En toile de fond de ce roman, il y a un contexte historique réel : durant des années, de 1968 à 1985, à Florence et dans sa périphérie, un meurtrier a semé la peur en s’attaquant, les nuits de pleine lune, à des amants. Il tuait l’homme et sa compagne puis mutilait post-mortem le corps de cette dernière. Il est connu dans toute l’Italie comme le « Monstre de Florence ».
Mathilde Monterispoli, veuve d’un médecin, appartenant à une famille influente de Florence, est riche et vit dans une grande maison avec son fils de 48 ans.
Tout les sépare : elle est belle et distinguée par contre son fils Enée a un corps disgracieux, est diabétique et a un comportement bizarre.
Dès les premières pages, deux événements mineurs (une boîte contenant des bistouris a été déplacée et elle reçoit la visite de deux policiers souhaitant parler à son fils) vont faire naître chez Mathilde un soupçon : son fils Enée pourrait-il être le « Monstre de Florence » qui terrorise la population ?
Au fil des pages, ce soupçon se mue en peur puis en obsession tant une foule de petits indices vont l’ébranler et semer le doute dans son esprit. Qui est vraiment son fils ? Que fait-il dans sa chambre où nul ne peut entrer, que fait-il quand il s’absente la nuit ? Elle l’espionne, fouille sa chambre, est tantôt rassurée tantôt angoissée. Laura Grimaldi réussit à faire partager l’anxiété de Mathilde à ses lecteurs.
Elle réussit de surcroît à ce que ses lecteurs conservent à Enée une certaine sympathie, il est intelligent, cultivé, on compatit à sa vie solitaire, à ses problèmes de santé, à son mal de vivre, on apprécie le rôle protecteur qu’il endosse devant une jeune fille, Nanni, toxicomane, voleuse, menteuse et qui profite de lui.
J’ai admiré la manière dont l’auteur décrit la psychologie de ses personnages, l’absence de communication entre la mère et son fils, entraînant pour tous deux une grande solitude.
Ses personnages sont crédibles.
L’angoisse, le suspense est maintenu des premières aux dernières pages.
Commenter  J’apprécie         441
Terrible huis-clos que vivent les membres de cette famille bourgeoise de Bergame sous la poigne de fer de Contaldo le père que les siens surnomment Néron.
Il y a Munda son épouse effacée qui est en fait propriétaire des biens et surtout de la maison dans laquelle ils vivent, mais qui s’est fait dépouiller par son mari, qui refuse de lui laisser le moindre centime.
Il y a Eugénio le fils que tous appellent Genio, il est « différent » aujourd’hui on dirait sûrement qu’il est autiste, et que son père refuse de voir et même de prononcer son prénom, et qu’il a relégué dans une pièce du sous-sol lui interdisant de paraitre ailleurs dans la maison.
Il y a Maddalena la plus âgée des filles, qui bien que mariée vit à l’étage au-dessus de celui de ses parents, et qui fugue continuellement.
Il y a Erasmo le mari de Maddalena qui court l’Europe entière pour récupérer sa femme, sous le regard sarcastique de Néron son beau-père.
Il y a Giovanna la plus jeune fille qui essaie de calmer ses angoisses en mangeant tant et tant que déjà ses petits camarades à l’école la surnommaient « Patapouf »
Il y a Concilia « la cousine » de Contaldo dont il a imposé la présence à son épouse et à la maisonnée.
Et il y a Tota la bonne qui a toujours été au service de la famille.
Et Néron régne sur cette famille en distillant la peur, et en s’appuyant sur les faiblesses des uns et des autres pour les écraser.
Mais lorsque Néron réunit toute la famille pour leur faire part de ses ultimes décisions, ils vont se rebeller.
Et la peur va se transformer en fureur et les divisions que Néron avait réussi à créer dans sa famille pour mieux la soumettre vont disparaitre pour se transformer en une union visant à l’anéantir.
Qui de Néron ou du reste de la famille finira par triompher ?
Commenter  J’apprécie         70
Laura Grimaldi, italienne traduite par Geneviève Leibrich, décrit une famille italienne traditionnelle, bourgeoise tyrannisée par un père despotique, originaire du sud de l'Italie, Contaldo. Celui-ci impose sa maîtresse, Concilia, à la maison, rejette son fils aîné, Eugenio, qui est mentalement fragile, humilie son épouse, Munda, qui essaie de se rendre de plus en plus transparente, tolère sa fille cadette, Giovanna, devenue obèse mais qu'il a probablement abusée dans son enfance. Seule sa fille aînée, Maddalena, reste lucide et lui résiste. Elle vit avec son époux à l'étage de la maison. Une atmosphère glaciale règne, chacun vit dans l'angoisse et la peur. Ce récit est haletant, poignant jusqu'au dénouement final tant attendu qui nous permet enfin de respirer. Cette famille dysfonctionnelle ne rappelle-t-elle pas que derrière la façade il peut se cacher les pires horreurs ?
