Citations de Nathalie Stragier (107)
Les gens se font tuer mais tout le monde s'en branle ?
Il s'est tu envahi par le découragement .
- C'est quoi , ce monde dans lequel on vit ? a-t-il murmuré .
Dans ton monde à toi , toutes les personnes d'un même pays se ressemblent . Ici, par exemple, vous êtes presque tous blancs de peau . C'est pareil partout dans le monde médiéval . Il y a toujours une couleur de peau majoritaire . C'est une erreur car c'est source de tension .
- Dans le futur ce sera différent ?
- Evidemment . Le métissage est un principe de base [...].
Tendue, elle laissa les gens la traverser.
Ce fut aussitôt une rumeur vertigineuse, un tumulte étourdissant, un brouhaha de voix qui se succédait sans cohérence.
" … en retard, merde, une fois de plus…"
"...jamais plus je n'accepterai qu'il me parle comme ça…"
"...ne pas oublier son cadeau, elle m'en voudrait trop…"
"... lamentable, dans ce genre de situation…"
"...un gratin dauphinois, ça sera bien…"
"...texto pour lui dire…"
"...chaussures trop serrées, désagréable…"
"...passer à la pharmacie avant ce soir…"
"...pourquoi il me répond pas. Hier encore…"
"...peut- être enceinte…"
"...cinéma, mais la séance se termine trop tard…"
"...un taxi, sinon je vais devoir prendre le bus…"
"...retirer de quoi payer…"
"...passer encore Noël à la maison de retraite…"
"...du lait, des pates et du gel douche…"
Mille fois déjà, Esther s'était demandé… Où allait- on quand on fuguait ?
-Mais comment vous avait pu faire ça? Laisser mourir trois milliards d'êtres humains.
-Je n'était pas encore née quand c'est arrivé, répond-elle.
...
-Si tu était née à mon époque, tu comprendrais.
-Que le monde est meilleur sans les hommes?
Jamais.
-[...] De toute façon ma vie est foutue . Je suis coincée dans ton époque de merde .
- Attention , fais-je remarquer , tu commences à parler comme moi .
- Je sais, c'est horrible . Je me médiévalise .
Le prof d’EPS a d’abord donné ses consignes aux garçons qui ont commencé leur match aussitôt sur le terrain partagé en deux. Il est ensuite venu vers nous, les filles, pour nous répéter une fois de plus les règles de base. Il a passé au moins dix minutes sur le hors-jeu. Comme si on n’avait pas en compris. Forcément, personne n’écoutait vraiment.
— Pourquoi répète-t-il plusieurs fois la même chose ? a chuchoté Pénélope.
— Il fait toujours ça avec les filles. Profites-en pour écouter les règles.
— Qu’est-ce que tu crois ? Je connais le football.
— Bien sûr. Personnellement, je préfère la natation, mais j’aime aussi beaucoup les sports d’équipe.
— Arrêtez de parler tricot, mesdemoiselles, s’est exclamé le prof. Allez, debout, c’est parti !
— Pourquoi dit-il cela ? s’est étonnée Pénélope. Nous ne parlions pas tricot.
— C’est un macho, c’est tout. Il aime bien les filles tant qu’elles sont décoratives mais, au fond, il trouve que les garçons, c’est mieux.
— Alors c’est donc ça… un misogyne ! Je n’en avais jamais vu avant…
Pénélope observait le prof d’EPS, absolument enchantée.
— La misogynie n’existe plus dans le futur ? ai-je interrogé.
— Elle a complètement disparu, a confirmé Pénélope.
Ça, c’était une bonne nouvelle.
— La misogynie est un comportement typiquement médiéval. Je ne pensais pas avoir la chance de pouvoir l’observer un jour de près, m’a expliqué Pénélope, ravie.
C’était sûrement la première fois qu’une fille du lycée trouvait ce prof passionnant.
Des femmes et des hommes qui vivent ensemble, c'est quand même pas mal.
Tu es petite car c'est plus pratique.
- Vraiment ?
- Bien sûr. Un corps trop grand nécessite beaucoup de nourriture, beaucoup de tissu pour être protégé du froid, beaucoup d'énergie pour se déplacer. Ce n'est ni économique ni écologique. CQFD. Être petit, c'est l'avenir.
Si les hommes étaient aussi petits que Yoan , ils seraient obligés de nous obéir . Ce serait eux qui feraient le ménage .[...]
Les hommes pourraient aussi s'occuper des bébés et des jeunes enfants pendant que les femmes se consacreraient à leur métier . [...], ils pourraient fournir un vrai travail de façon discrète et efficace . Evidemment , ils feraient tout ça sans être payés, sinon ça reviendraient trop cher .
