Citations de Mouloud Mammeri (134)
Quand on est mal dans sa peau, sa peau non criblée mais indigne, on ne sent pas la beauté de la nuit.
Une guerre juste ne rend pas le sang moins visqueux.
Au désert il faut se hâter de happer la joie quand elle s’offre, on la fait durer, on la multiplie : au Gourara on a plus vite fait de compter les jours sans fête.
Les mères algériennes sont comme toutes les mères : elles fustigent par amour.
Après l’indépendance acquise, il y a réinterprétation de notre passé, le lointain comme aussi le plus récent. Une sorte d’image d’Epinal de la colonisation présente le peuple algérien comme soudé dès le lendemain de l’occupation française dans une résistance héroïque, lucide et sûre de la victoire. Je sais bien que l’homme ne vit pas seulement de pain. Il vit aussi de mythes, c'est-à-dire de mensonges harmonieux. Mais peut-être passé un certain stade de croissance ou de convalescence d’amères potions sont-elles plus saines que de fades sucreries
( 1974)
"Aux maisons d'Alger, en quelque point que l'on se trouve, sont imparties des portions mesurées du ciel.. Dans la beauté rigoureuse d'une baie ouverte sur la monotonie bleue d'une mer que nul accident n'humanise , l'esprit se sent sollicité et comme voué aux tensions extrêmes ..
Ce ciel dont un cercle précis de montagnes ou la mer tracent de partout les limites, mais qui s'étale au- dessus de lui comme une tentation toujours proposée , toujours imposée, Alger sait qu'il ne peut y parvenir qu'à force d'exaltation .......
A Alger, pour aller à l'air libre, il faut toujours monter ........"
Vous savez bien , j'habitais un gourbi de pisé. Les murs ont dû retourner à la terre, le chaume au vent et moi à Dieu ou au Diable.
La musique enveloppée Mourad . Elle criait à ses oreilles et
cela l' empêchait de penser à autre chose .
Le cousin Akli travaillait autant que ses ouvriers et vivait comme eux .
Les jours, vous avez choisi de vous en acquitter au lieu de les vivre; la justice, votre métier est de la rendre, non de la chercher: vous en avez désappris la saveur quelquefois âpre.
Vous entrerez dans le bonheur feutré de votre vie, m'ayant déjà oublié.Il ne vous restera plus qu'à entrer, l'âme blanche, dans la blancheur de vos draps, convaincu que vous avez fait votre devoir, puisque vous avez accompli votre tâche.
Il pouvait comme tout un chacun aimer le bakchich, mais j’avais le choléra – et le choléra, c’est plus fort que la passion du bakchich.
La guerre éveillait des visions moins idylliques dans les replis de mon imagination, où je tâche de les étouffer à grands coups de distractions ou d’oublis.
C’est trop fragile… Ça tient à rien, une vie d’homme… une vie de femme c’est un peu plus coriace, mais c’est plus souple, ça plie à tout vent… et il souffle tant de vents sur la terre.
À quoi bon le lapsus de la colère ? Les choses sont comme elles sont, il est puéril de se blesser aux arêtes. Les arbres et les fleurs sont condamnés au même coin de terre ; quelquefois, comme ici,c’est une terre d’exil ; les bêtes, perverses ou pas, sont prisonnières de leurs barreaux et les hommes tournent dans les layons de leurs interdits. Tout le reste c’est de la dentelle.
Le silence seul convient à la mort, que ni nos colères ni nos passions n’atteignent plus. Dieu seul peut juger les âmes qu’il a créées.
- Ce couteau est bon pour les égorgements. Il coupe la chair jusqu'à l'os, dit Moha, le cousin aux dents blanches coupées au cordeau.
Bachir venait de l'aiguiser. Une simple pression et il
faisait voler les poils frisés de son bras.
- Il coupe trop, dit Moha. Si vite que le mouton n'a pas le temps de souffrir ; quand il commence de sentir la douleur il est déjà mort
Tes cent pièces finiront mais les siècles n'usent pas le déshonneur.
Les tribus portent dans leur âme les stigmates des massacres anciens. En mimant la mort elles se jouent d’elle. L’enjeu est tragique : ‘’c’est à la vie à la mort, et pour cela il attire les tribus bibliques, surgies des sables par essaims compacts, pour aller vers l’étoile. La densité palpable de sacré est ici à la mesure de l’attente.
A chaque coin de rue, sur chaque champ alentour, la flûte de Mouh continuait de pleurer ‘’Mon basilic’’ et sur le chemin déserté de la fontaine aux ormes, continuaient de monter les rires et les robes chatoyantes des jeunes filles évanouies
Tala-Ouzrou, la fontaine de la roche! À vrai dire dans notre village, il n’y a ni fontaine ni roche, mais par piété filiale, quand nos ancêtres chassés sont venus fonder ce village sur ce piton perdu de la montagne, ils lui ont gardé le nom de celui qu’ils habitaient jadis. Nous savions qu’en ces temps-là, dans le premier de Tala, le blé ondulait en vagues au vent de nos plaines et les troupeaux coulaient le long des ravines comme de blancs ruisseaux de printemps… mais toujours jalousement nous avons veillé sur notre misère et notre dignité et il nous est pas venu à l’idée que nous pouvions y renoncer pour tous les biens de cette terre.