Louise Leblanc

Chaque fois que tu allumeras une cigarette, médite. Ou bien tu fumeras moins, ou bien tu vas beaucoup méditer.

Comment ne pas être borné quand on a pour seule ambition d'être cadre.

La seule façon de faire revenir ma mère est de ramener l'harmonie à la maison.
À peine levée, je mets mon plan à exécution:
- Tiens, Laurent!
- Quoi? Tu me prêtes ton beau blouson?
- Non! Je te le donne!
- Hein?! Je ne te crois pas.
- Puisque je te le dis!
- C'est louche. Ah! Je sais! Tu veux autre chose en retour?
- Non, non! Je ne veux rien!
Laurent reste stupéfait, les sourcils en points d'interrogation.
Je ne peux pas lui dire que notre mère est partie pour toujours. Il est trop jeune pour supporter le choc. Si je lui annonce que j'ai décidé d'être gentille et patiente, il ne comprendra pas. Il me rira au nez. Je vais lui répondre … que…

Pour devenir gardienne de but, ça prend un bon plan. Un plan SCIENTIFIQUE.
D'abord, il faut s'entraîner.
Moi, je vais m'exercer plus souvent avec Laurent et ses copains. Ce n'est pas l'idéal, mais ils jouent au hockey tous les jours sur l'étang gelé du parc voisin. Puis, il faut un équipement complet de gardienne de but.

- Bonjour, Sophie! Je suis Marie-Ange!
Un ANGE! J'ai même un ange gardien. J'ouvre les yeux et j'aperçois une belle dame en blanc qui ressemble à une … INFIRMIÈRE! Je suis à l'hôpital.
- Tu es tombée sans connaissance, hier. Mais tu n'as rien de grave.
Je n'écoute plus, je me sens perdue. je suis une enfant en danger de mort, abandonnée par ses parents!

Je ne suis pas sûre que Papi et Mamie acceptent de nous laisser sortir seuls.
- T'occupe de rien, j'ai un plan!! me dit François.
Après le repas, François prend mamie Juliette par le cou et lui donne des petits becs. Comme je le fais avec mon autre mamie quand je veux lui demander une faveur. C'est un très bon plan, un plan … international.
- Pauvre Mamie, tu es fatiguée. Tu devrais faire une sieste. Pendant ce temps-là, Sophie et moi, on irait jouer au parc.
Et ça marche! Mamie accepte parce que le parc est juste à côté et qu'on lui promet de ne pas aller ailleurs.

Mes parents nous ont donné un million de conseils. Et ils en ont donné autant à Mamie qui est notre gardienne. Mais quand ils partent, tout le monde oublie tout.

Mamie ne couche pas Bébé-Ange comme ma mère le lui a recommandé. Elle commence à jouer avec elle en rigolant. Puis elle permet à Julien de regarder la télévision.

J'en profite pour lui demander si je peux aller au dépanneur Tanguay avec mon frère Laurent. C'est juste à côté. Elle accepte en nous décochant un clin d'œil:
- Tout de même, pas trop de bonbons!

C'est le printemps! Le ciel est bleu, les oiseaux chantent et tout le monde est joyeux. Tout le monde, sauf moi.
Et vous savez pourquoi? Parce que je voulais écouter de la musique et que je n'ai pas pu. Ce n'est pas compliqué, je ne peux jamais faire ce qui me plaît.
Dans le salon, mes parents avaient mis de l'opéra. C'est une sorte de musique qui dure longtemps. Avec des voix énervantes et des rires de sorcières.
Ma petite sœur, Bébé-Ange-Croton-d'amour, faisait la sieste. Je me demande comment elle réussit à dormir avec tout ce vacarme.
Je suis descendue au sous-sol. Mais là, mon frère Julien regardait Tintin sur la lune pour la centième fois.

Seize heures. J'ai l'impression de rouler dans une friteuse. L'autobus pétille de rires et de cris.

Au milieu de cette cacophonie, je ne m'entends pas réfléchir. Et j'en ai besoin! Fiou! Toute la journée s'est déroulée du mauvais pied.

-Vous aurez la mort de Julio sur la conscience!
Il s'arrête sous l'effet de la surprise. Puis il tente de m'écarter. Vite! Il me faut une idée pour le retenir:
-Une preuve! Si je vous donne une preuve, vous convaincrez les autres?

