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Critiques de Mathieu Palain (399)
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Ne t'arrête pas de courir

En rencontrant Toumamy Coulibaly, en tentant de le comprendre, Mathieu Palain s’est lancé dans une aventure risquée mais ô combien passionnante et enrichissante !

Très instructif aussi, N’arrête pas de courir débute avec le premier parloir entre Mathieu Palain, journaliste, et Toumamy Coulibaly, Champion de France du 400 mètres mais voleur multirécidiviste. Ils ont le même âge et ont grandi dans la même banlieue, au sud de Paris.

Débute alors une série de rencontres durant lesquelles Coulibaly se livre de plus en plus, exprime ses doutes, ses souffrances. Après avoir subi la surpopulation abominable de la maison d’arrêt, il est maintenant dans le centre de détention de Réau (Seine-et-Marne).

Sportif très doué pour courir le 400 mètres, une des courses les plus pénibles de l’athlétisme, un sport qui ne nourrit pas son homme, Coulibaly parle du Mali d’où vient sa famille, pays où il passe plusieurs années dans un village loin de Bamako. Si son père l’a envoyé au Mali rejoindre sa mère alors que celui-ci vide les poubelles à Paris, c’est parce que Toumamy, né le 6 janvier 1988, a déjà fait plusieurs bêtises.

Élève du CM1, il a volé la gameboy d’un camarade puis continue dans les magasins, pour l’adrénaline, sans en tirer profit. Déjà, à cet âge-là, il connaît sa première garde à vue de quatre heures.

Quand il revient en France, en 2004, il a 16 ans et s’intéresse aux filles. Trois ans plus tard, il rencontre Rita qui lui donnera trois enfants et ne l’a jamais abandonné malgré les vols, les cambriolages perpétrés par cet homme qui ne sait pas dire non lorsqu’on le sollicite pour un mauvais coup.

Construit en trois grands mouvements, le récit s’éloigne parfois de son principal sujet. Mathieu Palain fait part de ses expériences souvent en lien avec le milieu carcéral. Quand il évoque Lorentxa Beyrie, militante basque incarcérée depuis des années, lui reviennent en mémoire ses vacances au Pays Basque. C’est sûrement à partir de là que l’auteur a commencé à s’intéresser aux personnes détenues. Il enquête sur la plus grande prison pour femmes à Rennes. Il part aux États-Unis pour rencontrer Dewey Bozelli, libéré de Sing Sing après vingt-six ans d’incarcération pour un crime qu’il n’a pas commis. Mathieu Palain va aussi à la rencontre des violeurs et pédophiles soignés dans l’hôpital pénitentiaire de Fresnes puis a connu aussi beaucoup d’autres lieux de privation de liberté, tout cela complété par une participation à des groupes de paroles et même une ascension du Mont Blanc avec deux hommes en détention à Bourg-en-Bresse qui n’avaient pas vu un arbre depuis deux ans.

L’intérêt de la lecture de N’arrête pas de courir ne décroît jamais car Mathieu Palain écrit de façon vivante et variée, n’abusant pas des dialogues, incluant même les courriers de Toumamy Coulibaly alors que ses permis de visite ont été suspendues.

En effet, plusieurs psychologues le mettent en garde, lui disant de « penser à se protéger » et obtiennent de la direction du Centre de détention cette suspension qui n’altère pas la relation entre ces deux hommes du même âge, sportifs tous les deux.

Si la fin du livre est ouverte, elle permet à Toumamy d’apporter des explications, tentatives de compréhension pour ces vols sans cesse recommencés comme au soir de son titre de Champion de France 2015 du 400 m, en salle. Dans la violence du système carcéral, Toumamy Coulibaly a tenté d’y voir plus clair, de se comprendre lui-même pour que son retour à la vie normale soit réussi. Rita, ses trois enfants et lui-même le méritent bien.

Quelle belle fin avec le texte de la chanson de Lluis Llach : Voyage à Itaque : « Bon voyage aux guerriers, pourvu que les dieux des vents leur soient favorables, que leurs filets se remplissent de lumière, d’aventure et de connaissance », poème envoyé par Lorentxa.

N’arrête pas de courir, de Mathieu Palain, fait partie des huit livres en lice pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022.


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Ne t'arrête pas de courir

Mathieu Palain et Toumany Coulibaly sont nés la même année, en 1988, à six mois d'écart et ont grandi tous deux dans la même banlieue, au sud de Paris.

Le premier est devenu journaliste, avec comme univers de prédilection, la prison, et écrivain alors qu'il rêvait d'être footballeur. Quant à Toumany Coulibaly, Malien d'origine, cinquième d'une famille de dix-huit enfants, il est un athlète hors-normes et un voleur multirécidiviste.

Quand Mathieu Palain tombe sur un article qui traite de cet athlète sacré champion de France du 400 mètres qui a choisi de gâcher son talent et sa vie et qui comparaît à nouveau devant le tribunal correctionnel d'Evry pour une tentative de cambriolage alors qu'il est actuellement en détention pour des faits similaires, il est aussitôt intéressé, ignorant si c'est le fait que ça parlait de sport ou de ce coin de l'Essonne où il avait grandi. Toujours est-il que, bien que Toumany Coulibaly ait exprimé clairement son désir de ne plus avoir affaire à des journalistes, il décide tout de même de lui écrire à Fresnes, lui disant son désir de le rencontrer. Ce n'est qu'un an plus tard qu'il aura une réponse, depuis le centre de détention de Réau où l'athlète a été transféré. Mathieu Palain fait sa demande de parloir avec l'accord de Toumany et le bouquin démarre d'ailleurs avec la description détaillée de ce premier parloir. le courant passe bien et l'auteur qui a du coup plein de questions a envie de revenir et il revient bientôt chaque semaine, pendant deux ans. Une amitié naît et chacun va parler à coeur ouvert et se dévoiler.

