Elle porte encore les stigmates invisibles de ses caresses trop intimes, de ses doigts trop crochus, tel les serres d’un rapace. Ses mains poreuses et sèches, cornées et dures, abîmées par le travail manuel, par des heures passées à manier la pelle, à labourer la terrre, à retourner le foin, à frapper le cul des vaches. Puis il se fait plus violent, plus fort, plus puissant. Elle sait qu’il ne sert à rien de lutter ou de résister. Il est le mâle. Il est le mal. Il décide, il prend, il ordonne.
Le silence est profond, aucun murmure ne remonte de la rue, aucun vent ne fait claquer les volets, aucun son ne vient troubler sa solitude. Sheila n’aime pas le noir et le silence. Sheila a peur de la nuit. Sheila a peur toutes les nuits. Elle a peur des ombres, elle a peur des coins sombres. Elle a peur de l’obscurité, mais elle est également effrayée en plein jour. Effrayée par les hommes, effrayée par leur cruauté, par leur lâcheté, par leur folie et leur perversité.
Le retour à la vie réelle est toujours difficile, le dur face à face avec sa situation actuelle lui revient en pleine figure. Amère cruauté que de passer par toutes ces émotions tour à tour : joie, fierté, amour, honte, souffrance et désillusion. C’est dans ses yeux de nourisson, dans son parfum de bébé si particulier, qu’elle trouve l’envie de tout changer, la force de surmonter, de raccrocher . . . enfin dès qu’elle le pourra.
Elle s’invente des histoires, elle s’imagine une autre vie. Elle se rêve une autre mère, une qui serait là pour elle, une qui la défendrait, une qui l’arracherait à ce cauchemar. Une mère qui ne resterait pas passive, à faire semblant de ne pas l’entendre gémir dans la chambre voisine. Une mère qui ne se contente pas de lui passer une main dans les cheveux à son réveil en évitant de croiser son regard et ses yeux rougies.
Femmes battues, femmes perdues, femmes isolées, un repère pour les âmes en peine et désespérées, vivier de la déchéance totale des ravages causés par la bêtise humaine. Un lieu de misère sociale et de tristesse profonde. Pas besoin de parler pour lire la douleur sur chaque visage.
C’est avec grand plaisir, qu’elle retrouve chaque jour ceux que l’on appelle aujourd’hui « les anciens », pour leur apporter la validité qui leur manque en les écoutant lui réciter leurs vies.
"La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre."
Albert Einstein
Sheila avait un grand rêve, voir la mer, alors c’était décidé, elles partiraient vivre au bord de l’eau, vivre le plus loin possible de leurs démons, de leurs déstructeurs. Là où le grand air salé, le sable fin et le cri des mouettes pourraient panser leurs blessures du passé.
Ce qu’il déteste par-dessus tout, c’est la lacheté, la faiblesse et la fainéantise
C’est normal que la routine s’installe dans un couple au bout de douze ans, il y a une distance naturelle qui se crée, qui s’impose, mais cela ne veut pas dire que l’on est plus heureux ensemble. Parfois j’aimerai pouvoir arrêter le temps, que tu puisses ouvrir une parenthèse, vivre une autre vie avec quelqu’un d’autre, et tu t’apercevrais que tout n’est pas toujours tout rose, que finalement on est heureux tous les deux dans cette vie.