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Citations de Nâzim Hikmet (140)


Il est évident que, ne connaissant la poésie de Nazim Hikmet qu’à travers des traductions, ce qui constitue sa fluidité originelle ne saurait nous être transmis. Et, pourtant, malgré l’imperfection inhérente à toute traduction, cette poésie est chargée d’un tel potentiel humain que, même déshabillée du charme du langage, elle prend corps et se reforme en nous dans toute la fraîcheur de sa résonance affective.
Si l’on est fondé de voir en Nazim un poète qui du particulier a su élever sa conception du monde à un niveau supérieur, il n’est pas moins certain que c’est à la qualité de son sentiment, entièrement projeté sur l’amour de la vie, que l’on doit l’émotion qui s’attache à son œuvre. Son expérience personnelle recouvre l’expérience d’une bonne part de l’humanité, celle qui, tournée vers un avenir radieux, n’a pas besoin de connaître en détail l’histoire et la géographie de la Turquie pour comprendre à quel point l’asservissement du peuple turc est lié à la faillite d’un système social et d’une civilisation périmés. Tout en exaltant les espoirs du peuple turc, la poésie de Nazim Hikmet embrasse l’expression profondément humaine des aspirations communes à tous les peuples. En ce sens, la poésie de Nazim appartient au domaine culturel de l’homme d’aujourd’hui et, par l’ampleur de son authenticité historique, elle prend la valeur d’une vérité permanente.

(p. 337, Tristan Tzara)
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VOILA,
Je suis dans la clarté qui s'avance.
Mes mains sont pleines de désirs, le monde est beau.
Mes yeux ne se lassent pas de voir les arbres,
Les arbres si pleins d'espoir, les arbres si verts.
Un sentier ensoleillé s'en va à travers les mûriers.
Je suis à la fenêtre de l'infirmerie.
Je ne sens pas l'odeur des médicaments.
Les œillets ont dû fleurir quelque part.
Et voilà, mon amour, et voilà, être captif, là n'est pas la
question,
la question est de ne pas se rendre...
(1948)
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Chaque jour plus près du départ
Adieu Terre bien-aimée
et bonjour
UNIVERS...
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Six heures du matin
ouvrant la porte du jour, j'y suis entré
la saveur jeune du bleu m'a accueilli à la fenêtre
dans le miroir de mon front les rides d'hier
et sur ma nuque une voix de femme douce comme le
 duvet d'un coing
et à la radio les nouvelles du pays
et alors ma gourmandise sans répit débordante
je vais courir d'un arbre à l'autre dans le verger des
 heures
et le soleil se couchera mon petit
et j'espère qu'au-delà de la nuit
m'attendra le goût d'un bleu nouveau, j'espère…

                         14 septembre 1960

p.193
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Pluies d’été

Comme une jeune mariée aux cheveux blonds,
fils d’argent et paillettes, scintillent au soleil les pluies.
La sérénité des tuiles mouillées
peu à peu me pénètre :
j’attends.
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LE NOYER

Je suis tout imprégné de mer et sur ma tête écument les nuées
Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Un vieux noyer tout émondé, le corps couvert de cicatrices
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Et tout mon feuillage frémit comme au fond de l'eau le poisson
Et comme des mouchoirs de soie, mes feuilles froissent leurs frissons
Arrache-les, ô mon amour, pour essuyer tes pleurs.
Or mes feuilles, ce sont mes mains, j'ai justement cent mille mains
De cent mille mains je te touche et je touche Istanbul
Mes feuilles ce sont mes yeux, et je regarde émerveillé
De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul
Et mes feuilles battent et battent comme cent mille coeurs