Il ressort de ces entretiens, un portrait absolument saisissant et bouleversant de cet homme surdoué dont l'existence aurait pu être toute autre. Difficile de ne pas être sensible à cet aveu de Toumany lorsqu'il pense que sa carrière de voleur débute quand la première fois de sa vie, il a eu honte pour sa mère suite à une réflexion d'un client dans un magasin, il n'avait alors que quatre ou cinq ans.

Il va ainsi dérouler le fil de sa vie et tout au long du récit, tout comme Mathieu Palain, et comme ses entraîneurs successifs, j'ai été prise d'empathie pour ce gars qui ne peut s'empêcher, même après son admirable prestation lui rapportant le titre de champion de France de France du 400 mètres en salle, en 2015 sans effort apparent, de partir quelques heures plus tard avec des complices cambrioler une boutique de téléphones portables, après avoir déposé sa médaille sur la table. J'ai ressenti également de l'admiration pour sa persévérance à se maintenir à un certain niveau pendant son incarcération et sa faculté à s'adapter aux conditions pour le moins non adéquates à ce genre d'entraînement.

Quel est cet appel impérieux qui le pousse à agir ainsi ? C'est ce que Mathieu Palain essaie de décrypter. Pour sa part, Toumany Coulibaly a, à un moment, affirmé : « Tu sais, Anne, c'est compliqué de te dire ça, mais j'ai plus d'adrénaline quand les flics me courent après qu'en remportant un 400 mètres. »

Certes, comme nous lecteurs, l'auteur voudrait que Toumany change, qu'il s'en sorte et qu'il devienne champion olympique mais la réalité est autre, comment résister à cette pulsion irrésistible qui affecte notre athlète ?

Tout en essayant de résoudre cette énigme, Mathieu Palain, en journaliste scrupuleux va s'interroger lui-même et tenter de déchiffrer ses propres obsessions et nous les confier. Et ainsi, deux récits de vie finissent par s'entrecroiser.

L'aspect sportif est vraiment réjouissant au contraire de l'aspect judiciaire particulièrement déprimant.

T. Coulibaly continue à s'entraîner et à courir dans les cours de promenade de ses lieux de détention, pour garder son niveau, avec l'espoir de reprendre à sa sortie si la Fédération le veut bien et rien n'est moins sûr. M. Palain, également, se met à courir lui aussi, et ils s'affronteront même, amicalement, lors d'une permission.

Cette enquête journalistique romancée offre un récit particulièrement vibrant et fort, absolument prenant qui rend compte des visites en parloir, de la réalité du monde carcéral avec les effets délétères de l'enfermement prolongé et le processus de désocialisation puis de déshumanisation qui se met alors en place, mais c'est également un récit plein d'humanisme.

Nul besoin d'être féru d'athlétisme pour apprécier et être emporté dans ce roman psychologique tout autant captivant que percutant : un vrai coup de coeur !

Tout en abordant la complexité de la vie et la cruauté du sport de haut niveau, Ne t'arrête pas de courir, en lice pour Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022, est une profonde réflexion sur la délinquance, l'enfermement, la récidive et la prison, faisant dire à l'auteur : « Seuls les idéologues et ceux qui n'y ont jamais été confrontés peuvent croire ou dire – au fond quelle différence – que la justice est la même pour tout le monde ».

Magnifique Prix Interallié 2021 !




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Sale gosse

Un premier roman vibrant sur les rythmes d’un rap inspiré, bande-son d’une course contre la montre pour empêcher le destin de se répéter. Social et poignant, Mathieu Palain maîtrise son sujet à travers un jeune délinquant et son éducatrice dévouée.



« C’est le son pour les sales gosses », comme le chante Dadoo dans sa chanson du même nom. Si cette musique permet à Wilfried de s’évader de sa cité, c’est pour mieux échapper à son “passé cabossé” dans son dédale de tours et de barres enchevêtrées.

Huit mois de suspension, c’est la sanction dont il écopera pour avoir « goumé » un adversaire à terre, jusqu’à lui fracasser la mâchoire.

Huit mois, c’est aussi l’âge auquel il aura été accueilli par une famille aimante et attentive à son bon développement. Tout pour s’en sortir. La passion du ballon chevillée aux pieds. Jouer au foot, plutôt que de passer ses soirées, assis sur un banc à «  buter son ennui dans des flasks de Label 5  », devant un sol jonché de clopes éventrées.

Le foot ou la « bicrave ». Sa destinée se construira à l’A.J. Auxerre, comme sa descente aux enfers. « Demain, c’est loin », chantait IAM, mais est-ce « l’empire du côté obscur » que jouait le groupe marseillais, qui tentera Wilfried lorsqu’il commettra son acte irréparable ? Huit mois de suspension, pour un joueur en formation, équivaut à l’exclusion.

«  Avec la colère, des fois j’ai l’impression que je pourrais tuer à mains nues. Limite, ça me fait flipper, tu vois ? Je sens le truc monter, je me sens grave puissant  »

C’est le retour à la case cité, éberlué et hébété, avec pour seule bouée de sauvetage la P.J.J., la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Un monde à part, méconnu, car ignoré. Le monde de Nina, son éducatrice, que l’on va suivre ici de plus près, en « caméra embarquée », rappelant parfois l’atmosphère enlevée du film Polisse.

Un monde que Mathieu Palain connaît bien. De père éducateur, il a toujours vécu à Ris-Orangis où il est né. Grandi du mauvais côté de la Seine, ce jeune journaliste nous offre sa vision urbaine de la « frontière sociale », dans un premier roman touchant et vibrant, scandé sur les rythmes saccadés d’un rap inspiré.
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Sale gosse