-J'en ai assez de te voir la binette, Bérubé.
Yannick se lève, le sourire fendu jusqu'aux oreilles. J'aimerais lui faire bouffer un ver de terre.
On marche en silence jusqu'à la sortie du cimetière. La méfiance règne. On repart côte à côte...
Devant chez moi, Bérubé m'arrête brusquement.
-J'ai un marché à te proposer.
Je me dégage aussi sec.

Les sapins dorment sous leur couette de neige.

-Il faut écouter le temps! En passant, il fait le ménage dans nos vies. Ensuite, on voit plus clair.

Je m'engage dans la rue... Une voiture! Ses phares percent la nuit de leur regard indiscret. Vite, je me réfugie dans les bras d'un sapin.

-Espèces de lâches! De pète-sec sans-coeur! Vous n'avez pas honte?
Je me laisse aller à mon tour.
-Réveillez-vous, bande de fritemolles!

J'ai bu une bouteille de cola pour me tenir éveillé. Il paraît que c'est aussi efficace que du café. Et je me suis couché tout habillé.
Je suis prêt!
Dès que mes parents seront endormis, j'irai surveiller la porte de M.Pommier. Quand il sortira, je n'aurai plus qu'à le suivre. Selon les événements, je verrai si je dois intervenir ou non.

***
Je me suis endormi, fritemolle de friteextramolle! Je suis poche à l'os! Et le cola, c'est nul!

Quelqu'un est venu ici aussi? Pourquoi?
-Pour te manger, mon enfant! GRRR?
Deux grands pieds s'abattent sur mes skis, me clouant sur place. Les pieds de...Bérubé, le dur de ma classe. Je suis sa victime préférée.
-Tu es moins fendant que la dernière fois, Bolduc. Ton voisin Pommier n'est pas là pour te défendre. Je t'avais dit qu'on se retrouverait!
Je suis paniqué à l'os!
-De... puis quand me suis-tu?
-Te suivre, minus! Pas de temps à perdre! J'avais à faire ici. J'ai vu les traces de tes skis et je t'ai attendu pour vérifier...
-Vééérifier quoi?
-Alors c'est vrai! Tu viens voir ton grand-père et tu lui parles! On devrait t'enfermer, dingo.

Ça se peut pas comme je suis content! Il ne m'a pas vu entrer dans le tombeau. Il est arrivé après moi. Mais un doute me traverse l'esprit.
-Et toi, qu'est-ce que tu fais dans un cimetière, en plein hiver?

Les fantômes emportent Virgina. Ils sortent du champ de la caméra et s'arrêtent près de notre petit groupe. Virgina se dégage et replace sa longue chevelure blonde.
-Léonard, elle est... tellement...BELLE!
Je comprends! En apercevant Virgina, tout à l'heure, Julio a été subjugué. Comme mon père! Et Marius! Qu'est-ce qu'ils ont tous à...
-AAAAAAAAAaaa...
Quel cri horrible!
***
C'était Dracula!

Le regard plein de flèches empoisonnées, il me décoche entre les dents:
-Tu vas me trouver sur ton chemin, le p'tit rigolo.
Fritemolle! Il faudra que je me surveille. Quand Bérubé choisit une proie, il ne la lâche pas. Un vrai pitbull.
Il est déjà intrigué par mes visites fréquentes au cimetière. Il m'a questionné à ce sujet. Si quelqu'un du village ne doit pas me suivre jusqu'au tombeau des Orasul, c'est bien lui.

Je m'éloigne de mes parents à pas de... mort. Des tombes, des tombes et encore des tombes. Dire qu'il y a des gens qui ont peur dans les cimetières. Je me demande de quoi. Il n'y a pas un endroit plus poche.

Wow! Ça c'est un monument!

On dirait un château. Il y a un grand escalier dont la rampe est faite... de tête de morts. Un vrai décor de clip rock! Super planant!
Je gravis les marches. En haut de la porte du tombeau, une inscription est gravée:
Orasul et fils
Si tu es de mon sang,
tu peux entrer.

Il est nul, cet Orasul. Je peux entrer si je veux! Dans l'état où il est, ce n'est pas lui qui pourrait m'en empêcher.