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Citations de Nâzim Hikmet (140)


Ce jardin, cette Terre humide, ce parfum de jasmin, cette nuit de clair de lune
continueront à étinceler lorsque jaurai pris le large,
car ils existent, liés à moi, avec moi et sans moi,
en moi n'est apparue que la réplique de l'original.
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Je ne ressens pas la nostalgie des jours passés
— sauf celle d’une nuit d’été —
et même l’ultime éclat bleu de mes yeux
te dira la bonne nouvelle
des jours à venir.
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Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon coeur bat avec l'étoile la plus lointaine.
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Six heures du matin
ouvrant la porte du jour, j'y suis entré
la saveur jeune du bleu m'a accueilli à la fenêtre
dans le miroir de mon front les rides d'hier
et sur ma nuque une voix de femme douce comme le duvet d'un coing
et à la radio les nouvelles du pays
et alors ma gourmandise sans répit débordante
je vais courir d'un arbre à l'autre dans le verger des heures
et le soleil se couchera mon petit
et j'espère qu'au delà de la nuit
m'attendra le goût d'un bleu nouveau, j'espère...

14 septembre 1960
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Nâzim Hikmet
AUTOBIOGRAPHIE

Je suis né en 1902
Je ne suis jamais revenu dans ma ville natale
Je n’aime pas les retours.
À l’âge de trois ans à Alep, je fis profession de petit-fils de pacha
à dix-neuf ans, d’étudiant à l’université communiste de Moscou
à quarante-neuf ans à Moscou, d’invité du Comité central,
et depuis ma quatorzième année, j’exerce le métier de poète.

Il y a des gens qui connaissent les diverses variétés de poissons moi celles des séparations.
Il y a des gens qui peuvent citer par cœur le nom des étoiles, moi ceux des nostalgies.

J’ai été locataire et des prisons et des grands hôtels,
J’ai connu la faim et aussi la grève de la faim et il n’est pas de mets dont j’ignore le goût.
Quand j’ai atteint trente ans on a voulu me pendre,
à ma quarante huitième année on a voulu me donner le Prix mondial de la Paix
et on me l’a donné.
Au cours de ma trente-sixième année, j’ai parcouru en six mois quatre mètres carrés de béton.
Dans ma cinquante-neuvième année j’ai volé de Prague à La Havane en dix-huit heures.
Je n’ai pas vu Lénine, mais j’ai monté la garde près de son catafalque en 1924.
En 1961 le mausolée que je visite, ce sont ses livres.
On s’est efforcé de me détacher de mon Parti
ça n’a pas marché
Je n’ai pas été écrasé sous les idoles qui tombent.
En 1951 sur une mer, en compagnie d’un camarade, j’ai marché vers la mort.
En 1952, le cœur fêlé, j’ai attendu la mort quatre mois allongé sur le dos.

J’ai été fou de jalousie des femmes que j’ai aimées.
Je n’ai même pas envié Charlot pour un iota.
J’ai trompé mes femmes
Mais je n’ai jamais médit derrière le dos de mes amis.

J’ai bu sans devenir ivrogne,
Par bonheur, j’ai toujours gagné mon pain à la sueur de mon front.
Si j’ai menti c’est qu’il m’est arrivé d’avoir honte pour autrui,
J’ai menti pour ne pas peiner un autre,
Mais j’ai aussi menti sans raison.

J’ai pris le train, l’avion, l’automobile,
la plupart des gens ne peuvent les prendre.
Je suis allé à l’opéra
la plupart des gens ne peuvent y aller et en ignorent même le nom,
Mais là où vont la plupart des gens, je n’y suis pas allé depuis 1921 :
à la Mosquée, à l’église, à la synagogue, au temple, chez le sorcier,
mais j’ai lu quelquefois dans le marc de café.

On m’imprime dans trente ou quarante langues
mais en Turquie je suis interdit dans ma propre langue.

Je n’ai pas eu de cancer jusqu’à présent,
On n’est pas obligé de l’avoir
je ne serai pas Premier ministre, etc.
et je n’ai aucun penchant pour ce genre d’occupation.

Je n’ai pas fait la guerre,
Je ne suis pas descendu la nuit dans les abris,
Je n’étais pas sur les routes d’exode, sous les avions volant en rase-mottes,
mais à l’approche de la soixantaine je suis tombé amoureux.
En bref, camarade,
aujourd’hui à Berlin, crevant de nostalgie comme un chien,
Je ne puis dire que j’ai vécu comme un homme
mais le temps qu’il me reste à vivre,
et ce qui pourra m’arriver
qui le sait ?

