écoute leurs confidences. Sa mère qui est un peu la mère de toutes ces femmes est pour elle si distante, si indifférente. Comme les autres, elle attend son mari, sa délivrance. Sa fille semble transparente à ses yeux.

Toute son enfance, elle a espéré un geste, un signe, un regard. Rien.

Alors quand la mère disparaît, que le lien se rompt définitivement, la jeune femme se met en quête de celui dont elle a tant entendu parler, son père. Elle ose franchir la porte de leur prison. Elle s'échappe, inspire l'air du dehors, fuit loin de la maison qui l'a abritée pendant des années du monde extérieur. Elle part sur les traces de son père. Sans haine, sans reproche ni demande, elle veut juste rencontrer son père, le voir, le sentir, le toucher, lui sourire, lui dire... Mais quel accueil va-t-elle avoir dans l'antre du père ?

Un roman poignant, qui prend à la gorge. Une tension soutenue jusqu'au dernier mot. Une atmosphère très (peut-être trop) oppressante. Et puis, une vague lumière dans l'obscurité.
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Comme nous existons

Dans ce livre court mais dense, l’autrice retrace son parcours de fille d’une couple d’immigrés marocains, qui soucieux de son avenir et de ses chances d’intégration dans la société française, inscrivent leur fille unique dans un collège et lycée catholique du centre de la ville alsacienne où ils vivent dans une cité HLM.

Ce texte est d’abord un hommage à la beauté et à l’amour du couple des parents, Hania et Mohamed, mariés à Casablanca dans les années 80, dans une cérémonie où tout paraissait simple et parfait, comme en témoigne la vidéo du mariage qu’ils se repassent en boucle. Car le déchirement de la vie dans l’environnement postcolonial français, du déclassement et du travail exténuant y étaient encore inconnus.

En effet ce récit retrace avec finesse, délicatesse et sensibilité les continuelles humiliations vécues par la famille et surtout par la fillette, au contact de cette société blanche, au racisme permanent, inconscient et systémique. Ce sont de cuisantes blessures qui s’accumulent, comme l’agression symbolique et même physique d’un groupe d’adolescentes alsaciennes insultant dans un bus les deux fillettes marocaines, la condescendance avec laquelle une professeure (pleine de bonnes intentions !) l’appelle « sa petite arabe », ou beaucoup plus grave encore, la mort en garde à vue d’un adolescent de la cité, victime de violences policières.

Dans ce milieu hostile et méprisant, conservateur et sexiste, aussi bien pour les petites Marocaines que pour une adolescente qui flirte, il faut ravaler sa fierté, encaisser les coups sans broncher et chercher sa voie, qui sera celle des études de sociologie poursuivies en mastère, puis de l’écriture seule capable de racheter et de libérer.

Un style sensible, maîtrisé, élégant et tout en nuances suit pas à pas, sans jamais forcer le ton, l’itinéraire d’une difficile émancipation, dans la fidélité aux siens.

Ce très beau livre, souvent poignant, distille une émotion subtile et crée l’empathie avec ce que subissent ceux qui viennent d’ailleurs, dans une société française où l’égalité et la fraternité sont bien souvent défaillantes. Une salutaire prise de conscience.

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L’ampleur du saccage

Un livre petit mais poignant.

L'action se déroule en France et en Algérie avant la guerre d'indépendance.

Les pages s' enchainent, apportant de nouveaux éléments qui nous conduisent à l'horreur, au viol collectif d'une femme dont le seul défaut est d'être trop belle et de vendre son corps.

Les protagonistes vont se retrouver très longtemps après les faits et séparément aller en Algérie où la sordide vérité éclate.

Un livre profond qute j'ai dévoré en pensant au sort des femmes musulmanes.

