Ludovic Lecomte

Toute la classe est hyper silencieuse, comme la première fois qu'Idris a commencé à nous raconter son parcours pour arriver jusque dans notre ville. Avec ses mots à lui et son français plein d'erreurs, mais on a quand même compris qu'il avait voyagé caché dans un camion, qu'il avait été séparé de ses parents pendant le trajet et qu'il était arrivé ici sans eux, mais avec trois autres jeunes de son village. Deux d'entre eux sont aussi dans notre école, dans une autre classe. Ses yeux étaient tout rouges, et il n'avait rien dit de plus, pas un mot sur les nuits dehors, le froid, la pluie, l'aide de Nadine qui n'est donc pas sa mère.

Nous ne pouvons pas aider tout le monde, mais tout le monde peut aider quelqu'un.
Ronald Reagan

J'inquiète mes parents
Enfin pas exactement moi
mon état plutôt
Pour ma mère c'est carrément de l'angoisse je sais qu'elle a pleuré souvent au début elle se demandait ce qu'elle avait mal fait pour qu'on en arrive là ce qu'elle avait raté dans mon éducation
comme si elle y était pour quelque chose
J'ai beau lui répéter que c'est pas sa faute que je ne peux pas expliquer que ça m'est tombé dessus sans raison qu'il faut pas chercher à tout justifier elle culpabilise.
Et moi ? Quelqu'un se demande ce qui m'inquiète ?
J'abuse, je sais.
Parce que, tout le monde autour de moi aimerait comprendre, savoir, trouver une solution.
Alors j'avais dit oui pour la psy

Carrosse est un peu triste. Sur la plage, les amis se réunissent. Oscar joue du ukulélé. On chante, on danse, on rit. On mange des glaces au kiwi.

Au premier croisement, Oscar demande : "Alors Carrosse, à droite ou à gauche" ?
Carrosse lit la carte, mais c'est compliqué, elle est pleine de boucles et de petits traits.
"Par là !"
Ils traversent des villages, la route fait plein de virages.
Oscar arrête la roulotte, c'est l'heure de la soupe de poireaux et d'un délicieux repos.
Ils sont reposés, tout est rangé, le voyage peut continuer.
"Alors, Carrosse, à gauche ou à droite ?"
Carrosse cherche, mais c'est difficile, la carte est pleine de lettres et de bandes vertes.
"Par ici !"

Les savates qui ne sont pas à leur place : ça l'agace !
Le plancher plein de taches : ça le fâche !
Les poils de Carrosse par terre : ça le met en colère !
Les papiers de bonbon sur le paillasson : ça le rend grognon !

Mais ce n'est qu'une étape dans ce voyage et il faut partir. Je referme les volets, le portail et redresse le panneau "chien méchant" qui vient de se décrocher. Les clés déposées dans la boîte aux lettres de Raymonde, je remonte en voiture, jette un dernier regard à la maison de mon enfance. Bientôt un agent immobilier viendra y apposer un panneau "A Vendre" et je ne pourrai plus que passer devant et la regarder comme une étrangère que je serai devenue pour elle, à travers les barreaux du portail.

En réalité je suis un ado mal dans sa tête pas foutu de vivre comme tout le monde de grandir comme tout le monde pas capable de supporter les autres le monde la vie trop mal élevé pourri-gâté pour pouvoir se satisfaire de ce qu'il a et se rendre compte de sa chance quand d'autres auraient bien des raisons de se plaindre
C'est ce que je pensais au début et je le crois encore quand j'ai des doutes
Je n'ai que seize ans et j'ai déjà une psy
Mme Germain.
Depuis six mois.

Quand Oscar revient avec la soupe qui sent bon la carotte et les pâtes qui flottent, il regarde la porte de sa roulotte.
Oscar a une idée.
Il prend la craie à son tour et écrit:
Chez Oscar et Carrosse deux amis en or une amitié sans os.

ma chambre pour cabane
la trouille pour seule compagnie

Jeannine a une idée : "Tu peux écrire sur le sable ! Tout simplement !" Carrosse se demande pourquoi il n'y a pas pensé avant.

QUI CHANTE POUR LES POISSONS ?

Tout à coup, Carrosse crie ! Oscar et Jeannine se précipitent.
"Que se passe-t'il ?".
"Ma question a disparu, une vague vient de l'effacer"
"Mais non, la mer l'a emportée"
"C'est sûrement comme ça qu'elle lit", ajoute Jeannine.
"Et tu crois qu'elle va me répondre", interroge Carrosse.
Oscar sourit, Carrosse s'installe face à l'horizon.
Attendre, c'est long.
Et quand le soir arrive, les flots n'ont apporté aucun petit mot.

"Oscar, c'est quoi, l'océan ?" demande Carrosse.
"C'est une grande mer", répond le squelette. "Il faut retrouver la carte".
"La carte ? On joue au Mistigri ?"
"Non", rit Oscar. "Une carte avec des routes et des chemins, des collines et des étangs, des forêts et des océans."

La joie fait sauter le petit chien, le plateau, la cafetière, le bol, la tasse et les tartines de pain.

Alors, ce matin, c’est vraiment une autre histoire, c’est le squelette qui court après le chien.

Oscar est un squelette, alors pour les chiens, Oscar est en or car il est en os.

Mathurin s'assoit et ferme les yeux sur ce monde bruyant, sans aucun répit sonore ou visuel, où chaque espace est occupé par un produit à acheter, un film à voir, de la musique à écouter.
Il est fatigué par ce monde qui l'entoure, qui va trop vite, qui ne prend plus son temps. Mathurin a connu le monde sans téléphone, celui dans lequel on se parlait vraiment, on se voyait, on se touchait. Alors pensez bien que cet internet qui enferme les gens un écran à la main...

Le petit chien ne répond pas et remue la queue.

Ce livre n'est pas pour toi ! Fuis ! Ne l'achète surtout pas ... tu le regretterais !

- Chuuut, murmure l'escargot.
- Oh non, je ne vais pas me taire pour faire plaisir à Monsieur Gaston Ropode.

- Pas de bras pour l'escargot, pas d'aide pour le mulot ! ricane Miette depuis son tapis de mousse.