°°° Rentrée littéraire 2019 #2 °°°



Je sors malheureusement très mitigée de cette lecture

La grande qualité de ce premier roman est la sincérité de son propos. Mathieu Palain est journaliste, visiblement marqué par le parcours de son père, éducateur social. Il a choisi de s'immerger pendant six mois dans le quotidien d'une équipe de la PJJ ( Protection judiciaire de la jeunesse ) d'Auxerre. Tout son roman se nourrit de ce terreau brut constitué de vraies histoires, de vraies rencontres. Tout sonne donc très juste, situations et personnages, mettant le lecteur face à des ados en perdition, à commencer par Wilfried, né du mauvais côté de la vie : mère trop jeune et perdue dans la drogue, il est abandonné, placé par la DDASS dans une famille d'accueil aimante, jusqu'à être obligé par une décision judiciaire de retourner vivre avec cette mère qu'il ne connait pas et rejette. On est forcément empli de sympathie pour ce jeune plein de rage qui disjoncte. On est forcément empli d'admiration pour l'enthousiasme des éducateurs à tenter de raccrocher à la vie ceux qui s'en sont éloignés malgré le manque de moyens. Mathieu Palain raconte parfaitement le dévouement, la fatalité, la facilité à sombrer dans la délinquance, le manque d'amour, tout ce qu'on fait subir à ces enfants au nom du bien



«  - Quand je suis arrivé à la PJJ, je voulais changer le monde. Aujourd'hui, j'essaie de ne pas l'abimer. Ton métier, c'est semer sans jamais récolter. Tu suis des mômes qui disparaissent dans la nature, d'autres les remplacent et tu dois te remettre à semer. Ce n'est pas pour les pragmatiques qui veulent des résultats.

Marc passa le concours de directeur. Il se voyait comme une sorte de cancérologue ; les gents mourraient autour de lui, mais il continuait coûte que coûte car, de temps en temps, il en sauvait un. »



Cette intensité du sujet, je ne l'ai pas retrouvé dans la forme. L'écriture reste très journalistique, efficace, descriptive mais assez terne j’ai trouvé. Ce n'est pas un défaut, mais l'auteur a choisi la forme romanesque, plutôt que celle de la chronique. du coup, rien n'est assez transcendé comme cela aurait pu l'être avec une écriture plus forte. La sympathie que j'ai ressentie pour Wilfried ne s'est jamais transformée en empathie. J'ai été touchée, en colère de voir ces jeunes si maltraités par leurs parents ou le système judiciaire mais jamais bouleversée ou révoltée. Bref, mes émotions n'ont pas décollé alors qu'elles n'attendaient qu'à exploser.

Peut-être aussi que l'histoire de Wilfried et son parcours sont assez convenus au final, peut-être trop vus, avec parfois des liens entre les situations qui m'ont semblé peu fluides ( je n'ai par exemple pas bien compris le ressort de la relation entre Wilfried et Nina son éducatrice ) .



En fait, je ne suis jamais parvenue à lire sans avoir les images secouantes des films La Tête haute ( d'Emmanuelle Bercot ) et Polisse ( de Maïwenn ) qui s'imprimaient dans mon cerveau, des films qui m'avaient profondément marquée et fait réfléchir. Impossible également de ne pas penser au remarquable documentaire « Itinéraire d'un enfant placé » dont le sujet est très proche : Yanie, 14 ans, obligé de quitter la famille qui l'accueille depuis ses 14 mois ( cause retraite ), obligé de se rapprocher de sa mère qui sort de prison. Un autre sale gosse au parcours sidérant, insondablement douloureux. J'aurais aimé être tout aussi bouleversée face à la trajectoire de Wilfried



Un premier roman à la fois brut et doux, qui sent le vrai et la sincérité, mais qui me laisse un goût d'inachevé.



Disponible à partir du 21 août.

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Ne t'arrête pas de courir

Écriture sans reproche, motivation clairement ressentie, lecture fluide, le récit de Mathieu Palain est agréable à parcourir.

Par contre, une fois la dernière page tournée, je me pose la question du thème.



Est-ce le sport de haut niveau, la vie en prison, la délinquance originaire, le travail du journaliste, le vol pathologique ? C’est en fait tout cela en même temps, et si chaque sujet est traité avec sincérité et clarté, il m’a manqué une colonne vertébrale, un centre d’interêt plus clairement identifié pour apprécier pleinement ces lignes.



Rien de nouveau sur la vie en prison, ni sur la difficulté du quotidien dans les cités cosmopolites de la périphérie parisienne.



Retiendrai- je les temps records du 400 mètres ? Pas sûr.



Reste la personnalité du personnage central, à la fois héros et mis au ban, qui a mis à mal ses dons exceptionnels et, malgré les multiples avertissements puis les sanctions sévères, les infractions se succèdent, au gré de pulsions incontrôlables.



Il est aussi intéressant de constater qu’au delà du livre à écrire, il semble s’être noué une amitié sincère avec une sorte de fascination de la part de l’auteur, à la fois pour les performances sportives et le terrain pathologique de Toumany Coulibaly.



Les enquêtes journalistiques se déclinent en littérature avec cette propension à mêler la vie personnelle de l’écrivain au récit proprement dit. Jaenada a ouvert la voie. Il faut cependant être vigilant pour ne pas s’y perdre.


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Sale gosse

Avec ce premier roman, Mathieu Palain nous propose, une immersion au coeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.



Autant dire que l’on est loin du pays des Bisounours. Wilfried, Nina, Samy et tant d’autres vivent avec des repères flous , les mêmes que ceux qui ont laissés leurs parents sur la touche, avec pour seules limites celles qui les confrontent à l’occasion aux instances juridiques, que l’on sent bien démunies. Face à ces ados, qu’une première expérience auprès du tribunal a immunisé contre la crainte du système, il faut des gens motivés, qui y croient malgré le manque de moyens, de personnel, malgré la logique absurde, malgré les échecs inévitables. Y croire, parce que lorsque l’on sort ne serait-ce qu’un de ces jeunes, du cercle vicieux de la dérive sociale, on a gagné quelque chose.



C’est à partir d’un stage en immersion auprès de la PJJ d’Auxerre que ce qui devait être un article, que l’auteur, journaliste, a écrit ce roman. Ça sent le vécu, à travers les dialogues si bien rendus qu’on a l’impression de les entendre. On perçoit également toutes les émotions qu’ont pu susciter ces situations dramatiques, que les solutions proposées ont pu aggraver, tant il est difficile de rester indifférent à ces destins verrouillés dès le départ.



On salue l’authenticité de ce partage, et l’humanité qui s’en dégage, loin des préjugés qui condamnent sans comprendre.