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Comme nous existons

Insipide. Le mot est sévère, sans doute, mais il résume parfaitement le sentiment qui fut le mien tout au long de ma lecture. J'ai trouvé ce livre sans goût, sans saveur et même sans intérêt. L'auteure en dit tellement peu que je n'ai pas compris la raison d'être de ce livre. Que dit-elle qui vaille la peine d'être dit, écrit, raconté et publié? Faut-il que ça vaille, me rétorquera-t-on. Oui, un peu, quand même. Mais, je vous l'accorde, ce qui vaut pour moi ne vaut pas pour d'autres. Et inversement. Alors je vous dit pourquoi, pour moi, ça ne vaut pas. Kaoutar Harchi évoque ici des moments de vie qui ont imprimé sa mémoire. Elle nous invite à poser le regard sur ces images qui font sens pour elle sans jamais aller au delà. « Voyez » dit-elle régulièrement. Mais voir ne suffit pas ici car les images ne parlent pas. Elles sont posées froidement sur le papier et ne laissent rien entrevoir car un voile opaque est posée par l'auteure. Elle pose la distance quand la littérature voudrait créer des ponts. Et alors, je me demande, quel intérêt de les poser, les exposer si l'auteure se refuse à les montrer sans voile ? Les images ne parlent pas et l'auteure ne les raconte pas. Le texte est court, trop court, les mots manquent incroyablement. Il y a comme une insuffisance. Alors voilà, je n'ai rien saisi de ce texte. Je n'ai pas compris son intérêt, son objectif, sa raison d'être. Je n'ai saisi si sur le plan des émotions, ni sur le plan de la raison. Il ne me reste rien de ma lecture, seulement la désagréable sensation de m'être « faite avoir » par les critiques élogieuses et les promesses de ce livre.





Enfin, pour finir, je dois avouer mon incompréhension. Je ne comprends pas comment on peut s'offusquer de l'intérêt que peuvent porter les autres à nos origines. Pourquoi et comment Kaoutar Harchi se sent mal à la dédicace d'une professeure qui lui écrit, dans le livre qu'elle lui tend, « à ma petite arabe qui doit connaître son histoire ». Où est l'insulte dans cette dédicace ? Où est le mépris ? Dans « petite » ? « arabe » ? ou « petite arabe » ? Pourquoi se sent-elle toute petite quand il lui est demandé de faire un exposé sur ce livre et d'expliquer ses « origines », sa « culture », sa « religion » ? Où est le mal ? Je ne saisis pas. Pourquoi y voit-elle la marque d'une domination quand j'y vois moi de l'intérêt et de la bienveillance même mal exprimée ? Moi j'adore quand on me demande mes origines, quand on s'intéresse à l'histoire et la culture kurde. Je ne me sens guère insultée mais, tout au contraire, valorisée. Alors pourquoi Kaoutar se sent elle en « minorité », « exotisée » ? Pourquoi ? Il aurait fallu l'expliquer car il n'y a pas d'évidence ici. En bref, vous l'aurez compris, je n'ai pas apprécié ma lecture et je ne la conseillerais pas.
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Comme nous existons

Après cette lecture, j'ai eu très envie de parler de ce livre. De le partager. Mais les mots ne venaient pas. Ou pas comme je le désirais...



C'est un récit nécessaire.

Celui d'une enfant issue de l'immigration. Victime d'un racisme endémique. D'une violence de peau, d'une violence de sexe.

Elle vient, par son témoignage, non pas pointer du doigt bêtement, accusatrice, les faiblesses d'un pays colonisateur qui se noit dans sa peur et sa culpabilité. Bien mieux. Elle panse les plaies. Très délicatement.



Tout le long du livre, elle nous interpelle, comme un cri de détresse. "Regardez-le, écoutez moi"... Prenez-lui la main, elle a tant à vous dire. Sur sa famille, un peu. Sur la France, beaucoup. Sur vous et moi, follement.



La peur de l'autre, de sa différence.

La peur de nos parents de manquer de moyens pour nous offrir toutes nos chances.

La peur d'être assimilé, amalgamé à ces violences de quartier, comme s'il fallait courber la tête et se taire parce que la peau n'est pas blanche. Les yeux pas bleus. Que papa et maman ont un accent.

La vérité française, je le crois, est celle de la peur.



Elle met également en exergue un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Celui de l'Education Nationale. De l'école. Du système de l'enseignement dans notre beau pays laïque. Publique ou privée.

Des lacunes, des carences de ce système, archaïque, de moins en moins adapté au monde actuel, et à nos enfants confrontés à ce monde-là.

Bien sûr, la valeur en reste essentielle. Primordiale.

Kaoutar Harchi l'exprime d'ailleurs très bien, sa chance de se trouver, de s'épanouir, passe par les études.



C'est aussi un grand et déchirant cri d'amour à son père et à sa mère.



Je vais terminer, malgré tout ce qu'il reste à dire, par une dédicace un peu particulière. A la professeure de Kaoutar Harchi, friande de dédicace.

Lisez Comme nous existons, pour connaître votre histoire.
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