Quand on dit, par exemple, que nos racines sont chrétiennes, on affirme en même temps, fût-ce sans le dire explicitement, que le christianisme est le "fondement naturel et nécessaire" de notre culture.
En somme, on « apprend à connaître » les divinités d’autrui au fil du temps. Une fois que l’on est conscient de leur existence […] il est possible de procéder à leur intégration parmi ses dieux à soi. Il s’agit toutefois d’un processus qui implique de l’intérêt, de la curiosité pour les autres dieux, ainsi qu’une volonté de « savoir ». En pays monothéiste, au contraire − hormis l’attitude des esprits ouverts et éclairés −, non seulement les autres dieux ne soulèvent ni curiosité, ni désir de savoir, mais au contraire, ils suscitent généralement un sentiment d’indifférence ou de supériorité, quand ils ne sont pas condamnés. […] ma femme, qui est chinoise, a pu expérimenter, pendant un demi-siècle, comment ses convictions religieuses étaient attaquées ou même dévalorisées par des missionnaires chrétiens, des politiciens américains, voire des occidentaux lambda… et elle était consciente du fait que cette situation durait déjà depuis cinq siècles.
Il est important de rappeler cependant qu'il ne faut pas croire que les cultures dites "traditionnelles", au contact de la "modernité", ne font que "s'éteindre" ou "se corrompre", comme on tend souvent à le penser: souvent, en effet, les cultures se réarticulent selon des perspectives nouvelles, donnant ainsi naissance à d'autres formes de vie, qu'il vaut toujours la peine de connaître et d'observer.
A la différence de l'attitude que je viens de décrire, celui qui fait appel aux "racines culturelles" n'est pas animé par un intérêt pour les cultures en général, mais seulement par la "sienne". Ce n'est pas par hasard si les racines culturelles ne sont invoquées que lorsqu'il s'agit des "nôtres".
Ainsi que nous l'avons vue à l’œuvre au sein des cultures polythéistes, la place centrale occupée par la notion d'interprétation permet de mettre en perspective une affirmation souvent exprimée à propos des trois grandes religions monothéistes. En effet, la présence d'autres entités divines à côté du dieu unique - anges, diables, démons, djinns, saints, la Vierge, ou mieux encore, les diverses Vierges - ferait de ces monothéismes autant de polythéismes masqués.
Avec le tourisme comme sage-femme, la mémoire culturelle avait accouché de son propre oubli.
Dans un monde qui ignore les pouvoirs et les merveilles de l'énergie électrique, une lumière d'intensité exceptionnelle constitue le signe indiscutable d'une présence surnaturelle. (p.39)