Il y manque cependant une dimension romanesque, dans ce récit qui tient plus d’un mémoire ou d’un rapport de stage que d’un roman.
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Sale gosse

Ce livre m'a incontestablement intéressé puisqu'écrit par un journaliste qui s'est plongé dans le milieu de l'aide à l'enfance et aborde un sujet qui , d'une part , ne peut qu'agiter les consciences et d'autre part ,revêt un " traitement " d'urgence pas si facile à mettre efficacement en place . D'un côté, un "fil rouge " avec le parcours du jeune Wilfried qui , malgré un " avenir " favorable ne parvient pas à saisir la perche que lui fournit son talent , de l'autre côté, plusieurs exemples de parcours " fragiles " , voire " voués à l'échec " pour des raisons ....qui , le plus souvent , dépassent la Raison .

Dans le monde cabossé , fracassé de cette jeunesse , des personnes engagées, sensibles , disponibles , humaines , éducateurs et éducatrices hors pair se démènent comme de beaux diables pour un résultat incertain , jamais définitif, jamais perdu , jamais gagné , toujours " sur le fil ". Roue de la fortune , roue de l'infortune et , au bout d'un moment , nécessité " d'aller à l'idéal et de comprendre le réel " . Le réel, on le découvre. " Nous sommes tous de notre enfance " . Et puis , un jour , se "contenter" du moindre pas en avant , considérer chaque once de réussite pour continuer et même ....sauver sa peau . Bel et mérité hommage à tous les travailleurs sociaux et à tous ceux et celles qui " jouent les pompiers de service ".

Bon , c'est ce que nous décrit, et fort bien , l'auteur .

Cependant , ce qui m'a gêné, c'est justement un peu ce poids factuel du documentaire. Outre le fait que ces situations sont connues et souvent commentées ici ou là, il m'a manqué quelque chose difficile à exprimer , peut être tout simplement l'humanité , l'amour . Les faits concernant le socle familial sont présentés comme trop " banals " : abandon , violences , alcoolisme . On parle des dramatiques conséquences, on élude les causes et le cercle infernal se remet en route . Le sujet est terriblement difficile à vivre pour les protagonistes , on ne peut se contenter de désigner " les coupables et les victimes " , sachant que " les uns" deviendront "les autres " à leur tour . Je n'ai pas de solution . Ce livre m'a donné une " photographie " mais n'a pas " zoomé ".

Néanmoins, il a le mérite de rappeler qu'individus et société ont vraiment " du boulot " pour que tout le monde puisse VIVRE , EXISTER.

Je n'en dirai pas plus , si ce n'est que ce livre s'est montré un peu " plat " pour m'émouvoir mais m'a rappelé que la misère morale avait bien du poids , trop , dans notre monde .
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Ne t'arrête pas de courir

« En quoi un taulard diffère de l’homme de la rue ? Un taulard est un perdant qui aura essayé. » (p.384)

Mathieu Palain, journaliste, part à la rencontre de Toumany Coulibaly sportif de haut niveau, taulard patenté. Une amitié va naître peu à peu entre les deux hommes, Mathieu rencontrant tous les mercredi Toumany au parloir…

L’histoire est belle, intéressante, cependant il n’y avait pas matière, selon moi, à en faire un livre de plus de 400 pages, le propos s’étire, tourne en rond, comme Coulibaly dans sa cellule ou dans la cour de la prison qui continue à courir vaille que vaille.

J’ai eu du mal à cerner le personnage trouble qu’est Toumany Coulibaly, on ressent l’envie de l’aider, qu’il s’en sorte, ses mots touchants semblent sincères, ainsi que son envie de s’en sortir pour sa femme et ses enfants. Et pourtant, c’est plus fort que lui, Toumany gâche sa vie et son incroyable talent en petits cambriolages foireux de pharmacies et de magasins de téléphones portables, et on reste sidéré par tant de bêtise et d’acharnement à se détruire.

Le livre met en lueur les difficultés des athlètes qui ne gagnent rien pour leurs exploits, 650 euros par mois, alors qu’ils doivent avancer tous les frais de leur poche (péage, essence, hôtel …). Indéniablement, quelque chose ne tourne pas rond dans ce système.

Mathieu Palain nous fait également découvrir le quotidien de Toumany dans l’univers carcéral (Fresnes puis Réau), et celui du tribunal, dans lequel le nombre d’années qu’un homme va passer en prison se joue en quelques minutes ...

Des sujets intéressants, mais le livre aurait gagné en force à être resserré, et le style très narratif m’a parfois dérangé (je demande, je dis, …)

Je laisse le mot de la fin à Leslie Djhone, athlète de haut niveau aujourd’hui à la retraite, « En tant qu’éducateur, je pense qu’il a payé et qu’il ne mérite pas une condamnation à vie. Mais s’il était en face de moi, je lui dirais de laisser tomber. Trouve un boulot. Prends soin de ta famille. Tu dois du temps à tes enfants et vivre ces moments-là sera toujours plus intéressant que se tuer sur la piste, parce que tu gagneras pas ta vie avec l’athlétisme. Ton passé va te desservir. Les partenaires, les équipementiers, ils investissent sur la jeunesse, pas sur un mec de trente-trois ans qui sort de taule. C’est dur à entendre, mais c’est la vérité. Et pourtant, j’aimerais le voir courir. » (p.248)

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Ne t'arrête pas de courir

"Ne t'arrête pas de courir"...En lisant ce titre tout de suite je ne peux que penser à la fameuse réplique" cours cours Forrest" dans Forrest Gump de 1994.

Mais ici, pour quelle raison court Toumany Coulibaly? Est-ce pour performer ses chronos lors de courses d'athlétisme ou pour échapper aux forces de l'ordre après un cambriolage? Malgré le fort potentiel du jeune coureur au niveau national et international, il faut se rendre à l'évidence, cette passion ne lui permet pas de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.



Passionné lui aussi de sport mais n'ayant pas pu en faire son métier, Mathieu Palain a tout de suite était fasciné par le parcours atypique de Toumany.

