Dans ce processus, ils avaient empiété sur le trajet d'un troupeau d'éléphants. Perturbés, les animaux avaient changé plusieurs fois d'itinéraire, piétinant parfois des cultures. Les bêtes grises étaient réunies à l'extrémité du terrain du couple, semblant se concerter avant de commettre leur méfait, et tous les trois, nous hurlâmes comme des furies, tapant sur d'anciennes boites en fer-blanc de quatre gallons et des sufuriyas en aluminium afin de les distraire ou de les dissuader, mais en vain. Ils s'avancèrent d'un pas trainant dans le champ de maïs, couvrant toute sa surface, et avec de joyeux barrissements, déracinèrent systématiquement chaque plant, avant de repartir, la démarche tranquille, délibérée, pour regagner leur piste détruite.
[...] je me dis que j'aimais à un point désespéré ce pays qui refusait de m'accepter totalement. Y avait-il en moi, et en mes semblables, un élément négatif, rédhibitoire, émanant de cette peau étrangère repoussante, qui ne parvenait pas à retenir l'âme de l'Afrique ?
et - ce qui était absolument incorrect dans l'Afrique fraichement indépendante - je n'avais pas une perception claire des antagonismes, de qui était dans le vrai et qui dans le faux.
La corruption absolue, m'a-t-on dit, se produit petit à petit et progresse à travers un brouillard d’ambiguïté.