Le cuisinier Michel Guérard évoque son livre «Mots & Mets»
Je pense que tout honnête cuisinier se doit ou doit à un maquereau, à une crevette, à un pigeon de ne pas être mort pour rien. Pour ce faire, il faut que la cuisson soit menée très précisément.
Ainsi commençait pour moi la longue marche à travers les champs de carottes râpées et autres sympathiques délices apparentés qui vous font rapidement regretter d’avoir vu, un jour, le jour et vous entraînent joyeusement au désespoir. Le rituel « grillade-haricots verts à l’eau » me laissa vite sans voix. Déjà, je ne percevais plus l’écho merveilleux de ces sensations profondes où l’œil, le nez, le palais et le toucher entrent en lice et deviennent symphonie d’ondes à l’approche d’un plat réussi.
Un métier assujetti à la main habile, libre, espiège, précise comme celle d'un orfèvre, du peintre, du pianiste, du chirurgien.
La renommée de la Cuisine Française est née de ses Sauces. Le Saucier en est le Magicien. Dans ce jeu alchimique, les Fonds sont les Racines qui leur permettent de fleurir et les Liaisons, l’onctuosité, Catalyse voluptueuse qui leur permet de s’épanouir. Ils sont l’une des Pierres Angulaires de la Cuisine.
J’ai voulu écrire […] « une ronde allègre de repas de fête pour maigrir » parcourue de salades fraîches comme des rires d’enfants, de poissons brillants et lourds d’odeurs de pêche interdite, de volailles parfumées, celles des déjeuners sur l’herbe de mon enfance.
Cuisiner, c'est aussi, et peut-être avant tout, donner un peu de soi-même aux autres, c'est tenter de les séduire, de le étonner, de les étonner, de les ravir.
C'est sceller, atour d'une table ou d'un feu de camp, des connivences, des amitiés, des amours. N'est-elle pas, en effet, pour les garçons un des plus sûrs moyens de séduire les filles, et pour ces dernières la belle assurance de charmer durablement leur prince charmant ?
Il y a si longtemps que je rêve, plus le jour que la nuit, d’ailleurs. Un de ces matins-là, je m’éveillai en sueur, d’un sommeil lourd et adipeux. Toute la nuit, comme tant d’autres nuits, j’avais tenté de m’envoler ! Mais cette fois, en vain, hélas ! Mon pauvre corps, lesté de trop de relents de sauces riches et voluptueuses, avait tant et si bien enflé qu’il me clouait pour l’éternité à ce sol où le rêve a perdu pied…
Le radoubeur-baroudeur exerçait son activité au rythme des saisons : pendant l'hiver, il radoubait son navire puis, au premier redoux partait barouder sur les mers. La première barcasse rencontrée était bombardée d'une bordée de canons et, après ce brillant début, les baroudeurs montaient à l'abordage, brandissant leurs grands sabres; de la part de ces barbares, il y avait, pour les pauvres marins prisonniers, pas de pardon. Après leur avoir dérobé leurs doublons, les baroudeurs revenaient au port, fiers comme Artaban et chargés comme des baudets, pour s'esbaudir dans les bordeaux, s'étourdissant de débauche et autres beuveries débridées avec les débardeurs et leurs ribaudes, avant de repartir bourlinguer du côté de Durban ou de Dublin. Mais, dès que la bise redoublait à l'approche de la Saint-Baudouin, les baroudeurs se débandaient pour revenir à l'abri radouber leurs bateaux et consommer leur bœuf en daube.
"Avec Alain Senderes, nous avions envie d'entrouvrir une porte sur un univers qui n'existait pas."