Ayant vécu dans le même coin et ayant le même âge, le jeune journaliste qui se rêvait footballeur à décidé un jour d'écrire à Toumany Coulibaly pour le rencontrer en détention et tenter de comprendre l'histoire du grand sportif tricolore. Des nombreux parloirs va naître un lien de confiance avant de découler sur une véritable amitié entre les deux hommes.



Récit très intéressant retraçant le parcours de Toumany Coulibaly, cet ouvrage trouvera son public parmi les passionnés de sport et/ou les lecteurs curieux de découvrir des parcours de vie singuliers...
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Sale gosse

Wilfried est un sale gosse. Il se fait virer de son centre de formation alors qu'un avenir certain dans le football semblait lui être promis. Il va rentrer auprès de sa famille d'accueil et va traîner son mal être entre les tours et dans les rues de la ville. Comme un lion en cage qui ne comprend pas la violence qui monte en lui. Insidieusement. Douloureusement.



Portraits croisés d'enfances abîmées, de parents désorientés. Immersion au sein de la P.J.J., Protection Judiciaire de la Jeunesse. Combats quotidiens pour que ces jeunes gardent la tête hors de l'eau, retrouvent des repères.



Ce roman prend les allures de la réalité. Et raconte. Décris une vérité.



Jusque dans les mots. Modernes, urbains, parfois vulgaires. J'ai apprécié de partir à la rencontre de ces jeunes gens abîmés. Lire, c'est toucher du doigt ces vies que l'on croise au quotidien sans les comprendre, éloignées de notre réalité. C'est ce que j'aime lorsque je lis, partir à la rencontre ...



Le sujet est évidemment bouleversant. Voir ces enfants se débatte, ces parents impuissants, ne peut que toucher en plein coeur. La réalité est crûe et le peu de moyens pour lutter contre cette fatalité semble effrayant.



Il s'agit d'un livre qui se lit très vite, trop peut-être. Comme un reportage intéressant. Il m'a manqué ce je ne sais quoi qui aurait pu en faire une lecture inoubliable. Les goûts, les couleurs et autant de lecteurs. Il m'aura juste manqué une certaine émotion pour en faire un incontournable, à mes petits yeux.



Peut-être faut il le lire comme un témoignage, un documentaire. Et non comme un roman. Pour mieux en apprécier la lecture.



SALE GOSSE reste un coup de coeur pour de nombreuses personnes, il ne vous reste plus qu'à vous faire votre propre avis !


Lien : https://labibliothequedejuju..
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Sale gosse

Où j'ai appris ce que signifie Miskine - le nom du chien 🐶 de Pierre-Emmanuel Barré, dont le journal de confinement fut l'un de mes plaisirs de cette période.

De l'arabe مسكين (miskīn) : pauvre, pauvre type, malheureux, triste, loser.



Dans ce roman : du foot, mais pas que. Sinon j'aurais abandonné.

Entre les films 'Polisse' (Maïwenn) et 'Hors normes' (Toledano & Nakache), des histoires d'enfants mal partis dans la vie, d'adoption, d'ados en colère (pléonasme ?), d'adultes qui y croient, même si l'administration ne les aide pas, ou si mal.



Mathieu Palain signe là son premier roman, inspiré de l'expérience de son père, éducateur en banlieue parisienne.

Je m'attendais à ce que le récit soit davantage centré sur ces adultes qui font ce métier admirable, ceux qui raisonnent de cette façon (car ici comme ailleurs, il doit bien y avoir des glandus) : « Quand je suis arrivé à la PJJ, je voulais changer le monde. Aujourd'hui, j'essaye de ne pas l'abîmer. Ton métier, c'est semer sans jamais récolter. Tu suis des mômes qui disparaissent dans la nature, d'autres les remplacent et tu dois te remettre à semer. Ce n'est pas pour les pragmatiques qui veulent des résultats. »



Mais au coeur de cette histoire, on trouve plutôt Wilfried - son 'insécurité affective' & sa colère, qui lui font bousiller tant de choses...

Toute ma sympathie aux malheureux parents.

Il faut que jeunesse se passe - et ça passe ou ça casse, etc.



--- trouvé dans une boîte à livres 🚪📚 et gardé pour faire tourner ---
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Ne t'arrête pas de courir

Une vie comme dans un roman...

Et pourtant, Ne t'arrête pas de courir n'en est pas un.

Non, Ne t'arrête pas de courir, c'est l'histoire vraie d'une rencontre.

Entre Mathieu Palain,  journaliste free-lance et un athlète de haut niveau Toumany Coulibaly.

Un mec avec des jambes de feu.

De celles qui vous conduisent sur les plus hauts podiums mondiaux.

Mais si Toum à des jambes, il n'a rien dans le citron, comme on dit vulgairement.

Tout au long de ma lecture, j'ai eu envie de lui mettre des claques, oui, j'avoue, c'est violent, mais je vous jure qu'il en mérite.

Comment peut-on tout gâcher comme il l'a fait ?

Coureur hors normes le jour, voleur la nuit.

C'est en prison que l'auteur l'a contacté, une lettre à laquelle Coulibaly répondra bien plus tard.

Une rencontre qui se fera au parloir.

Une amitié qui naît.

Des confidences.

Mathieu Palain vous raconte un homme, surdoué dans sa discipline, mais qui a "la main qui vole" comme on dit chez lui.

Le journaliste nous le livre nature, on l'aime ou on l'aime pas, même lui, tout au long de son écriture, se pose la question je crois.

Grandeur et décadence.

Sportif, intelligent, père de famille, il avait tout.

C'est ce personnage fascinant, attachant autant que désemparant et désespérant, que nous offre de découvrir Palain dans ce livre enquête qui ne laisse pas indifférent.

Il fait bien le job, d'ailleurs, parce qu'il va à la rencontre de ceux qui connaissent le mieux Toumany, ceux qui l'entraînent (sportivement s'entend), comme ceux qui croisent son chemin de délinquant.

Il n'en fait pas un héros mais il ne l'enfonce pas non plus, il a espoir...

