Marie-Laure Buisson

Mais ne pleurez pas sur mon sort. Juste avant que ce SS appuie sur la détente, j'ai eu le temps de hurler mon testament. Liberté ! ai-je crié avec les forces qui me restaient. Et c'est toute l'humanité qui m'a entendue. Je le sais.
Voilà. La fumée qui s'échappe de la cheminée n'est pas l'anéantissement d'une vie mais le début d'une légende. N'y voyez pas la mort d'une femme mais l'avènement d'un nouveau monde. Vous qui avez survécu à la guerre, fixez donc cette volute noir carbone. En plissant les yeux, vous y discernerez des images qui chantent ma vie : les couleurs des soieries indiennes, la pureté de la neige de Moscou, le cliquetis du morse qui maquille les secrets, les partitions de chants hindous, la terreur des nuits de couvre-feu, les rues escarpées de Paris en guerre, le parfum du thé anglais, la puanteur des salles de torture, mais aussi le courage de la Résistance, la traque de la Gestapo et le destin inouï d'une princesse des Mille et Une Nuits. Mon nom est Noor, ne l'oubliez jamais. Je suis morte pour votre liberté.

Ce livre est un hommage à l'éternel féminin. Ces héroïnes n'ont ni followers ni boulevards à leur nom mais méritent d'être connues et reconnues de tous.

Ce livre est un hommage à l’éternel féminin. Ces héroïnes n’ont ni followers ni boulevards à leur nom mais méritent d’être connues et reconnues de tous. À la manière d’un tableau impressionniste, leurs visages dessinent un seul et même portrait qui, depuis le fond des âges et sous des latitudes différentes, évoque le courage et la ténacité, la passion et la volonté, la force et la douceur, l’instinct et la capacité de survie. Ce substrat héroïque est au fond de chacune d’entre nous, j’en ai la conviction. À travers leurs histoires, je veux montrer que nous sommes par nature combattantes et qu’une autre vision de l’équilibre entre les hommes et les femmes est possible, sans animosité mais avec dignité.

Il m'est également apparu que le trait commun de toutes ces femmes réside dans la "gratuité" de leur engagement, dans la pureté de celui-ci, consenti sans rien attendre en retour, sans l'espoir d'une rétribution, sans volonté d'en tirer une quelconque gloire ni aucune ambition pour un avenir professionnel ou politique. Et c'est bien la pureté de cet engagement qui le rend si beau, car il y a là un abandon, une façon de donner sa vie, son destin en cadeau.

Depuis mon enfance, j'ai rêvé mille fois d'héroïnes célèbres qui s'étaient battues pour régner en maîtresses femmes, sauver leur pays ou protéger les leurs avec une poigne et une force allant à rebours des qualités habituellement conférées au sexe que l'on qualifie à tort de "faible".

Les risques inouïs que ces femmes n’ont pas hésité à prendre sont-ils fous, inconscients, dictés pas la foi ou par un égo démesuré ?