Nâzim Hikmet,
écrit le 11 septembre 1961 à Berlin-Est.

https://uncahierrouge.net/2018/03/02/nazim-hikmet-une-autobiographie/
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26 septembre 1945

Ils nous ont eu:
moi à l'intérieur des murs,
toi à l'extérieur.
Ce qui nous arrive n'est pas grave.
Le pire:
c'est de porter en soi la prison
conscient ou inconscient.
La plupart des hommes en sont là,
des hommes honnêtes, laborieux et bons,
dignes d'être aimés comme je t'aime.
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Leurs chants sont plus beaux que les hommes,
plus lourds d'espoir,
plus tristes,
et plus longue est leur vie.

Plus que les hommes j'ai aimé leurs chants
J'ai pu vivre sans les hommes
jamais sans les chants;
il m'est arrivé d'être infidèle
à ma bien-aimée,
jamais au chant que j'ai chanté pour elle;
jamais non plus les chants ne m'ont trompé.

Quelle que soit leur langue
j'ai toujours compris les chants.

En ce monde,
de tout ce que j'ai pu boire et manger,
de tous les pays où j'ai voyagé,
de tout ce que j'ai pu voir et entendre,
de tout ce que j'ai pu toucher et comprendre,
rien, rien ne m'a rendu jamais aussi heureux que les chants...

20 septembre 1960
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Je suis dans la clarté qui s'avance
Mes mains sont toutes pleines de désir, le monde est beau.

Mes yeux ne se lassent pas de regarder les arbres,
les arbres si pleins d'espoir, les arbres si verts.

Un sentier ensoleillé d'en va à travers les mûriers.
Je suis à la fenêtre de l'infirmerie.

Je ne sens pas l'odeur des médicaments.
Les oeillets ont dû fleurir quelque part.

Et voilà, mon amour, et voilà, être captif, là n'est pas la question,
la question est de ne pas se rendre.
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Je ne ressens pas la nostalgie des jours passés - sauf celle d'une nuit d'été - et même l'ultime éclat bleu de mes yeux te dira la bonne nouvelle des jours à venir.
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Mes frères,
couplés au boeuf décharné, nos poèmes
doivent pouvoir labourer la terre,
pénétrer jusqu'au genou
dans les marais des rizières,
poser toutes les questions,
rassembler toutes les lumières.
     
     
22 janvier 1962, Moscou

« Aux écrivains d'Asie et d'Afrique », extrait. Poèmes lyriques.
Traduction de Münevver Andaç et Guzine Dino, p. 227.
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Six heures du matin
ouvrant la porte du jour, j'y suis entré
la saveur jeune du bleu m'a accueilli à la fenêtre
dans le miroir de mon front les rides d'hier
et sur ma nuque une voix de femme douce comme le
duvet d'un coing
et à la radio les nouvelles du pays
et alors ma gourmandise sans répit débordante
je vais courir d'un arbre à l'autre dans le verger des
heures
et le soleil se couchera mon petit
et j'espère qu'au-delà de la nuit
m'attendra le goût d'un bleu nouveau, j'espère...

14 septembre 1960

(extrait de "Poèmes lyriques") - p.193
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Prends-moi aussi Yousouf
Sur ton bateau.
Mon bagage n'est pas lourd
Un livre, un cahier et une photo

Allons-nous- en , frère, allons-nous-en
Le monde vaut la peine d'être vu.

(...) C'est ainsi que Yousouf et moi
Passagers d'un bateau
Né de la fontaine d'une prison
Nous avons vu à Barcelone dans l'aurore
La liberté se battre en chair et en os
Nous l'avons regardée les yeux en flammes
Et comme la peau brune et chaude d'une femme
De nos mains d'hommes affamés
Nous avons touché la Liberté.
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Quatrain

Comme le grain sur la terre j' ai répandu mes morts
certains reposent à Odessa, certains à Istanbul, à
Prague d' autres encore,
le pays que je préfère est la terre entière
quand viendra mon tour recouvrez-moi de la terre entière

1959
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POÈMES


DIMANCHE

C'EST dimanche aujourd'hui.
Pour la première fois, aujourd'hui
ils m'ont laissé sortir au soleil
et moi
pour la première fois de ma vie
j'ai regardé le ciel sans bouger
m'étonnant qu'il soit si loin de moi
qu'il soit si bleu
qu'il soit si vaste
Je me suis assis par terre
plein de respect
et j'ai collé mon dos contre le mur blanc.
Il n'est pas question en cet instant
de me jeter dans les vagues.
Pas de combat en cet instant
Pas de liberté et pas de femme
Terre, soleil et moi
Je suis un homme heureux.
                            1938.
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Point du jour