La prison l'a-t-elle transformé ?

La suite s'écrit maintenant.

Et alors que je referme ce bouquin, je veux croire, moi aussi qu'une nouvelle vie peut commencer.

Toumany... À vos marques, prêt, partez...









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Sale gosse

L'entrée à la PJJ (Protection Judiciaire) de la Jeunesse se fait par concours. Comme la plupart des métiers et des concours de la fonction publique, on le passe pour avoir un salaire en fin de mois. Et avoir sa place dans la société, meilleure réponse possible- soit-dit en passant- pour tout oral de recrutement ou entretien d'embauche. Et puis l'humain vous happe. C'est le fondement de ce récit. Tenter d'améliorer sinon réparer le sort d'enfants qui n'auraient jamais du naître de tels parents.

L'auteur mêle intelligemment le parler "djeun", le parler "caillera" qui nous immerge dans l'univers de cette génération actuelle qui divinise l'éphémère et a pour leitmotiv "no past, no present, no future", et le français net où chaque mot est choisi avec précision pour donner succinctement, exhaustivement, un sens à ce qui est énoncé.

Ce jeune écrivain retient l'attention du lecteur de bout en bout avec subtilité, alternant les informations sur son sujet et la vie de ses personnages, et ce, sans jamais sombrer dans le pathos ou le misérabilisme.

Sans doute, ce roman pourrait ouvrir la voie à un long métrage ou une série télévisée aussi forte qu' "Engrenages". J'attends avec impatience un autre ouvrage de cet auteur pour voir s'il peut faire aussi bien voire mieux sur un sujet ou à partir d'un thème qu'il ne maîtrise pas aussi parfaitement.

Un prix littéraire ne me semblerait nullement usurpé.

Et pourquoi pas, celui du premier roman?
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Ne t'arrête pas de courir

Comment un champion de France du 400 mètres éprouve plus d’adrénaline en cambriolant qu’en courant ?

Né en 1988, Toumany Coulibaly a eu quatorze condamnations pour cambriolages.

L’écrivain, de la même banlieue que lui, a eu de nombreux entretiens avec l’athlète. Un sujet intéressant qui interpelle.
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Nos pères, nos frères, nos amis : Dans la tête de..

J'étais sur mon lieu de "travail" avec ce livre intitulé "Nos pères, nos frères, nos amis - dans la tête des hommes violents" par Mathieu Palain (Ce qui est une bonne chose en l'occurrence que l'auteur soit un homme...), donc jean michel anonyme me dit "Tu lis quoi?" je lui dis ce que je lis et devinez sa réponse? Pas une seconde d'hésitation il dit "Les femmes sont violentes" j'ai été effaré et je lui ai plus adressé la parole de la matin. Je demande donc à une seconde "collègue" pour me rassurer sur le manque de féminisme de cet anonyme mais qu'est ce qu'elle me chante?! Le même discours que ce sont les femmes qui sont violentes! De la part d'une femme, en plus! J'ai lâché l'affaire... Et je me défoule ici! lol!

Une femme qui se fait battre est une chose beaucoup trop fréquente! C'est un problème de grande ampleur. Parfois les accusés se justifient honteusement. Il y a un groupe de paroles d'hommes qui ont "des problèmes avec leur femmes" (comprenez : qui les battent .. ) A chaque fois, je dis bien chaque fois c'est lié à un problème d'alcool !! : -o (mesdames je ne bois pas d'alcool !! lol ).

La colère... La violence... Des synonymes ? Pas exactement. Je me permet de parler sur Shutter Island où le garde à une conversation "finale" avec le héros. Il lui dit que Dieu aime la violence, sinon pourquoi il y en aurait partout? Il lui explique, qu'ils sont tout les deux pareil. Des hommes violents. Et que c'est la seule raison. Ce n'est pas parce qu'une femme vous "pousse à bout!!" allez faire un jogging, promener le chien, un tour en vélo... Bordel, y en a des façons de se défouler. Et au pire, tapez un bon coup de poing dans le mur ça vous pétera la main et vous enlèvera vos idées...

Et les gens qui ferment les yeux ... Comme Monsieur "G" qui vois une fille se faire passer dessus par 12 gars et qui non n'appelle pas la police parce que G est anti keuf et surtout anti cerveau/reprend ton calme charly xd... Ca me met mal à l'aise de parler à une femme battue, je pense qu'on est écartelé entre notre peur de la violence et notre indignation/colère. Voilà pour moi la solution c'est encore l'éducation...
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
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Ne t'arrête pas de courir

A partir du portait d'un détenu, rencontré lors de parloirs dans sa maison d'arrêt, Mathieu Palain livre un récit étonnant. Toumany Coulibaly, est abord un de ses jeunes de cités de banlieue parisienne qui ont enchaîné les bêtises, avant qu'il ne se découvre un talent pour la course à pieds, et que le club local et une entraîneuse réputée ne détectent son potentiel sur 400 mètres. du haut niveau national, voire mondial…

Mais voilà Toumany n'a pas quitté ses habitudes, enchaînant autant les vols et cambriolages que les courses en stade. Et un jour, fatalement, Toumany accumule tellement de condamnations qu'il finit en détention. Un champion de France qui cambriole le jour même de son titre et qui finit derrière les barreaux. Comment en est-il arrivé là ? Toute une histoire, tout un passé, que Mathieu Palain va faire ressortir.

L'auteur est originaire de la même banlieue, ils ont à peu prés le même âge, et Toumany, après une longue attente, va accepter de jouer le jeu et de se livrer un peu. En ressort un gamin d'origine malienne, ayant vécu un temps dans un certain dénuement là-bas, qui a pris goût très jeune au vol ; pas un kleptomane, mais quelqu'un aimant l'acte interdit, le frison d'adrénaline… Un peu mythomane aussi. Apparemment toujours sincère dans ses promesses d'amélioration de comportement, mais retombant aussi vite dans ses travers. Un bon gars, qui veut plaire, doublé un petit délinquant. Docteur Jekyll et Mister Hyde.