- Ça ne te gênerait pas que les êtres humains soient traités comme des personnes de seconde zone ?
Pénélope rit.
- Tu exagères ! Nous serions gentilles avec eux . Tiens, nous pourrions même être galantes , puisque la galanterie leur plaît . On leur tiendrait la porte , on les laisserait s'assoir dans les autobus et on porterait leurs courses quand ils seraient vieux . Peut-être même qu'ils auraient le droit de vote !
- S’il te plaît… Aide-moi…
C’était une voix mélodieuse et incertaine. Je me suis retournée et j’ai levé les yeux. Elle était là, juste devant moi. Elle me regardait à travers de grosses lunettes en plastique bleu pétrole. Un serre-tête imitation peau de serpent aux couleurs de l’arc-en-ciel retenait ses cheveux huileux. Elle avait de l’acné, ce n’était pas beau à voir.
J’ai reculé un peu. Aux pieds, elle avait enfilé des sandales en plastique, du genre que l’on met à la piscine pour ne pas attraper de verrues. Elle avait jugé utile de porter également des chaussettes au motif léopard. Son pantalon, un jean bien sûr, était trop court et trop large Sale aussi. Sur ses fesses tombait une tunique façon tie-and-dye seventies, dans les tons mauves. Par-dessus, elle avait passé un sweat à capuche. Le modèle rose avec un papillon en strass dans le dos.
Mais maintenant, elle était seule, sans ses copines bizarres. Elle me regardait. Dans ses yeux, j’ai lu de la panique.
C’est comme ça que j’ai rencontré Pénélope.
- Tu vas quand même pas bouffer ça ! grimace Pierrick.
- Je vais me gêner !
Et j'enfourne le grillon avec plaisir. J'aime aussi beaucoup les larves en beignets, et les vers de farine au curry.
- Tu souhaites savoir si nous pouvons nous téléporter, ou quelque chose de ce genre ?
- Euh... oui.
- Bien sûr, approuva God. Je vais siffler, et une licorne arc-en-ciel apparaîtra pour nous emmener sur son dos. Nous volerons à travers les nuages en mangeant de la barbe à papa et en chantant des comptines.
- En vous comportant comme les hommes du passé, vous, femmes du futur ... Vous ne valez pas mieux qu'eux.
Je suis incapable de réfléchir. La seule chose dont je suis certaine, c'est que le Moyen-Age est trop compliqué pour moi. Je serai toujours inadaptée. Etre heureuse est peut-être possible pour les natifs de l'époque .Pour une fille du futur, c'est un rêve inaccessible.
Parfois, j'avais l'impression de vivre avec des êtres appartenant à une espèce différente de la mienne. J'était une étrangère dans ma propre maison, une extraterrestre perdue sur la terre. Dans ces moments-là, je me sentait seule.
- Salut, mec. Alors, tu kiffes le futur?
Antarès et moi manquons d'éclater de rire, tandis que Pierrick a l'air perplexe. En face de nous, Simone donne un coup de coude dans les côtes de son amie.
- Tu parles n'importe comment, chuchote t-elle. Regarde son expression interloquée. Il ne t'a pas comprise.
- Je parle pourtant médiéval, s'étonne Kitty.
- Je crois qu'en réalité, le langage médiéval est différent selon les situations, rétorque son amie. Quand un garçon et une fille dialoguent, ils parlent autrement.
- Ah bon? rétorque Kitty, un peu vexée. Et comment s'expriment-ils, je te prie?
- Ecoute moi.
Aussitôt, Simone se tourne vers Pierrick et déclame :
- Bienvenue à toi,
Garçon du passé.
Désormais la loi
Ainsi a tranché :
Chez nous c'est chez toi,
En toute amitié.
- C'est ridicule, souffle Kitty. Les médiévaux ne parlent pas du tout ainsi.
- Si, affirme Simone. J'ai vu un document. Le garçon portait de très jolis habits avec des dorures, il s'appelait Roméo et il s'adressait à une fille qui se tenait sur un balcon. Toutes leurs paroles rimaient !
- Tu as mélangé les siècles, rétorque Kitty en levant les yeux au ciel..."
Il est bien plus douloureux de voir mourir ceux qu’on aime que de mourir soi-même.
Les arguments en faveur de cette consommation inutile d'énergie sont ça va plus vite et c'est plus joli, pointant une fois de plus deux éléments importants du Moyen Age : gagner du temps et être séduisant...
Esther a changé. Elle ne doute plus d’elle-même. Elle n’a pas non plus besoin d’en faire trop pour être remarquée. Elle est là, tout simplement, et quand elle souhaite prendre la parole, elle est entendue. Elle existe enfin.