Nous avons observé que maintes fois dans la vie des saints, les impasses aboutissent au vrai chemin, celui qui n’est pas initialement le nôtre, celui que nous avions prémédité, celui qui devient ou devrait toujours devenir le chemin qui nous fasse réellement abandonner le monde. […] lorsque nous abandonnons un projet pour lequel nous avons combattu une partie de notre vie, le pensant juste, nous avons besoin d’un nouveau détachement. Pour peu qu’on le demande, le Seigneur nous l’accorde. Détachement et patience sont les maîtres mots de la vie des serviteurs de Dieu.
Lors d’un moment privilégié de notre traversée terrestre, souvent à travers une épreuve, maladie ou autre, qui nous met « à l’écart », nous ressentons soudain comme un souffle puissant dans lequel, ayant comme la révélation d’une puissance supérieure, de la déité, nous recouvrons symétriquement notre véritable identité, que nous reconnaissons alors comme telle.
La connaissance est charnelle, elle est une activité de la chair. À l’opposé, l’inconnaissance (et le silence qu’elle présuppose) est spirituelle, elle est une activité de l’esprit dans l’Esprit. La théologie de l’inconnaissance est directement puisée dans l’Évangile : « Ce qui est né chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit. » Cet enseignement du Christ indique bien l’existence d’une frontière infranchissable par l’homme seul : la naissance selon la chair d’un côté et la naissance selon l’Esprit de l’autre.
Je voudrais montrer que cette forme d’angoisse non seulement n’est pas le signe d’une maladie psychique, mais qu’elle est, au contraire, la manifestation la plus concrète de l’évolution positive qui est en train de s’opérer dans l’individu.
[…] l’enfer est davantage un état qu’un lieu. L’angoisse est, pour ceux qui s’y soumettent librement, l’enfer provisoire qui leur évite l’enfer éternel. Il est l’état d’assumassion de nos propres résistances, du dépouillement de ce que les Pères appellent la mentalité de la chair et de la volonté charnelle.
Il nous paraissait important de parler de la prière dans un livre consacré à l’angoisse, parce que la venue de l’Esprit Saint qui donne la prière à celui qui prie est précisément à l’origine de cette angoisse.
Lorsque l’homme renonce à transférer par l’imagination vers l’extérieur la responsabilité de ce qui lui arrive, il obtient deux résultats surprenants : le premier, c’est qu’en trouvant en lui les racines de ses résistances – dont il perçoit alors qu’elles n’ont pas de rapport direct avec l’oppression dont il se sentait accablé, il découvre une liberté par rapport à l’objet extérieur dont il se sentait « la victime ». En d’autres termes, il devient libre par rapport au problème qui le tourmentait. Ce qui donne un second résultat : ayant en quelque sorte atteint son but en lui-même, le problème qui se posait extérieurement se résout tout d’abord intérieurement. Cela veut dire que la difficulté, les personnes liées à celles-ci, les obstacles qui en découlaient, sont surmontés. En même temps, et cela est tout à fait remarquable, même si les difficultés extérieures subsistent un moment, elles ne procurent nullement douleur et angoisse. Ce qui était hier insupportable devient insignifiant. C’est ainsi que l’homme apprend à discerner qu’il y a une distance immense entre la cause extérieure et l’effet intérieur. La cause véritable était en lui et la cause extérieure n’agissait qu’en tant que révélateur.
Si l’angoisse est le grand problème d’aujourd’hui, elle est le point de vérification de la vie spirituelle le plus traditionnel de la spiritualité de l’Eglise orthodoxe. Or ceux qui traversent des périodes d’angoisse ont tendance en général à se considérer comme des « malades » ou à culpabiliser leur angoisse.
Assumer son angoisse est précisément le but important de toute authentique expérience spirituelle. C’est son rejet qui jette l’homme dans la culpabilité.
Est silencieux celui qui perçoit le commencement de son existence comme le jaillissement de la Lumière dans ses propres ténèbres,...