Le portrait, vivant, complexe, pourrait s'arrêter là, mais Mathieu Palain le double d'une forme de mise en abyme, découvrant petit à petit ce qui a pu l'amener à s'intéresser au monde carcéral, et ce en quoi, lui, le gamin qui se rêvait footballeur, peut être fasciné par ce jeune doté par la nature d'un don exceptionnel, toujours à courir devant les autres, mais préférant encore être coursé par la police.



Le style est fluide. Les détails accrochent le lecteur. La forme permet de tenter un début d'analyse. On suit Toumany au jour le jour, volant quelques téléphones pour financer son stage d'athlé, faisant face à la justice, se débrouillant en prison, conversant depuis sa cellule - via un téléphone « de guerre » - avec le journaliste.



Une bonne surprise que cette biographie, qui n'en est pas vraiment une, qui m'avait été fortement conseillée, et qui a valu à son auteur le prix Interallié 2021.

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Ne t'arrête pas de courir

Alors que déferle une nouvelle rentrée littéraire, je cherche encore ce que l’année passée nous a donné de meilleur, aidé en cela par le temps et les avis qui s’accumulent. Voici un livre de non-fiction (et roman) qui n’avait pas retenu mon attention à sa sortie. Un journaliste raconte le terrible destin d’un enfant de la banlieue… Cet été, le livre a été mis d’autorité au-dessus de ma pile à lire, accompagné de la sentence « il faut que tu lises » et des yeux qui brillent ! Je suis tellement heureux que ce coup de pouce m’ait fait découvrir Ne t’arrête pas de courir. Quelle belle lecture, celles qui ont illuminé l’instant et que j’intègre dans mon expérience personnelle de la vie à travers la relation improbable d’un journaliste et d’un délinquant.



Il était une fois un enfant parmi les dix-huit autres de la famille, devenu champion d’athlétisme le jour, voleur la nuit.

Il était une fois un journaliste qui pose son regard sur ce jeune et sur son choix d’enquêter sur la prison.



Mathieu Palain s’intéresse à l’énigme Toumany Coulibaly, cet athlète cambrioleur. Il lui envoie une lettre demandant à le rencontrer au parloir de la prison. Un an passe sans nouvelles, puis la réponse arrive. Une relation se crée, bien plus forte qu’un reportage ponctuel. Les vies de l’un et l’autre vont en être profondément modifiées. Un livre est écrit scellant un engagement, interrogeant aussi l’ordre du monde. Le lecteur se passionne, découvre toutes les péripéties de cette histoire hors norme, se fait son propre jugement. Et découvre aussi, s’il ne le savait pas, que l’athlétisme est un sport de pauvre !



Chapeau à Mathieu pour son engagement et à Toumany pour la confiance qu’il a placée dans ce jeune journaliste. Le lecteur a l’impression d’assister à un exercice d’équilibriste. J’ai envie de saluer la formidable intégrité de l’auteur qui se pose les bonnes questions et se met constamment à la place de l’autre, fut-il à priori différent. Si chacun de nous se consacrait à cet exercice, se mettre à la place de l’autre avant de se faire son opinion, la vie pourrait être plus juste et plus belle.



J’aime vraiment ce titre « Ne t’arrête pas de courir » car le surdoué de la piste a vu sa carrière se briser après plusieurs années au plus haut niveau et un titre de champion de France du 400 m en 2015. Malgré les années de prison, la carrière de sportif stoppée nette, le titre indique déjà que la vie peut continuer. Mathieu Palain n’écrit pas un livre expliquant le formidable pouvoir de réinsertion de la prison, c’est même l’inverse qu’il décrit. Mais il explique, et s’en étonne même, que dans le cas de Toumany, cela a bien fonctionné. La sortie de prison est très récente, en 2021. Le travail de reconstruction n’est pas terminé mais un joli parcours a déjà été fait.



Le livre montre différentes facettes de la vie carcérale et interroge sur le poids des condamnations à travers l’actualité récente : le maire de Levallois, Patrick Balkany, condamné à quatre ans de prison pour fraude fiscale et à cinq ans pour blanchiment ne passe que cinq mois en détention... François Fillon, deux ans ferme pour détournement de fonds publics : des éditorialistes et avocats parlent de peine sévère... Il a détourné un million d’euros d’argent public. J’y lis à ce niveau que beaucoup d’argent ne sera pas disponible dans les écoles, les hôpitaux, les banlieues, les clubs sportifs... Et une perte de chance pour les plus défavorisés. On croise heureusement, et plus longuement, des hommes et des femmes plus investis dans le vivre ensemble : des dirigeants sportifs, des entraîneurs, des psys... Je dois aussi mentionner ces très belles pages où Mathieu nous parle de sa famille, de son amie d'enfance Lorentxa, étudiante basque brillante, diplômée en ethnologie, « ...qui souffre de voir son peuple méprisé et admire ceux qui savent qu'il existe des causes plus grandes que soi. »



La grande force de ce livre est de ne pas juger mais de ne pas être dans la complaisance.



Une autre force réside dans l’écriture. Le propos aurait pu représenter un témoignage parmi d’autres. Ce n’est pas du tout le cas. On est dans une vraie écriture, dans l’œuvre littéraire. Plus de quatre cents pages qui se lisent d’une traite et le sentiment qu’on a assisté au processus de transformation, à la fois pour le champion-délinquant et à la fois pour le journaliste. Une belle et sincère amitié sans laquelle l’œuvre n’aurait pas eu cette puissance.



J'ai envie de partager cette vidéo (à voir sur le blog Bibliofeel, lien ci-dessous) que l'auteur suggère de voir absolument, « ...si possible avec les commentaires ». L'or avec les filles du relais 4 fois 100 mètres, aux mondiaux de Paris en 2003. Il nous prévient avec humour: « Si vous n'êtes pas ému après avoir vu ces filles gagner ensemble, je ne peux rien pour vous. »

Le sport est loin d’être le seul thème d’un récit aux multiples facettes mais il est central en dépassement de soi, en exemplarité, en leçon de vie... Et si vous êtes ému-e-s, lisez ce livre si ce n'est déjà fait.