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.
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Nâzim Hikmet
Je suis dans une solitude étrange, ce n'est pas une solitude absolue et complète. La solitude absolue et complète doit certainement être une chose plus effrayante encore, quelque chose comme la captivité absolue et complète, ou bien une chose semblable à la cécité absolue et totale. Je suis dans une demi-solitude. Une partie de ma personne est en contact étroit avec la foule de l'univers depuis ses insectes jusqu'à ses étoiles et le grouillement des hommes aux quatre coins du monde je suis avec eux... en eux... Quant à l'autre partie de moi-même elle est seule. À tel point seule, que c'est la première fois que j'éprouve ce sentiment. Parfois, j'étouffe de tristesse. Une partie de ma personne étouffe. Je dois vaincre ce sentiment de solitude, cette maudite tristesse. Il y a un seul moyen pour cela : c'est accepter que dorénavant je n'aurai pas de vie personnelle. D'ailleurs j'ai si peu vécu pour moi-même jusqu'à présent, je ne m'en plains pas, il ne faut pas mal me comprendre ! - Oui, accepter que je n'aurai pas de vie personnelle même dans la mesure où je l'ai eue jusqu'à présent. Il faut réaliser cela.

Vivre, que je sois en prison ou en liberté, que je contemple le clair de lune, la main de ma bien-aimée dans la mienne, où les punaises qui marchent au plafond de ma chambre de prison, vivre est un bonheur (...) À présent cela a changé. Vivre n'est pour moi qu'un devoir. C'est pour cela que j'ai acquis une force effrayante, maudite. La force de la pierre, du fer, du bois sec... Il paraît que le corps des lépreux perd sa sensibilité, on leur brûlurait le nez qu'il ne le sentirait pas. Mon âme, c'est-à-dire ma conscience, c'est-à-dire mon cerveau et mon système nerveux en sont arrivés là. Désormais il n'est plus possible que j'éprouve de la souffrance, mais il n'est pas possible non plus que j'éprouve du bonheur. J'ai rejeté ces deux choses de ma vie. S'il faut l'exprimer en un mot, je n'existe pas en tant qu'individu.

Des choses comme l'amour, la tendresse, la pitié, l'émerveillement devant la beauté, sont loin de moi. Je suis très fort, ceci n'est pas non plus une force impitoyable, violente, amère. Car ces choses-là aussi font partie du système nerveux, de la sensibilité. Il s'agit pour moi d'une force aveugle, quelque chose comme la force de la nature. Pourquoi suis-je devenu ainsi ? Comme j'étais heureux quand j'étais un homme faible, quand je n'étais qu'un homme simplement. Pourquoi ai-je perdu ce bonheur ? Pourquoi suis-je devenu cet homme fort ? La raison n'est pas unique, il y en a un tas... Ça ne vaut pas la peine d'en parler...
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LETTRES ET POÈMES (1942-1946).



III

Je te dirai quelque chose
       d’une importance capitale
L’homme change de nature
       quand il change de lieu.
J’aime effroyablement ici
le sommeil qui vient comme une main amie
ouvrir les verrous de ma porte
et renverser les murs qui m’enferment.
Comme dans la comparaison banale
je me laisse aller dans le sommeil
comme la lumière glisse dans les eaux tranquilles
Mes rêves sont magnifiques
je suis toujours dehors
Le monde y est clair, le monde y est beau
Pas une fois encore
je n’y fus prisonnier.
Pas une fois encore dans mes rêves
je ne suis tombé de la montagne dans l’abîme.
Tes réveils sont terribles diras-tu,
Non, ma femme,
J’ai assez de courage pour faire au rêve sa part de rêve.

p.56
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Nâzim Hikmet
Crois aux grains, à la terre, à la mer
Mais avant tout à l'homme.
Aime le nuage, la machine et le livre
Mais avant tout aime l'homme.
Sens la tristesse
de la branche qui se dessèche
de la planète qui s'éteint
de l'animal infirme
Mais avant tout la tristesse de l'homme.
Que tous les biens terrestres te prodiguent la joie
Que l'ombre et la clarté te prodiguent la joie
Que les quatre saisons te prodiguent la joie
Mais avant tout que l'homme te prodigue la joie.
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Cela fait cent ans
Que je n'ai pas vu ton visage
Que je n'ai pas passé mon bras
Autour de ta taille
Que je ne vois plus mon visage dans tes yeux
Cela fait cent ans que je ne pose plus de question
À la lumière de ton esprit
Que je n'ai pas touché à la chaleur de ton ventre.
Cela fait cent ans
Qu'une femme m'attend
Dans une ville.
Nous étions perchés sur la même branche,
Sur la même branche
Nous en sommes tombés, nous nous sommes quittés
Entre nous tout un siècle
Dans le temps et dans l'espace.
Cela fait cent ans que dans la pénombre
Je cours derrière toi.
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Toi je t'aime comme je mange le pain avec du sel
comme me réveillant dans la nuit brûlant de fièvre
pour boire de l'eau j'appuie ma bouche au robinet
comme j'ouvre agité, joyeux, inquiet
le lourd colis postal on ne sait quoi
toi je t'aime comme si pour la première fois je traversais la mer en avion
comme certaines choses qui frémissent en moi
quand doucement la nuit tombe sur Istanbul
toi je t'aime comme on dit "grâce au ciel, nous vivons..."

