Saviez-vous que la république d’Haïti avait déclaré la guerre au troisième Reich et à l’Italie fasciste en décembre 1941 ? Et que son dirigeant avait annoncé que tout juif européen pourrait trouver secours dans ses ambassades ?
Moi non, du moins avant de lire "Avant que les ombres s’effacent", le principal intérêt du roman de Louis-Philippe Dalembert résidant en ce qui me concerne dans cette dimension instructive.
Nous y suivons Ruben Schwarzberg, né dans une Pologne dont il n’a gardé aucun souvenir, sa famille ayant migré en Allemagne alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Il fera ses études de médecine à Berlin, jusqu’à ce que l’Histoire s’en mêle et oblige les Schwarzberg, à la fin des années trente, à refaire leurs valises. Les parents de Ruben partent aux Etats-Unis, sa tante Ruth en Israël. Son oncle et lui n’ayant pu obtenir de visa, ils regagnent, après les avoir accompagnés à la gare, leur domicile berlinois. C’est là qu’ils sont arrêtés et envoyés à Buchenwald, où ils passeront plusieurs semaines, avant d’en sortir grâce à l’intervention d’un professeur de Ruben, cette libération s’accompagnant de l’obligation de quitter l’Allemagne.
Comment échoue-t-il à Haïti ? Eh bien suite à une succession de coïncidences anodines ou remarquables, parmi lesquelles la lecture d'un ouvrage intitulé De l’égalité des races humaines et la rencontre pendant la nuit de Cristal à Berlin avec des ambassadeurs haïtiens proposant à certains fuyards l’abri de leur voiture jouent notamment un rôle.
Toujours est-il qu’en 2010, c’est là que Ruben, alors nonagénaire, finit sa vie après avoir l’avoir majoritairement passée sur cette île dont il s’estime un citoyen à part entière. C’est là aussi que la petite-fille de sa tante Ruth, qu’il n’a jamais revue après son départ pour Israël, le rencontre. Venue apporter sa contribution aux secours suite au séisme qui a secoué le pays, elle fait enfin la connaissance de cet aïeul dont on lui a tant parlé, avide de son témoignage sur un pan jusque-là ignoré de l’histoire familiale.
Car son grand-oncle n’a jamais évoqué le souvenir des semaines passées à Buchenwald. D’un naturel taiseux, il a ainsi traîné un passé dont il gardé une grande mais secrète mélancolie qui l’a accompagné toute sa vie, mais a refusé de s’y attarder, faisant le choix de l’occulter pour regarder vers l’avant, reniant tout besoin d’attaches ou de mémoire. Haïti a ainsi été pour lui le point de chute idéal, contrée où tout le monde vient d’ailleurs, où "les racines des uns et des autres sont tellement entremêlées qu’il est préférable de ne pas les dénouer, au risque d’un dessèchement total du tronc".
"Avant que les ombres s’effacent" est à la fois un hommage à ce petit pays qui a réalisé la plus importante révolution du XIXème siècle et contribué au cours de l’Histoire à améliorer la condition humaine, et une réflexion sur l’influence inconsciente du passé, sur la manière dont les individus, en dépit de ce passé, se construisent.
Une lecture roulante, favorisée par une écriture fluide et un ton non dénué d’humour, mais j’avoue avoir eu du mal à m’y agripper, l’ensemble offrant une surface un peu trop lisse, qui m’a souvent laissée à distance.
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