Dans la maison endormie ce matin,
la lumière qui entre par la fenêtre ouverte,
comme une étoile laissée là par la nuit.
J'ai descendu l'escalier tout doucement,
je suis allé par le jardin, vers le bois de hêtres,
dans la calme fraîcheur de cette aube,
dans les arbres, la tendresse d'une jeune mère.
Par le pont de pierre ,passe et s'en va mon voyage.

Varsovie,20 février 1958
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Si j'étais platane si je me reposais à son ombre
si j'étais livre
que je lirais sans ennui dans mes nuits d'insomnie
crayon, je ne voudrais pas l'être
même pas entre mes propres doigts
si j'étais porte
je m'ouvrirais aux bons je me fermerais aux méchants
si j'étais fenêtre
une fenêtre sans rideaux grande ouverte
si je faisais entrer la ville dans ma chambre
si j'étais verbe
si je vous appelais au beau au juste au vrai
si j'étais parole
si je disais mon amour tout doucement

Moscou, 27 mai 1962
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Ce matin, de nouveau, je me suis réveillé ;
pêle-mêle se sont précipités sur moi
le mur, la couverture et la vitre et le bois,
la clarté d’argent noir au plafond reflétée.

Se sont précipités sur moi, un ticket de tram,
un demi-rêve éteint tombé à mon côté,
cet hostile pays nommé chambre d’hôtel,
trois lignes d’un poème, une couleur jaune paille.

Se sont précipités sur moi, le temps au front blanchi,
les souvenirs : être sous la pluie, le lit sans toi,
Et des nouvelles de nous deux et de notre vie séparée.
Ce matin, de nouveau, je me suis réveillé

(p. 261, « Paris, ma rose »)
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Offrons le globe aux enfants
Qu'une journée au moins
Le globe apprenne la camaraderie.
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Mais c’est surtout en approfondissant les ressources que le folklore de son pays lui offrait, dont il adopta, en les rendant actuelles, certaines formes d’expression, que Nazim fut amené à épouser le contenu de cette poésie faite de la chaleur humaine où les appels à la justice et à la révolte contre l’oppression ou la saveur même de la vie. La poésie populaire a donné, à Nazim, à travers les éléments de sa langue imagée, la conscience de l’immense réservoir de sentiment de liberté d’où l’âme du peuple tire sa nourriture spirituelle, sa souffrance et sa joie.
Fonction du langage, image poétique, chez Nazim, plutôt qu’une métaphore ou qu’un rapprochement de termes éloignés, est un « fait » poétique. C’est lui qui détermine le caractère souvent épique de ses poèmes. On pourrait dire que sa poésie est une poésie « d’actes » et que la circonstance qui lui sert de support participe de l’expérience de tous les hommes, sous toutes les latitudes.

(pp. 338-339, Tristan Tzara)
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Ce poète, inspiré, fut étonnamment fécond mais c’est parce qu’il avait beaucoup à dire. Il voulait écrire d’abord pour ses frères « analphabètes » de Turquie mais, malgré lui peut-être, il atteignit tous ses contemporains de bonne foi. On peut écrire de lui qu’il fut un poète universel. Et cet éloge nous devons le rappeler parce que peu de poètes ont atteint une audience mondiale et qu’il signifie que, malgré la très haute qualité de sa poésie, Nazim Hikmet n’a jamais voulu s’isoler dans une tour d’ivoire. Il a voulu (et il a réussi) se faire comprendre de tous ceux qu’il appelait ses frères. Il avait dans tous ses poèmes, même les plus intimes, exalté l’amitié. C’est toujours à des amis qu’il s’adressait et ses amis étaient innombrables. Il a souhaité dès qu’il commença à écrire, être fraternel car pour lui la fraternité n’était pas un vain mot, celui qu’on inscrit ou plutôt qu’on inscrivait au fronton des monuments publics en France. Son premier poème et son dernier poème sont des poèmes fraternels. Il parle aux hommes, à ses frères, de son existence intime, de son amour, de ses voyages, de ses expériences, parce qu’il veut non seulement leur « dire sa vie » mais les associer à sa vie.

(p. 10, extrait de la « Préface » de Philippe Soupault)
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