Citations de Marcel Béalu (67)
Ma tour était un phare englouti sous les eaux. Devant ses feux éteints et ses miroirs brisés, inutile guetteur je pouvais voir parfois, traversant les profondeurs opaques peuplées de lémures, un grand navire aux flancs troués se poser sur un lit de bulles roses.
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Regret des oiseaux
Anonyme (20ème siècle)
L'envolée
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Quand je sens venir ton plaisir
J'aime regarder tes yeux clairs
Ah plonger en criant de joie
Dans ces abîmes de lumière
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La liberté ne s'écrit pas sur la forme changeante des nuages
La liberté n'est pas une sirène cachée au fond des eaux
La liberté ne vole pas au gré des vents
Comme la lunule du pissenlit
Elle n'allume pas ses bougies de Noël
Aux lampions du 14 juillet
La liberté je lui connais un nom plus court
Ma liberté s'appelle Amour
Elle a la forme d'un visage
Elle a le visage du bonheur
(" C'était hier et c'est demain")
A la fin des années trente, j'étais encore marchand de chapeaux, mais l'appartement au-dessus de la chapellerie, à Montargis, était rempli de livres qui, pour moi, représentaient la liberté. Vases communicants : du jour où je parviendrais à vivre entièrement parmi les livres j' acquerrais la liberté. La solution- Le compromis- consistait à remplacer les chapeaux par les livres. pourtant je n'envisageais encore nullement de devenir libraire. Mais de plus en plus je me sentais attiré, hanté, appelé par la Poésie, mot que je n'écrivais jamais sans majuscule. Elle seule m'apparaissait comme une porte ouverte sur le monde. (p.10)
Celle que j'aime habite un miroir
Comment pourrais-je la rejoindre
Dans ce fracas d'astres glacés
Moi qui n'ai pas trop de silence
Pour ne ressembler qu'à moi-même
Aux marches blanches du sommeil
Glisserai-je ombre sans mémoire
Vers ce château de solitude
Défendu par tant d'oiseaux noirs
Pour monter jusqu'à son sourire
Sans déranger cette eau profonde
Qui le préserve de mourir
Il me faudrait être la nuit
Et ne plus savoir d'où je viens
LE MIRACLE
Je ferai de ma flamme
Autour de toi des ailes
Ainsi disait la torche
Amoureuse du lys
Ma blancheur deviendra
Le doux feu qui ronronne
Ainsi disait le lys
Amoureux de la torche
La torche étreignit le lys
Le lys étreignit la torche
Une à une dans le ciel
Les étoiles disparurent
Et les amants embrasés
Si étroitement soudés
Devinrent dans la nuit vide
Une étincelante épée.
Deux amants sont devenus arbres
Pour avoir oublié le temps
Leurs pieds ont poussé dans la terre
Leurs bras sont devenus des branches
Toutes ces graines qui s'envolent
Ce sont leurs pensées emmêlées
La pluie ni le vent ni le gel
Ne pourront les séparer
Ils ne forment plus qu'un seul tronc
Dur et veiné comme du marbre
Et sur leurs bouches réunies
Le chèvrefeuille a fait son nid
Baiser
(...)
Puis, quand s'approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,
Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitemnent folâtrent et nouent,
Éventent mes douces ardeurs,
Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.
Joachim Du Bellay
L’indifférent
J'ai un cheval noir et trois ânes blancs
Dans une maison près d’un étang rose
Le cheval peut galoper dans la lune
Les trois ânes trotter sur l’étang
Je n’aime plus que le vent de novembre
Courant après les passants de Paris
Et l’ombre que fait ma plume en grinçant
Que m’importe son amour, s’il ressemble à de la haine ! » Mais peut-être justement était-ce parce que je le savais, ce masque haineux, le véritable visage de l’amour que je faiblissais devant lui.
Elle m’en démontrait par sa seule présence l’inanité. Mais toute tentative de fuite nous était défendue. Le monde visible, solidement d’aplomb sur ses bases millénaires, ce monde qui n’accepte à aucun prix de perdre l’illusion flagrante de sa permanence, opposerait partout à ma nouvelle épouse son refus absolu.
Les grandes passions commencent par un simulacre, la danse avant le sacrifice.
La lecture n'est-elle pas un miracle qui permet de se faire un ami à travers le temps et l'espace? Il a suffi d'une petite phrase, de quelques mots rassemblés, pour me révéler qu'un homme, l'auteur de cette petite phrase, qui vivait vingt ans, cent ans, plusieurs siècles avant ma venue sur la terre, a eu cette même pensée que je n'arrivais pas à formuler et qui brusquement m'apparaît, par la grâce de ces quelques mots, dans sa vérité éternelle. (p.146-147)- "Le Chapeau magique 1. Enfances et apprentissages"
Ce métier de courtier en ouvrages précieux ou rares m'initiait aux fluctuations des goûts et aux vraies valeurs, ajoutant un fleuron à ma panoplie d'expériences. Il réclame une grande connaissance. Plus d'un des bougres qui l'exercent, farouches individualistes, souvent "anars" de droite ou de gauche, en savent plus sur la littérature contemporaine qu'un énarque. Les plus grands écrivains le pratiquaient avant moi, qui affectèrent ensuite de mépriser ce négoce. (p.83)-"Porte ouverte sur la rue"
La fleur se mit à chanter. Une chanson douce et cependant violente sourdant des racines pour monter jusqu'au calice et s'élancer légère, si légère, mais en même temps sonore et pleine, vers les plus hautes feuilles. Et la clairière entière, brusquement éclairée d'une extraordinaire lumière, devint vivante pour se pencher vers la merveille.
La fleur qui chante
Il faut s'égarer sept fois dans le labyrinthe de la terre pour connaître l'écho qui en habite les voûtes, gardien des métaux et des pierreries ; le masque verdâtre hantant ses profondeurs ; la mélancolie de ses grottes humides, asiles des pensées secrètes et des monstres. Au rescapé de ces régions étranges la surface de la terre apparaît couverte d'organes suceurs, nouveaux pièges qu'il devra vaincre. Fécondée, la terre autrefois si légère devient lourde, oeuf gigantesque pesant à nos pieds comme aux serres de l'aigle la proie.
Je n'ai pas de voix, pitoyablement ma bouche s'ouvre et se ferme. Au nom de quoi, au nom de qui, parlerai-je ? Etranger, je ne peux être que le représentant d'un autre monde. Ma vertueuse indignation de témoin incognito ne vaut rien. Va-t-en spectateur, ou apprends mieux ton rôle!
L'enfant couve en lui une aurore, les fragments d'un soleil éternel sont prisonniers de son sang. Quand jaillit pour la première fois sous ses doigts l'étoile perlée, l'immortelle fleur de nacre, il n'a de répit jusqu'à ce que surgisse à nouveau, au sommet de le Rose Trémière, cette larve d'astre, cette perle du matin. Tant qu'il y aura le désir, avec cette pressante, cette inconcevable tendresse, d'atteindre un autre sang, de toucher une autre chair, il restera branché sur le soleil, à l'écoute de la lumière.
Qu'est-ce que j'ai fait ? se demande-t-elle souvent. Elle ment à Simon. Elle devient une autre femme, une femme qui désire une femme. Et elle le sait. Mais ce savoir ne mûrit que faiblement, retardé par la sourde approbation : C'est moins grave qu'avec un homme. Avec une femme je ne peux pas trahir Simon...
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Des fleuves d'herbe coulent entre mes doigts, se mélangent à mes gestes. Un arbre n'est pas un arbre, c'est un oeil qui se tourne lentement vers la lumière et s'ouvre à chaque printemps.
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