Citations de Malin Persson Giolito (63)
Peut-être la chance ressemble-t-elle à la malchance en cela qu'il faut du temps pour l'assimiler. Au départ, on ne ressent rien. Les émotions viennent plus tard, peut-être seulement après la disparition de ce qui nous comblait.
Rien de plus grand que l'amour. Les gens disent ça tout le temps, certains semblent même y croire.
La procureure dit que j'ai commis ces actes par amour pour Sebastian. Que rien ne comptait plus pour moi que cet amour. Elle se trompe. L'amour n'est rien face à la peur de mourir.
Ce que je regrette, aujourd'hui, ce sont les journées teintées de ces sentiments tièdes qui ressemblaient à du bonheur. Le cocktail d'émotions des vacances de Noël chez papi, quand il y avait de la neige partout, que ma tête était légère comme après une averse et mes sentiments coupés d'eau juste comme il fallait.
L'amour ? Non, cela ne me manque pas. L'amour n'est ni ce qu'il y a de plus grand ni ce qu'il y a de plus pur ; ce n'est jamais le mélange parfait, seulement un liquide sale. Il faudrait humer le verre avant d'y plonger les lèvres. Mais même comme ça, on ne s'aperçoit pas toujours qu'il est empoisonné.
La tante de Farid était le dernier membre de sa famille à être venue s'installer en Suède. […] Elle voyait partout des signes de la décadence du monde. […] Elle n'était jamais à court d'exemples. Le tsunami, le massacre d'Utoya, les attaques terroristes qui s'abattaient sur des endroits qu'elle aurait pu placer sur une carte. Les inondations en Belgique, la canicule au Canada. La pandémie. Les roses dans le jardin de Farid qui fleurissaient en décembre et les pins devant l'immeuble de ses parents qui jaunissaient à cause des champignons. La fonte de la banquise et la sécheresse en Australie. Tout annonçait l'apocalypse proche.
D'un côté de l'autoroute, le monde n'était que béton gris et brun. Il y avait les tours de la cité de Våringe, une piste de skateboard, une place déserte et l'église XVIIIème siècle qui faisait jadis la fierté de la région. Les projecteurs du grand terrain de sport étaient éteints, les bâtiments scolaires verrouillés, les portes des balcons fermées, les rideaux tirés.
De l'autre côté, un espace vert protégeait les habitations de Rönnviken du grondement des moteurs. On trouvait là-bas quatre écoles maternelles, des bois avec un parcours santé bien éclairé, une école primaire et un lycée privé offrant une filière d'économie internationale. Il y avait aussi un terrain de golf de 18 trous comprenant quatre obstacles d'eau, avec une liste d'attente pour les nouveaux membres. Une aire de jeux jouxtait le club. À quelques kilomètres de là, sur une pente faisant face à la mer Baltique, se dressaient des villas Belle Époque aux façades jaune citron. […]
Sous l'autoroute, un tunnel piétonnier mal éclairé permettait la circulation entre Rönnviken et Våringe.
"Maja Norberg a fait usage d'une arme à feu dans sa salle de classe. Elle a agi ainsi pour sauver sa vie. À présent, c'est à notre tour de sauver Maja."
"Nous avons quelques éléments écrits à citer. En effet."
'Quelques'. Voilà un exemple typique de l'humour de Sander. Il a apporté des tonnes de papiers.
"Je vous en prie, expliquez-moi comment Maja... une adolescente, choquée, menacée de mort... aurait pu agir autrement ?" Sander baisse la main en se tournant vers la table des juges. Je reprends mon souffle. "Je vous en prie, dites-moi ce que vous auriez fait à sa place ? Expliquez-moi comment vous pouvez le lui reprocher."
[...], en raison de "circonstances extraordinaires" (terme juridique pour dire "quand nous n'appliquons pas nos propres règles"), [...]
A présent, longtemps après les cours, je suis en mesure de le dire: les émotions primaires sont insipides et inintéressantes, seuls les cinglés se marrent toute la journée. Je ris parfois, mais ce n'est qu'une réaction hystérique. Honte. Peur. Tristesse. Haine. Voilà les émotions globales qui ont disparu, mélanges dans un magasin de couleurs, seize nuances de coquille d'oeuf. Jaune et bleu donnent vert. L'amitié. La jalousie? La tendresse? La gentillesse, la compassion. Le bonheur. C'est ce sentiment là que je regrette le plus: un mélange de tout y compris les émotions négatives avec un soupçon de surprise et des tonnes de joie. Le bonheur est le cocktail parfait, dont personne ne connait la recette.
Quand j'étais petite, je croyais que si on faisait un cauchemar, il fallait le rapporter à voix haute pour l'empêcher de se réaliser. Comme s'il dégringolait de la case des choses qui peuvent se produire.
L'amour n'est ni ce qu'il y a de plus grand ni ce qu'il y a de plus pur ; ce n'est jamais le mélange parfait, seulement un liquide sale. Il faudrait humer le verre avant d'y plonger les lèvres. Mais même comme ça, on ne s'aperçoit pas toujours qu'il est empoisonné.
Vous me haissez pour ce qui est arrivé, je me hais plus encore pour les explications que je ne peux pas donner. (p. 459)
...je voulais croire dans ces moments-là que ça allait mieux juste parce que ça ne semblait pas aller plus mal. ( p.424)
Mais à présent qu'il avait fini de crier, qu'il avait tout anéanti, il avait rapetissé et enlaidi. Son éclat professionnel avait disparu. (p. 298)
Je n'avais pas simplement l'opportunité de repartir de zéro. Sebastian était mon commencement. (p. 189)
J'ai demandé à Suzie pourquoi Doris est incarcérée, mais elle n'est "pas autorisée" à le dire. Quoi qu'elle ait fait,il serait plus étonnant de voir Doris en liberté plutôt que sous les verrous. Si on cherchait "pénitentiaire pour femmes" dans un vieux dictionnaire du XIXe siècle, on tomberait sûrement sur un portrait couleur sépia ressemblant à Doris à s'y méprendre, à l'exception des vêtements, peut-être. Car Doris ne portait pas d'uniforme de prisonnière (oh non!), mais d'épaisses chaussettes dans des chaussures Crocs, un pantalon de jogging et un pull en polaire. Le tout sous un immense imperméable avec des poches grandes comme des bennes à ordures. C'est là qu'elle range son tabac. Et peut-être une portée de chatons noyés.
Le hasard est la preuve que Dieu n'existe pas, ai-je envie de dire. L'abomination peut avoir été voulue, ou léguée. Mais elle peut aussi être le fruit du hasard. Être née d'une situation à la limite de la banalité.
Le mal ne signifie rien. C'est d'ailleurs sa définition même. Mais ce n'est pas parce que quelque chose nous blesse que la cause de cette souffrance est nécessairement mauvaise.
Les gens se moquent de ce que les autres disent ou ressentent, de ce qu’ils ont traversé, appris. Les gens ne s’intéressent qu’à ce qu’ils sont déjà certains de savoir.
Je me souviens avoir un jour demandé à maman -- je devais avoir pas loin de douze ans -- à quel âge on pouvait commencer à faire l'amour. "Quand tu auras tellement envie de faire l'amour avec une personne que tu te moqueras de ce que j’en pense, de ce que les autres en pensent, parce que tu préféreras mourir plutôt que de ne pas le faire, alors tu seras assez grande", avait répondu maman. Je croyais qu’elle disais ça pour montrer qu'elle était ouverte d'esprit, qu'elle reconnaissait la beauté du sexe. Je l'avais trouvée écœurante et affectée. Mais elle avait raison. Pour une fois, j'aurais dû l'écouter.