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Chroniques illustrées sur Bibliofeel ou sur la page Facebook Clesbibliofeel.




Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Ne t'arrête pas de courir

Ce livre est l’histoire de la rencontre entre l’auteur et Toumany Coulibaly, athlète le jour et braqueur la nuit qui est emprisonné à Réau. Mathieu Palain commence ses visites au parloir. Il raconte la vie de ce prisonnier atypique, puis la naissance d’une vraie amitié. Il espère que le coureur ne reviendra pas à ses travers et enfin, il s’interroge sur sa propre attirance pour le milieu carcéral.



Nous ne sommes donc pas dans la fiction même si Toumany Coulibaly ressemble à un personnage de roman : issu d’une famille d’origine malienne, avec 18 frères et sœurs, il grandit en banlieue sud de Paris. Il se découvre du génie pour la course (surtout pour le 400mètres) mais gâche son talent en réalisant sans cesse des vols et des braquages. Il est de tous les coups foireux qui vont l’envoyer en prison pour plusieurs années et briser ses rêves de jeux olympiques.



J’avoue que j’ai choisi ce livre pour de mauvaises raisons : d’abord parce que la couverture me plaisait et ensuite parce que le parti-pris de l’auteur me semblait proche de celui d’Emmanuel Carrère que j’adore et dont j’ai tout lu. Notamment L’adversaire ou Limonov. Mais n’est pas Carrère qui veut, d’où ma légère déception….



Le début ne m’a pas emballé : la rencontre au parloir puis la vie de Toumany qui défile (courses, entraîneurs et braquages se succédant de façon assez monotone). L’écriture était trop descriptive, sans véritable point de vue.



Puis le récit a pris de l’épaisseur et a ravivé mon intérêt lorsque le propos est devenu plus personnel : l’amitié entre les deux jeunes hommes, l’évocation de la dureté du milieu carcéral, la recherche de la véritable identité de Coulimaly (un menteur ? un mec bien ?).

Au final, un récit inégal qui demeure toutefois intéressant et se lit facilement.

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Ne t'arrête pas de courir

Livre sélectionné pour le prix Summer 2022 de la Fête du Livre de Bron.

« Toumany a beau courir vite, il reste un jeune fauché dans une cité de banlieue sud. »

Mathieu Palain, journaliste, semble proche de Toumany Coulibaly pour plusieurs raisons : ils ont le même âge, ils viennent du même quartier, ils aiment le sport. Simplement, ils n'ont pas suivi la même route.

En faisant preuve de beaucoup d'empathie l'auteur cherche à comprendre pourquoi Toum détruit sa carrière d'athlète de haut niveau en braquant, dévalisant, volant la nuit car le jour, il s'entraîne.

Très fort physiquement, ce qui est un atout pour courir le 400 m, Toum est faible psychologiquement, semble-t-il.

Il recherche, comme un drogué, la montée d'adrénaline ressentie en fuyant les flics. Il l'avoue lui-même, ses performances ne lui apportent pas autant de plaisir.

Alors, qui est-il réellement ? Un kleptomane ? Une personnalité influençable ? Un jeune à la dérive ? Un irresponsable ? Un immature ? Peut-être tout ça à la fois ?

En tout cas, ce qu'il est pour moi, à travers son portrait brossé par le journaliste, c'est un être touchant, attachant malgré ses failles.

Un très beau "reportage".

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Ne t'arrête pas de courir

Rien ne sert de courir, il faut partir à point .

OU

La Parisienne ( de Marie-Paule Belle).



Ce livre pose une question essentielle : y a t-il des vies gratuites?

Des vies si mal embouchées, et si mal continuées, qu'on aurait pu

s'en dispenser ? Y a t-il des gens qui feraient mieux de ne pas être là ?



Nul ne connait le for intérieur de quelqu'un d'autre. Souvent on ne se connait pas très bien soi-même. Et même; qui peut prétendre avoir la perfection morale pour juger de l'être d'autrui? de le juger indigne de vivre ? Personne. Absolument personne.

C'est pourquoi je suis heureux de ce que l'on ait abrogé la peine de mort.

Même l'état ne peut pas s'élever à ce niveau absolu du pouvoir, celui de vie et de mort sur ses propres membres.



Y a t-il des vies si déplorables qu'on s'en prenne la tête dans les mains en se disant : mais qu'est-ce qu'on pourrait bien faire d'un type pareil ? Certainement. Dont la vie de Toumany. Menteur maladif, kleptomane systématique, après une enfance de banlieue il a flambé les chances qu'il a recu, et trahi ceux qui croyaient en lui. Qui continuaient à croire en lui envers et contre tout. Encore, toujours et à nouveau. En veux-tu en voilà.



Que faire ? La course, oui, puisque c'est quelque chose à quoi il est bon, même s'il est probablement trop brûlé, et trop agé, pour être sélectionné pour des compétitions de niveau international. Une psychothérapie longue, s'il la prend au sérieux et s'il persévère. Peut-être qu'il y a encore une vie, un chemin vers le bonheur. En tous cas, on le lui souhaite. Personne ne mérite de vivre comme ca. Même si, en partie, mais en partie seulement, c'est de sa propre faute.



Un sujet sérieux donc. Très. Mais pour ce sujet, quel traitement ! Non, on ne peut pas juger de l'être d'autrui, mais on peut se former une opinion de son travail. Près de quatre cent pages de verbatims à moitié digérés, crachés sur du papier. Un roman ? Ca ? Vous plaisantez ? Ou alors un livre, un témoignage, au moins ca ? Ne confondons pas " sincérité" ou " authenticité" avec " données brutes" ou " premier brouillon". La littérature implique un certain travail, un traitement, une analyse, et si l'on n'est pas disposé, ou en mesure, de la fournir soi-même, il parait qu'il y a des pauvres gens, mal rémunérés et non reconnus, qui feraient cela pour vous. On en aura fait l'économie. C'est dommage pour tout le monde.



Ces feuilles de notes ne méritent pas qu'on leur accorde plus de temps ou d'attention. Bye bye. Panier.
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