Commenter  J’apprécie         40
Titre original: "La colpa" paru en 1989.
Prix du polar européen Le Point 2003.
Étiqueté Polar puisqu'il s'ouvre sur un cadavre, mais c'est surtout un roman psychologique.
La Faute est "la recherche labyrinthique d'une vérité peut-être peut-être injoignable."
L'unique élément certain est l'homicide chargé de symboles du cadavre de femme horriblement violenté.
La victime, Corinna, est une avocate , belle et autoritaire, rageusement employée à défendre les femmes : "l'autre moitié du ciel".
Le coupable tout désigné est son amant, un universitaire élégant et séduisant qui aime les femmes.
Le thème est celui de la faute et de ses implications, traité de façon approfondie ainsi que la vie en prison de celui qui ne possède aucun des codes pour la comprendre.
La prose est élégante, les pages se tournent régulièrement. J'ai apprécié l'évolution des deux frères, de caractères différents, aux relations distantes, que, sans surprise, le drame de l'incarcération va rapprocher.
Les chapitres alternent le point de vue de Leardo, écrits à la première personne ,et le récit de la vie en prison, écrits à la troisième personne et , de ce fait, plus impersonnels. Ce qui rend encore plus nette la différence entre les deux frères.
Commenter  J’apprécie         30
Dans "Monsieur Bovary", Laura Grimaldi s'est donnée l'objectif de redonner un peu de dignité au pauvre Charles Bovary.
Elle refuse, en effet, qu'il tienne le rôle de l'éternel niais, auquel l'a condamné Gustave Flaubert.
Tout en respectant l'esprit de Flaubert, c'est dans un style fluide et vivant que Laura Grimaldi reprend l'histoire bien connue, mais cette fois, du point de vue de Charles Bovary.
C'est avec un plaisir jubilatoire que j'ai découvert la version qu'elle nous propose ici !
J'ai apprécié cette démarche que j'ai trouvé originale car au cours du récit, elle impose de courts intermèdes lors desquels elle interpelle directement Flaubert pour lui expliquer son souci de réhabilitation de Charles Bovary.
Un court texte, plaisant à découvrir en cette année 2021, anniversaire de la naissance de Gustave Flaubert et qui me fait dire que si Flaubert a déclaré "Madame Bovary, c'est moi!", on peut alors dire ici de Laura Grimaldi "qu'elle est Monsieur Bovary" !
Commenter  J’apprécie         00
Une avocate milanaise connue pour ses engagements féministes, sa bisexualité et son agressivité est retrouvée sauvagement assassinée, son cadavre ayant été violé avec une bouteille de champagne puis mutilé. Du fait de sa personnalité étrange et clivante, elle avait de nombreux ennemis. Mais vu la sauvagerie du meurtre, les juges veulent un coupable à condamner rapidement. Et le coupable tout désigné est l'amant de la victime, Alfiero : un universitaire élégant et séduisant qui aime les femmes. En plus leur liaison était quelque peu tumultueuse, et peu avant le drame, ils s'étaient violemment disputés, selon les dires de certains témoins.
Il est donc rapidement arrêté et emprisonné. Il a un frère, Aleardo, artisan en verrerie qui ne partage pas grand chose avec lui mais ne peut le croire capable d'un crime aussi horrible.
Tel que c'est présenté, on pourrait prendre ce livre pour un polar mais ça n'en est pas vraiment un. L'intrigue est en soi assez basique et on devine dès le milieu de l'histoire qui a commis le meurtre et pourquoi (même si ce n'est confirmé que dans les dernières pages...). Mais cette histoire de meurtre est surtout prétexte pour poser un cadre. Ce livre est avant tout une histoire de sentiments et de relations humaines : celle de deux frères aux relations froides, sans trop de points communs entre eux et qui ne se connaissent finalement pas vraiment, mais que les circonstances vont rapprocher. Aleardo, surtout (les chapitres qui lui sont consacrés sont d'ailleurs à la première personne), repense à leur passé, analyse la conduite de chacun et les raisons pour lesquelles son relationnel avec son propre frère était aussi distant. Quand c'est centré sur Alfiero (qui sait qu'il n'a pas commis le crime mais qui se sent incapable de se défendre et condamné d'avance), on aborde plutôt les thèmes de l'univers carcéral : visites au parloir, rapports avec les matons, misère sexuelle, harcèlement de toutes sortes, amitiés spontanées ou rejet total entre détenus, règles implicites et hiérarchies entre détenus (notamment lorsqu'il y a des parrains siciliens).
L'écriture est de plus très agréable, avec un bon style et sans longueurs inutiles. Bref, voilà un très bon livre, pas très joyeux et plutôt original.
Commenter  J’apprécie         00