Pour la première fois je prenais conscience que rien de ce qu'il se passait sur Aquilon ne m'appartenait. J'étais dépendante du bon vouloir d'un homme que j'allais trahir encore une fois. Et peut-être que cet homme serait aussi impuissant que moi dans la situation qui se présentait à nous.
Le majordome des Farewell nous ouvrit la porte alors que Patty et moi étions complètement transies de peur. Cette bâtisse qui paraissait si lumineuse depuis les rails du Réseau nous avait donné la chair de poule dès lors que nous avions franchi les barrières de leur gare d'accostage.
Ma raison oscillait constamment entre lui et mon désir de transparence et de vengeance. Je ne pouvais accéder à l'un sans abandonner l'autre. Quoi qu'il arrive, je devrais faire un deuil.
Les ennemis de nos ennemis peuvent peut-être devenir nos amis ?
Alors que ma main reposait dans celle de mon père, je sentis mon cœur prêt à imploser. Mes yeux parcoururent l'assemblée et je ne pus que m'émerveiller, encore, de la beauté des lieux.
C’est peut-être ça l’espoir ? Cette impression de libération de cette barre omniprésente ?
Je lève un peu le chaton à hauteur de mes yeux. Effectivement, sur le poitrail, le chaton arbore un magnifique cœur blanc au milieu de son pelage noir. Instinctivement, je le rapproche de mes lèvres et je lui claque un bisou sur le haut du crâne.
Je suis déjà folle amoureuse de lui. J’entends son ronronnement régulier et j’ai l’impression que ça me réconforte. Sur mes genoux, les vibrations qui émanent de ses ronrons me délassent. Je suis surprise… en fait je ne savais pas que j’aimais les chats.
Chez nous, au royaume de Shizuke, nous croyons au destin, mais pas de la même manière. Pour nous, il existe un fil invisible qui relie toutes les personnes vouées à se rencontrer. Que ce soit pour l’amour, pour l’amitié ou même pour un passage éphémère dans nos vies, chaque personne est reliée à l’autre par ce fil.
Elle s'approcha d'un grand chêne dont les racines sortaient tout autour du tronc, formant des vaguelettes sur la surface du sol. Kaïlin, toujours l'arc dans la main, le rangea dans son petit sac qu'elle portait dans le dos et tendit la main devant elle.
Comme s’ils ne formaient plus qu'un, les racines se murent, les vaguelettes se plièrent et se déplièrent, s’étirèrent, et s'ouvrirent jusqu'à ce qu'une ouverture, juste de sa taille, se forme.
Cette porte ouverte juste par une invocation de la main n'avait rien d'effrayant. Un halo bleuté émanait du passage, comme si une bougie brûlait là, en attendant qu'elle revienne.