Croire en ses rêves : dans mon pays natal, au Bangaladesh , c'est difficile de s'instruire.......je crois que c'est en partageant nos histoires que nous formons réellement une communauté ........
Au bout de deux heures, ils arrivèrent au fleuve. Elle descendit du bus avec les autres passagers et grimpa sur le pont supérieur du ferry par une échelle de bord rouillée pour prendre un peu l'air. Elle se dit que George aurait aimé photographier les fines nasses en bambou qui dépassaient du fleuve comme de gigantesques arcs tendus et les pêcheurs qui vérifiaient leur filets accroupis sur leur radeaux, indifférents au ferry bondé. Elle n'avait pas cessé de répéter à son mari que le Bangladesh était magnifique une fois que l'on sortait des villes, mais durant les neuf jours qu'il avait passé dans son pays, ils n'avaient pas été plus loin que le Mémorial des martyrs de la nation à Savar. A présent, elle se demandait s'il serait de son avis. Malgré la brume dense, on distinguait la végétation sur la rive opposée ; des bouquets de jacinthes d'eau flottaient comme de minuscules iles devant le ferry. Si l'on se tenait au bastingage en dirigeant le regard droit devant, on apercevait un paysage où il n'y avait pas un être humain : juste un grand cormoran noir planant au ras de l'eau, dont seule l'ombre floue aux contours improbables révélait la présence du soleil caché.
George disait qu'il aimait beaucoup lire, mais qu'il ne comprenait pas les gens qui se coltinaient des monceaux d'âneries publiées de nos jours, alors que l'on pouvait passer sa vie entière à lire des livres dont la grandeur n'était plus à prouver.
Une fois de plus, elle eut l’impression déroutante que son passé continuait à suivre son cours, parallèlement au présent, il n’y avait qu’au téléphone que les deux flots se croisaient.
Elle traverse le hall la tête baissée ; il se lève pour qu'elle puisse les repérer. Il faut attendre la seconde précédant leur étreinte pour que la glace se brise entre la fille et le père, et que dans leur regard se rallume cette extraordinaire connivence : en leur for intérieur, ils estiment être les deux seules personnes vraiment sensées sur Terre.
Amina hocha la tête, mais ce désir d’être « seuls ensemble » pouvait se comprendre si l’on vivait dans une maison animée, pleine d’enfants, de grands-parents, de tantes et d’oncles. Là ils étaient seuls ensemble, et comme le son de la télévision était coupé, ils n’entendaient que le ronflement de tous leurs appareils électriques.
A leurs yeux les êtres humains devaient être comme les rideaux et les canapés : assortis.
Il y a plein de choses très belles. Pourvu qu'on les voies au bon moment.
« Une part de nous-mêmes ne demande qu’à être démasquer. »
Nasir jeta un coup d’œil à la boîte qu'elle avait encore à la main - puis se retourna si vite qu'elle eut à peine le temps de graver une dernière fois son visage dans son souvenir. Au lieu de cela, elle regarda son large dos franchir les portes teintées et se diriger vers le parking, où il pâlit soudain et revêtit la distance surannée d'un personnage de filme en noir et blanc.