27 août 1960
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Tout naît tout meurt à qui mieux mieux
arbres étoiles hommes
virus et cetera
quel empressement quel boucan
et autant de nostalgie que d’espoir
on meurt on naît à l’envi

31 janvier1958
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Dans les paumes d'enfants nos jours attendent
patiemment leur tour.
Dans les paumes d'enfants nos jours sont des semences
Qui germeront dans des paumes d'enfants.
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(...)
Nous sommes au bord de l'eau,
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.
L'eau est fraîche,
le platane est immense,
moi j'écris des vers,
le chat somnole,
nous vivons Dieu merci,
le reflet de l'eau nous effleure,
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

"Légende des légendes", Varsovie, 7 mars 1958
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LE VOYAGE


Le voyage on le fait sur un cargo de charbon
Reste-t-il un port où l'on ne s'est pas encore battu ?
Reste-t-il une tristesse que nous n'ayons pas encore
 chantée ?
L'horizon qu'on voyait chaque matin devant
Ne l'a-t-on pas vu chaque soir derrière ?
Que d'étoiles ont filé devant nous
Frôlant les eaux.
Chaque aurore n'était-elle pas le reflet
De notre grande nostalgie ?
On y va malgré tout, n'est-ce pas, on y va.

                                    1948

p.91
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Aucun doute qu'en cet instant
pour trouver les réponses aux questions
que tu poses aux étoiles
tu empiles des montagnes de livres
aux épaisses couvertures de cuir
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L'amour est une drôle d'histoire:
Tout ceux qui ne se sont pas aimés Ne se jettent pas forcément à la rivière.
Les hommes ont bien des talents:
Les hommes savent aimer sans être aimés.
Drôle d'histoire que l'amour.
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L’OPTIMISTE
Enfant il n’a pas arraché les ailes des mouches
attaché des boîtes de conserve à la queue des chats
ni emprisonné les cafards dans des boîtes d’allumettes
ou détruit des fourmilières
il a grandi
et toutes ces choses on les lui fit
j’étais à son chevet quand il mourut
récite un poème dit-il
sur le soleil sur la mer
sur les cuves atomiques et les lunes artificielles
sur la grandeur de l’humanité.

(6 décembre 1958)
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Nous savons tous deux, ma bien-aimée,
qu’on nous a appris à avoir faim et froid ;
à crever de fatigue et à vivre séparés.
Nous ne sommes pas encore obligés de tuer,
il ne nous est pas encore arrivé de mourir.

Nous savons tous deux, ma bien-aimée,
que nous pouvons apprendre aux autres
à combattre pour les nôtres
et à aimer chaque jour un peu plus
chaque jour un peu mieux…

(5 octobre 1945)
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Cest bientôt le printemps.
Le vent souffle du sud,
avec quelle ardeur
avec quelle chaleur...
Nous autres nous sommes six cents hommes
privés de femmes.
On nous a volé
le droit d'engendrer.
Mon pouvoir le plus formidable m'est interdit: donner une vie nouvelle,
vaincre la mort dans une matrice féconde,
procréer avec toi, mon amour,
il m'est interdit de toucher à ta chair.
C'est bientôt le printemps.
La tempête.
Le vent du sud.
Il souffle avec quelle ardeur
quelle chaleur...

(Le vent du sud)
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