Explosion de lumière et de musique industrielle dans l’appartement de Justin Brady. L’homme dont le ventre est décoré d’une immense cicatrice en forme de Y, se lève d’un seul coup. Il ne porte qu’un slip Ck noir et malgré le froid dispensé par la climatisation, n’éprouve aucun frisson, pas même la chair de poule. Les spots multicolores, pilotés par ordinateur se mettent à tournoyer sur leur socle, projetant sur les murs blancs des formes violentes qui suivent tant bien que mal la musique frénétique d’un cd de Merzbow qu’il a reçu ce matin. Raide, il quitte sa couche et s’en va coller son front balafré contre la baie vitrée donnant sur le World Trade Center. Il ne bouge plus, une véritable statue charnelle et livide. Bien qu’il reste contre la vitre pendant une dizaine de minutes, nulle trace de buée ne vient s’interposer entre New York et lui.
Le crime en lui-même suggère une froideur et une brutalité de criminel endurci. Tout comme son choix de brûler le corps dans un endroit proche mais bien discret. Il n’a pas paniqué, même s’il a commis des maladresses en allant retirer du liquide avec la carte de Claire et en se montrant à Mme Colombo.
Beaucoup bossent sur synopsis, des idées de base. On se met d’accord sur un format, une accroche, on récupère une avance financière et on se lance. C’est un travail rédactionnel un peu plus long. Mais au moins, on peut aller au fond des choses.
De tels criminels existent, des méthodiques, œuvrant masqués, prudents, utilisant des gants et des préservatifs. Des paranoïaques qui n’hésitent jamais à différer une action pour garantir leur sécurité au maximum. Des hommes qui voyagent et passent les frontières pour brouiller les pistes, commettant leurs forfaits à des années d’intervalle ; des tueurs qui profitent parfois de crimes similaires pour y glisser leurs propres méfaits. Des cauchemars pour les policiers.
Le pire fut la sortie.
Retrouver le monde, son tumulte, ses cris, son chaos brassant sans cesse les mêmes miasmes. J’ai pris sa violence et sa cruauté en pleine gueule et je me suis mis à flirter avec la belle Miss Suicide.
J’en avais marre. Esther s’est barrée, normal. Même moi je ne me supportais plus. L’unique réaction saine, l’unique réponse. Partir pour mieux me laisser baigner dans ma sueur de mort en sursis.
Il est un maraudeur et se bat contre d’autres joueurs, comme lui, incarnant de robustes nains ou des elfes graciles. Il rejoint rapidement une instance « champ de bataille » et se met à attaquer férocement un magicien entouré de flammes.
Sa drogue. Sa dose nocturne.
Ce jeu.
Pour oublier le désastre qu’est devenue sa vie.
Se perdre dans un autre monde.
Il n’existe pas de mondes alternatifs, pas de « et si… ». Un crime, une victime, un coupable.
Il déteste être le porteur de mauvaises nouvelles. Sans évoquer les situations délicates, les réactions incontrôlables mais compréhensibles de certains proches. La détresse, l’effondrement.
Le témoin appartient à tout le monde. Du moins pour le moment. Si ça débouche sur du concret, il sera toujours temps de continuer en salle d’audition.
Mieux vaut boucler 3 enquêtes plutôt que de sécher lamentablement sur une seule.